effondrement des villes, explosion des inégalités

Le 6e sommet mondial de l’eau vient d’avoir lieu à Marseille. L’article principal du MONDE* parle des grandes villes chinoises qui s’affaissent par surexploitation des nappes phréatiques : ainsi le centre de Shanghai a baissé de 2,6 mètres depuis 1921. Lors du Forum mondial de l’eau à Mexico en mars 2006, on notait que cette ancienne capitale des Aztèques, jadis construite sur un lac, s’enfonçait au rythme de 50 centimètres par an : les nappes phréatiques y étaient pompées frénétiquement comme en Chine actuellement. Nous sommes en train de dilapider le capital naturel, ce qui entraîne le renforcement des inégalités sociales !

Mexico est l’exemple de ce qui se généralise, l’inégalité totale d’accès à l’eau potable. Dans la partie nord-est qui concentre espaces verts et quartiers résidentiels, l’eau sous pression coule claire et abondante, le mètre cube est très abordable à 11 centimes d’euros. On arrose le gazon et on remplit souvent les piscines, laver la voiture est une habitude renouvelée. Le reste de l’agglomération reçoit une eau à faible débit, qui présente le plus souvent une couleur jaunâtre peu engageante,  avec des coupures fréquentes ; alors on s’achète des bidons de 20 litres d’eau potable à prix prohibitif. D’ailleurs comment une mégalopole de 21 millions d’habitants, qui augmente chaque année de 300 000 nouveaux arrivants, peut-elle être durable ?                 De même en Chine. Alors que 19 % seulement de la population vivait dans de villes en 1979, presque 700 millions de Chinois habitent maintenant dans des zones urbaines, soit 51,3 % de la population. Cela n’est pas durable.

Mao, qui avait beaucoup de défauts, disait aussi des choses  justes, comme savoir marcher sur ses deux jambes, c’est-à-dire continuer le progrès industriel sans négliger l’agriculture. L’afflux de citadins dans les villes était strictement contrôlé. Aujourd’hui encore le statut de « rural » (le hukou) interdit aux paysans chinois de s’installer en ville. Mais avec la conversion du communisme chinois au libéralisme industriel, il y a aujourd’hui quelque 150 millions de mingong, ces paysans-ouvriers privés de droit et exploités dans les mines et les villes parce que sacrifiés à la croissance économique. Ils sont aussi les premières victimes d’une crise. Face au tsunami financier de 2008, la Chine avait commencé à renvoyer ses mingongs dans leur campagne d’origine.

La Chine a l’avantage de ses inconvénients. Son régime dictatorial lui permet de mener une politique d’urbanisation ou son inverse, la désurbanisation.  Mais sa marge de manœuvre est devenue minime. Comment renvoyer des centaines de millions de personnes à la campagne si ce n’est en renforçant les inégalités sociales, jusqu’à l’explosion ! Ecologie et social ont partie liée.

* LE MONDE du 17 mars, Plusieurs grandes villes chinoises s’affaissent