Pour nourrir les hommes, il faut d’abord aimer la terre. Et c’est peu dire que René Dumont se passionne pour la terre. « Dès que j’ai eu la force physique de prendre la fourche au poing, je l’ai fait. » Intégré à l’Institut agronomique national en 1922, le professeur qu’il deviendra a voué sa vie et son métier à la production agricole. Des djebels aux deltas, des savanes aux sierras, ce sont des centaines de sociétés rurales que l’agronome étudie de près et dont il ramène les angoisses et les colères. En Asie ou en Afrique, il partage le bol de riz ou la boule de mil. « Etre expert, c’est d’abord connaître et partager la vie des paysans. » Partout dans le tiers-monde, l’agronome plaide pour la réhabilitation du travail manuel. « Apprendre à labourer est plus urgent que le théâtre de Racine », répète-t-il en Afrique où le diplôme universitaire a pris une dimension quasi-mythique. Péché mortel selon Dumont : les diplômes servent principalement à fabriquer des fonctionnaires parasitaires. Abidjan, faculté des sciences. Les étudiants applaudissent à tout rompre son discours sur la dégradation des termes de l’échange et les inégalités Nord-Sud. Soudain il hausse le ton et tend un doigt accusateur : « Vous êtes un par chambre, vous vivez comme des petit-bourgeois, savez-vous combien ça coûte aux familles de paysans pour vous entretenir ? » Silence glacial. Il en appelle à une éducation fonctionnelle : « à six ans les enfants peuvent repiquer, sarcler en terre légère, arroser, commencer à produire des légumes ».
Dumont découvre l’Amérique du Sud en 1957. Dès son arrivée à Bogota, on le prévient : « Si vous prononcez le seul mot de réforme agraire, vous serez immédiatement expulsé. » Pourtant en 1957, il s’envole vers Mexico ; Norman Borlaug vient de créer une variété de blé adaptée aux milieux tropicaux semi-arides, capable d’accepter de fortes doses d’engrais azotés. Pour le tiers-monde, l’agronome a cru aux semences miracles de la « Révolution verte » Dumont sera le premier agronome européen à rencontrer Borlaug : vive la science et la technique ! Mais chez lui, le technicien est toujours inséparable du sociologue. Il s’interroge sur les conditions socio-économiques de l’application de la Révolution verte dans un pays comme l’Inde. Le paquet technologique nécessaire coûte très cher : usage massif d’engrais chimique et de pesticides, mécanisation, irrigation. « Seuls les riches peuvent investir, si bien que la Révolution verte enrichit les riches et appauvrit les pauvres. »
René est mort le 18 juin 2001, souvenons-nous de ses compétences en agriculture, partie intégrale d’un savoir-faire écologique…
Source : René Dumont, une vie saisie par l’écologie de Jean-Paul Besset
Bonsoir Biosphère,
un Jancovici de plus:
2013 Transition énergétique pour tous,
http://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences/environnement-developpement-durable/transition-energetique-pour-tous_9782738129796.php
@ Alain non D
ce livre poche de Jancovici en 2013, Transition énergétique pour tous (ce que les politiques n’osent pas vous dire) n’est en fait que le livre originellement publié en 2011 sous le titre« changer le monde, tout un programme ! »
Nous ne résistons pas à une petite citation tirée du livre : « Si demain nous n’avions plus de pétrole, ni gaz, ni charbon, ce n’est pas 4 % du PIB que nous perdrions (la place de l’énergie dans le PIB), mais près de 99 %… Rappelons qu’il ne saurait y avoir d’humanité prospère et le moindre PIB bien gras et bien dodu sur une planète dévastée… Une grande partie des évolutions économiques et sociales vont s’inverser… Le prix de la biosphère est infini ; sans elle, l’espèce humaine deviendrait immédiatement un vestige du passé. »
On voit par là, (sur la formation et la nécessité de réhabiliter le travail manuel) que 40 ans avant, René Dumont était un précurseur de Jean-Marc Jancovici qui nous rappelle souvent que notre excroissance administrative n’est possible que grâce à la disponibilité en énergie. Dans un monde sans énergie, le secteur tertiaire devra faire une large cure d’amaigrissement
Quelques livres résumés de Jean-Marc Jancovici :
2006 Le plein s’il vous plaît de JANCOVICI et Alain GRANDJEAN (Seuil)
2009 C’est maintenant ! Trois ans pour sauver le monde de Jancovici et Grandjean
2011 Changer le monde, tout un programme de Jean-Marc Jancovici