Droite ou gauche, comment situer l’écologie ?

Droite ou gauche est une vision spécifiquement française de la bipolarité politique. En tant qu’écologiste, nous avons une autre conception socio-politique : il y a ceux qui ont conscience des limites et les autres qui n’ont pas encore cette perception. L’écologie relève en effet d’une logique de la modération, la société moderne veut nous faire oublier les limites dans tous les domaines.

Historiquement, au moment de la révolution française, les conservateurs (royalistes) se trouvaient à droite de l’hémicycle et les progressistes (républicains) à gauche. Cette conception perdure mais elle est devenu marginale. Au XIXe siècle, la distinction s’est affirmée ainsi : la droite a défendu le système libéral de marché (les capitalistes) et la gauche l’analyse marxiste (le prolétariat). Aujourd’hui la lutte de classes entre les propriétaires des moyens de production (le facteur capital) et les travailleurs (le facteur travail) est dépassé. De toute façon le classement gauche ou droite est relatif. Au moment de la révolution, les libéraux étaient à gauche de l’échiquier, ils se sont décalés vers la droite. Réciproquement, on peut noter un basculement des partis de la gauche vers la droite au fur à mesure des conquêtes sociales ; le Parti radical, à l’extrême gauche au début de la troisième République, passe au centre-gauche sous la quatrième pour terminer aujourd’hui à droite (soutien à l’UMP).

Ce qui importe, c’est que l’accumulation des marchandises s’est faite au détriment des possibilités de la biosphère. D’où la naissance de l’écologie politique, la gauche et la droite attachant trop d’importance à l’économie et/ou au social pour considérer les contraintes naturelles. C’est avec sagacité qu’André Gorz avait subsumé l’économie contemporaine capitaliste et socialiste sous un concept plus large, l’industrialisme (le productivisme). Ce ne sont pas les différents régimes de propriété des moyens de production qui déterminent les modalités d’exploitation de la nature mais bien la mentalité de ceux qui prennent des décisions importantes. La création d’une entreprise, option « de droite », utilise nécessairement encore plus de ressources naturelles. Quand on est écolo, il faut donc se poser la question de l’utilité réelle de cette production supplémentaire de biens ou de services. Dépasse-t-on les limites ? Si on considère la création d’un avantage social, conception « de gauche », un écolo se demandera s’il n’est pas possible de satisfaire autrement cette dépense collective en utilisant moins de ressources. Bien entendu l’existant peut également être revu : les limites de la biosphère doivent toujours guider notre réflexion et notre comportement.

C’est d’ailleurs ce qu’affirme le Manifeste pour une société écologique (lors de la création d’EELV le 13 novembre 2010) : « Le capitalisme renforce chaque jour une logique construite sur l’endettement, la précarité de l’emploi et l’augmentation de l’empreinte écologique. Le socialisme étatique et productiviste, de son coté, a fait tragiquement long feu, définitivement sorti de l’histoire par la confrontation au réel, ayant échoué à mettre en application ses valeurs dans l’exercice du pouvoir. La plupart des forces de gauche, issues du XIXe siècle, oscillent entre repli sectaire et accompagnement gestionnaire. Les deux grands courants idéologiques engendrés par la révolution industrielle sont désormais à bout de souffle ; le credo productiviste, produire plus pour consommer plus et stimuler la croissance, constitue leur matrice commune. Conjuguant innovation et tradition, radicalité et précaution, nature et société, le projet écologiste concourt au dépassement des catégories progressistes et conservatrices qui, jusqu’à présent, ont monopolisé l’histoire. C’est, plus exactement, une réponse politique ajustée à l’écosystème fragile de la planète. A droite, à gauche ou au centre, beaucoup se disent maintenant convaincus de l’importance de la question écologique. Mais force est de constater que, dans les programmes et les décisions des formations de droite, de gauche ou du centre, l’intégration de la question écologique apparaît plus comme une posture d’opportunité, une concession à l’air du temps, une catégorie parmi d’autres, que comme un véritable tournant. L’écologie politique a donc toute raison de revendiquer son autonomie, refusant de devenir une force d’appoint assignée à la sous-traitance ou au supplément d’âme. Mais autonomie n’est pas isolement. Il nous faut donc construire des majorités d’idées en cherchant en permanence des partenariats avec d’autres forces politiques et plus largement avec les organisations et les mouvements sociaux concernés. Etc… »

On peut aussi penser que « Le concept de gauche se caractérise principalement par l’acceptation du partage et celui de droite par son refus ». Dans ce sens l’écologie serait de gauche, car le partage deviendra le seul moyen d’éviter que les pénuries prochaines engendrent violences et chaos. Mais il est aussi probable que ce soit un gouvernement « de droite » qui mette en place un système de rationnement si la situation ressemble à un état de guerre. Cette séparation par le partage reste trop floue car le partage peut être imposé. Le flou accompagne aussi la référence démocratique. Le populisme peut pervertir l’idéal démocratique de la libre conscience individuelle. Mais si on considère qu’il n’y a plus que deux tendances politiques pour le XXIe siècle, le nationalisme type Front national et l’écologisme, on peut retrouver notre définition de départ : il y a ceux qui ont une volonté de toute puissance et ceux qui ont le sens des limites.

12 réflexions sur “Droite ou gauche, comment situer l’écologie ?”

  1. @ José
    Si l’écologie est un outil de légitimation parfait du contrôle social et politique, cela ne veut pas dire qu’il faille s’asseoir dessus, bien au contraire. Mais juste qu’il faut être vigilant quand un courant politique – le socialisme -, qui a surtout provoqué misères, malheurs et barbarie pendant le XXème siècle, en URSS en Chine et ailleurs, commence à s’emparer des thèmes écologistes … Juste être vigilant pour pouvoir participer à un avenir qui sache concilier écologie et démocratie, loin des totalitarismes de tout poil.

  2. @ José
    Si l’écologie est un outil de légitimation parfait du contrôle social et politique, cela ne veut pas dire qu’il faille s’asseoir dessus, bien au contraire. Mais juste qu’il faut être vigilant quand un courant politique – le socialisme -, qui a surtout provoqué misères, malheurs et barbarie pendant le XXème siècle, en URSS en Chine et ailleurs, commence à s’emparer des thèmes écologistes … Juste être vigilant pour pouvoir participer à un avenir qui sache concilier écologie et démocratie, loin des totalitarismes de tout poil.

  3. Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage, c’est bien connu… Pour certains, évoquer par exemple un rationnement est une atteinte aux libertés, donc une certaine forme de totalitarisme; c’est vrai quoi, la liberté c’est aussi partager ce que la nature nous donne. Ce qu’on oublie avec ce raisonnement, c’est de penser à ceux qui n’ont pas dans ce partage voix au chapitre, qui n’ont pas de bulletin de vote et qui pourtant ne sont ni des repris de justice, ni des animaux. La démocratie qu’on nous présente comme la perfection ultime a simplement oublié ceux-là, ces foules qui dans le futur ne pourront que subir nos choix actuels. Dans un monde jadis sans limites, la question ne s’est jamais posée à Platon, mais pouvons-nous aujourd’hui concilier sans l’ombre d’un doute justice et démocratie telle que beaucoup la désirent?

  4. Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage, c’est bien connu… Pour certains, évoquer par exemple un rationnement est une atteinte aux libertés, donc une certaine forme de totalitarisme; c’est vrai quoi, la liberté c’est aussi partager ce que la nature nous donne. Ce qu’on oublie avec ce raisonnement, c’est de penser à ceux qui n’ont pas dans ce partage voix au chapitre, qui n’ont pas de bulletin de vote et qui pourtant ne sont ni des repris de justice, ni des animaux. La démocratie qu’on nous présente comme la perfection ultime a simplement oublié ceux-là, ces foules qui dans le futur ne pourront que subir nos choix actuels. Dans un monde jadis sans limites, la question ne s’est jamais posée à Platon, mais pouvons-nous aujourd’hui concilier sans l’ombre d’un doute justice et démocratie telle que beaucoup la désirent?

  5. Juste un exemple. Il y a un nouveau parti, Nouvelle Donne, qui dit se situer à gauche, prend acte de la fin de la croissance telle qu’on l’a connue, et dit intégrer des problèmatiques écologistes.
    Dans un document, ‘les 20 propositions’, il n’hésite pas à oublier la dictature communiste en Roumanie à la fin de la seconde guerre mondiale, mais donne le sentiment de ne pas qualifier notre régime politique de démocratique. Il a beau être soutenu par le penseur français de la complexité (Edgar Morin pour ne pas le citer) comme par Dominique Méda, qui s’est récemment interrogée sur la mystique de la croissance, il y a de quoi s’interroger.
    Difficile en tout cas d’oublier d’une part que le totalitarisme a historiquement quelque chose à voir avec la gauche, et d’autre part que l’écologie est un outil de légitimation parfait du contrôle social et politique … le mariage de l’écologie et de la gauche peut alors inquiéter ceux qui sont épris de liberté.

  6. Juste un exemple. Il y a un nouveau parti, Nouvelle Donne, qui dit se situer à gauche, prend acte de la fin de la croissance telle qu’on l’a connue, et dit intégrer des problèmatiques écologistes.
    Dans un document, ‘les 20 propositions’, il n’hésite pas à oublier la dictature communiste en Roumanie à la fin de la seconde guerre mondiale, mais donne le sentiment de ne pas qualifier notre régime politique de démocratique. Il a beau être soutenu par le penseur français de la complexité (Edgar Morin pour ne pas le citer) comme par Dominique Méda, qui s’est récemment interrogée sur la mystique de la croissance, il y a de quoi s’interroger.
    Difficile en tout cas d’oublier d’une part que le totalitarisme a historiquement quelque chose à voir avec la gauche, et d’autre part que l’écologie est un outil de légitimation parfait du contrôle social et politique … le mariage de l’écologie et de la gauche peut alors inquiéter ceux qui sont épris de liberté.

  7. Bertrand, nous ne « massacrons » pas la démocratie, nous disions simplement que c’est un concept flou. Le stalinisme et le maoïsme se sont instaurés comme des démocraties « populaires » et de leur côté ils considéraient la démocratie occidentale comme un jeu de dupes.
    Vous dites que la démocratie défend par définition l’intérêt général. Or la démocratie est faite par des individus qui ne considèrent souvent que leur intérêt personnel à travers leur groupe d’appartenance. Ils oublient les acteurs absents dans leurs délibérations démocratiques, par exemple l’intérêt des générations futures…

  8. Bertrand, nous ne « massacrons » pas la démocratie, nous disions simplement que c’est un concept flou. Le stalinisme et le maoïsme se sont instaurés comme des démocraties « populaires » et de leur côté ils considéraient la démocratie occidentale comme un jeu de dupes.
    Vous dites que la démocratie défend par définition l’intérêt général. Or la démocratie est faite par des individus qui ne considèrent souvent que leur intérêt personnel à travers leur groupe d’appartenance. Ils oublient les acteurs absents dans leurs délibérations démocratiques, par exemple l’intérêt des générations futures…

  9. Merci beaucoup, jusqu’au trois dernières lignes où vous massacrer la notion de démocratie. L’écologie est fondamentalement subordonnée à la démocratie, car l’écologie est partie intégrante de l’intérêt général, et seule la démocratie permet de défendre l’intérêt général, par construction. De plus, un rationnement ne garantit en rien une exploitation raisonnée du rare. La société de consommation est d’ailleurs une société qui organise la rareté. En quelque sorte, nous sommes déjà rationné, le partage se faisant par la loi de l’offre et de la demande. Dommage, beaucoup de ligne pour échouer sans aucune ouverture plus originale qu’un autre clientélisme. Je ne considère pas qu’il puisse y avoir deux tendances. Je pense qu’il n’y en a qu’une : on tend vers l’autonomie et la démocratie ou vers la dépendance et la dictature. Nous sommes à mi-chemin. Cordialement.

  10. Merci beaucoup, jusqu’au trois dernières lignes où vous massacrer la notion de démocratie. L’écologie est fondamentalement subordonnée à la démocratie, car l’écologie est partie intégrante de l’intérêt général, et seule la démocratie permet de défendre l’intérêt général, par construction. De plus, un rationnement ne garantit en rien une exploitation raisonnée du rare. La société de consommation est d’ailleurs une société qui organise la rareté. En quelque sorte, nous sommes déjà rationné, le partage se faisant par la loi de l’offre et de la demande. Dommage, beaucoup de ligne pour échouer sans aucune ouverture plus originale qu’un autre clientélisme. Je ne considère pas qu’il puisse y avoir deux tendances. Je pense qu’il n’y en a qu’une : on tend vers l’autonomie et la démocratie ou vers la dépendance et la dictature. Nous sommes à mi-chemin. Cordialement.

  11. Il est certain qu’avant de nous sanctionner, probablement durement, pour atteinte aux limites, la nature ne nous demandera pas si nous étions de gauche ou de droite. Cette interrogation minuscule du microcosme politique français paraîtra alors bien insignifiante.
    Comment donc se fait-il que tant de gens jugent encore des choses de ce monde en fonction du positionnement sur cette ligne de visée unidirectionnelle, pauvre et historiquement marquée qu’est l’axe droite-gauche ?
    L’écologie a besoin d’autre chose, elle a besoin d’abord de notre respect pour la nature et de notre reconnaissance de sa beauté, là est le point de départ, au-delà de tout utilitarisme.
    Sur cette réflexion et ce positionnement des mouvements écologistes voir aussi cet article : http://economiedurable.over-blog.com/article-l-ecologie-est-elle-de-gauche-101495633.html

  12. Il est certain qu’avant de nous sanctionner, probablement durement, pour atteinte aux limites, la nature ne nous demandera pas si nous étions de gauche ou de droite. Cette interrogation minuscule du microcosme politique français paraîtra alors bien insignifiante.
    Comment donc se fait-il que tant de gens jugent encore des choses de ce monde en fonction du positionnement sur cette ligne de visée unidirectionnelle, pauvre et historiquement marquée qu’est l’axe droite-gauche ?
    L’écologie a besoin d’autre chose, elle a besoin d’abord de notre respect pour la nature et de notre reconnaissance de sa beauté, là est le point de départ, au-delà de tout utilitarisme.
    Sur cette réflexion et ce positionnement des mouvements écologistes voir aussi cet article : http://economiedurable.over-blog.com/article-l-ecologie-est-elle-de-gauche-101495633.html

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