Le 2 août 1914, le tocsin sonne : c’est la guerre ! Le môme Dumont est tout excité. Son oncle le foudroie alors du regard : « Tais-toi ! La guerre, c’est l’assassinat des paysans. » Il s’aperçoit que le curé lui ment quand il prétend que Dieu est avec la France alors qu’il a vu de ses propres yeux le Gott mit uns gravé sur les ceinturons allemands. Lors de son enterrement le 19 juin 2001, la dernière volonté de René Dumont consista à faire entendre Boris Vian chantant « Le Déserteur ».
Le pacifisme constituera son seul dogmatisme. Dumont entame la lutte contre toutes les armées, contre toutes les guerres. Son service militaire fut homérique. En 1924 à l’Agro, les élèves sont astreints à la préparation militaire pour devenir officiers de réserve. Pendant ses 18 mois de service national, il se bat comme un fou contre l’institution militaire. Quand, lors du premier exercice, le lieutenant lui demande ce qu’il ferait s’il y avait une mitrailleuse ennemie sur la colline en face, Dumont n’hésite pas : « Je mets les chevaux à l’abri. » Il sera interné en 1926 dans un hôpital psychiatrique : « Schizophrène. » Après son retour d’Indochine en 1932, Dumont milite avec les Combattants de la paix pour un « pacifisme intégral et résolument non aligné ». Le fond de doctrine est résumé par deux citations : « Aucun des maux que l’on veut éviter par la guerre n’est un mal plus grand que la guerre elle-même (Bertrand Russel) » et « On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels (Anatole France, 1922). » Il affichera souvent par la suite un badge à la poitrine : « La seule victoire, c’est la paix. » En septembre 1939, il signera avec Jean Giono et Louis Lecoin un tract qui appelle à « la paix immédiate ».
Nazisme ou pas, la guerre lui apparaît comme l’ennemie numéro un. Il s’abstiendra complètement pendant la Deuxième Guerre mondiale. Lui, le militant antifasciste, se retire dès qu’il faut prendre une arme, même pour son camp. En toutes circonstances, il est contre les guerres, y compris dans des cas limites comme la guerre contre l’Allemagne nazie ou quand un ses chers peuples du tiers-monde se soulève. Mêmes « populaires », les guerres lui font peur parce qu’il sait que ceux qui vont mourir un fusil à la main sont ceux qui ne pourront plus manier la faux ou pousser la charrue. Pour Dumont, les vraies difficultés commencent après les révolutions. Il ne suffit pas de renverser Marcos ou Somoza : « La révolution procure des missions exaltantes mais le développement requiert d’obscurs dévouements. » Quelle que soit sa « compréhension » des révoltes, l’agronome en appelle systématiquement à des stratégies non-violentes à la Gandhi. Novembre 1954, début des hostilités en Algérie. Guy Mollet lui demande de lui expliquer comment il pourrait mettre en œuvre une réforme agraire. Dumont lui répond : « Monsieur le président du Conseil, mon projet de réforme agraire n’a plus aucun sens aujourd’hui, nous sommes en guerre. Il faut négocier l’indépendance. » Il signe à tour de bras les manifestes pacifistes et anticolonialistes, comme celui des 121 contre la guerre d’Algérie en 1960. Faire la moindre concession à la guerre revient pour lui à encourager son développement. « La guerre est un crime organisé, les militaires en sont les ordonnateurs et les bras. » Ses diatribes – « les militaires sont la plus grande source de gaspillage, ils gaspillent du travail, de l’espace, de l’énergie, des minéraux rares, ils polluent les airs et les eaux » – montrent la force de ses convictions. « Il en coûterait cinq fois moins pour protéger la planète que pour continuer à préparer sa destruction… Réduction des dépenses d’armement jusqu’à leur intégralité. »
Le 17 janvier 1991, la guerre du Golfe est déclarée. Le président Bush apparaît sur l’écran et annonce « un nouvel ordre mondial ». Le vieux professeur se retourne, défait, vers sa compagne : « Toutes mes batailles se terminent ce soir, c’est la défaite de ma vie. » Pour Dumont, cette guerre donne le départ au grand affrontement Nord-Sud. « Bush ne fait pas la guerre à Saddam Hussein, il fait la guerre pour le pétrole, le pétrole à bas prix qui garantit à l’Occident la continuation de sa domination et de ses gaspillages. » Ce n’est donc pas un hasard si l’un de ses derniers livres qui paraît en 1992 est consacré à la guerre du Golfe, titré Cette guerre nous déshonore, quel nouvel ordre mondial ?
René est mort le 18 juin 2001, souvenons-nous de son pacifisme, partie intégrale d’une conviction écologique…
Source : René Dumont, une vie saisie par l’écologie de Jean-Paul Besset
Merci de ces clarifications. Vous avez raison.
Merci de ces clarifications. Vous avez raison.
Je souhaite apporter un bémol a mon commentaire précédant. Le soir citait essentiellement verbatim un communique du ‘Reseau Voltaire’, et ce n’était donc pas un travail journalistique d’investigation. Je n’ai pas confiance personnellement dans les vues de ce reseau Voltaire d’une manière générale. Je note que Dumont est l’objet de critiques pour son comportement durant l’occupation, mais je n’ai pas d’éléments de lectures personnelles pour adhérer a cette critique.
Coq , qui prend aux sérieux le commandement « tu ne porteras pas de faux témoignage »
Coq,
Merci de votre bémol. Voici quelques indications qui correspondent sans doute à votre attente.
Remarque préliminaire sur votre texte précédent : les modérateurs du monde.fr l’avaient envoyé à la corbeille. Cela témoigne sans doute d’un contrôle par un robot qui a tiqué sur les termes « nazi » ou fasciste » sans rien comprendre au fil de votre pensée. Le filtrage sur Internet existe, il a aussi un aspect inquiétant quand on se fie aux machines.
Sur le fond. D’abord ce n’est pas parce qu’on écrit dans un hebdomadaire fasciste des « articles très techniques » qu’on peut être qualifié de « fasciste ». René Dumont n’a pas à assumer les écrits des autres comme les éditoriaux d’André Bettencourt.
Ensuite nous devons éviter l’erreur de la pente glissante, la reductio ad Hitlerum : que Hitler ait partagé une opinion ne suffit pas à la réfuter. Des éléments de l’organisation nazie étaient sans doute parfaitement valables dans le domaine agricole.
Enfin on ne peut pas dire que René Dumont « exhortait à faire des enfants » puisqu’il a toujours été néo-malthusien. Les amalgames sont néfastes au dialogue entre personnes bien intentionnées.
Le seul « reproche » qu’on peut faire à René Dumont pendant la seconde guerre mondiale est celui-ci : « On ne trouve rien à son passif à cette époque, sinon justement sa passivité. » (p.114 de sa biographie). Mais il avait par exemple élevé en plein cours une protestation solennelle contre la loi destituant les Juifs et il avait été convoqué par la hiérarchie de l’Agro. Il aurait pu être immédiatement licencié.
René Dumont a révélé par lui-même au moment de la Libération ses écrits dans « La Terre française » au Comité d’épuration de l’Agriculture : rien ne sera retenu contre lui (p. 115 de sa biographie). Les bruits qu’on fait courir contre une personne sont absolument néfastes. C’est là un des problèmes récurrents de la communication par Internet. D’où le problème du filtrage des écrits : trop de liberté mal étayée dans l’expression sur Internet pourrait entraîner une censure préalable des échanges interhumains par des robots qui ne savent pas lire : un comble !
Je souhaite apporter un bémol a mon commentaire précédant. Le soir citait essentiellement verbatim un communique du ‘Reseau Voltaire’, et ce n’était donc pas un travail journalistique d’investigation. Je n’ai pas confiance personnellement dans les vues de ce reseau Voltaire d’une manière générale. Je note que Dumont est l’objet de critiques pour son comportement durant l’occupation, mais je n’ai pas d’éléments de lectures personnelles pour adhérer a cette critique.
Coq , qui prend aux sérieux le commandement « tu ne porteras pas de faux témoignage »
Coq,
Merci de votre bémol. Voici quelques indications qui correspondent sans doute à votre attente.
Remarque préliminaire sur votre texte précédent : les modérateurs du monde.fr l’avaient envoyé à la corbeille. Cela témoigne sans doute d’un contrôle par un robot qui a tiqué sur les termes « nazi » ou fasciste » sans rien comprendre au fil de votre pensée. Le filtrage sur Internet existe, il a aussi un aspect inquiétant quand on se fie aux machines.
Sur le fond. D’abord ce n’est pas parce qu’on écrit dans un hebdomadaire fasciste des « articles très techniques » qu’on peut être qualifié de « fasciste ». René Dumont n’a pas à assumer les écrits des autres comme les éditoriaux d’André Bettencourt.
Ensuite nous devons éviter l’erreur de la pente glissante, la reductio ad Hitlerum : que Hitler ait partagé une opinion ne suffit pas à la réfuter. Des éléments de l’organisation nazie étaient sans doute parfaitement valables dans le domaine agricole.
Enfin on ne peut pas dire que René Dumont « exhortait à faire des enfants » puisqu’il a toujours été néo-malthusien. Les amalgames sont néfastes au dialogue entre personnes bien intentionnées.
Le seul « reproche » qu’on peut faire à René Dumont pendant la seconde guerre mondiale est celui-ci : « On ne trouve rien à son passif à cette époque, sinon justement sa passivité. » (p.114 de sa biographie). Mais il avait par exemple élevé en plein cours une protestation solennelle contre la loi destituant les Juifs et il avait été convoqué par la hiérarchie de l’Agro. Il aurait pu être immédiatement licencié.
René Dumont a révélé par lui-même au moment de la Libération ses écrits dans « La Terre française » au Comité d’épuration de l’Agriculture : rien ne sera retenu contre lui (p. 115 de sa biographie). Les bruits qu’on fait courir contre une personne sont absolument néfastes. C’est là un des problèmes récurrents de la communication par Internet. D’où le problème du filtrage des écrits : trop de liberté mal étayée dans l’expression sur Internet pourrait entraîner une censure préalable des échanges interhumains par des robots qui ne savent pas lire : un comble !
Vous ecrivez: « Il s’abstiendra complètement pendant la Deuxième Guerre mondiale » . Non, peut-etre pas. Je cite « Le Soir » (equivalent Belge du Monde) page 14, du 21 juin 2001. (Considerez ca dans la necessaire critique du proces en saintete que vous faite a Dumont).
« René Dumont milita d’abord contre la guerre avec l’Allemagne nazie, puis, après la débâcle, pour la Collaboration. Il écrivit des articles très techniques sur l’agriculture dans un grand hebdomadaire fasciste rural, «La Terre française». Cette publication de propagande soutenait la Révolution nationale de Philippe Pétain, militait pour le retour forcé des citadins à la terre et pour le corporatisme agricole. Les éditoriaux d’André Bettancourt (alors responsable français de la Propaganda Staffel, aujourd’hui actionnaire de référence de L’Oréal et de Nestlé) prêchaient l’union du christianisme et du nazisme et appelaient au châtiment des Juifs et des francs-maçons. René Dumont émaillait ses articles de considérations politiques. Il citait l’agriculture nazie en modèle, invitait à s’unir derrière le Maréchal, et exhortait les paysans à faire des enfants pour régénérer la race et disposer d’une main-d’oeuvre abondante. »
Il est vrai que Le Soir cite sur le ‘reseau Voltaire’, pas tres neutre d’habitude…
Vous ecrivez: « Il s’abstiendra complètement pendant la Deuxième Guerre mondiale » . Non, peut-etre pas. Je cite « Le Soir » (equivalent Belge du Monde) page 14, du 21 juin 2001. (Considerez ca dans la necessaire critique du proces en saintete que vous faite a Dumont).
« René Dumont milita d’abord contre la guerre avec l’Allemagne nazie, puis, après la débâcle, pour la Collaboration. Il écrivit des articles très techniques sur l’agriculture dans un grand hebdomadaire fasciste rural, «La Terre française». Cette publication de propagande soutenait la Révolution nationale de Philippe Pétain, militait pour le retour forcé des citadins à la terre et pour le corporatisme agricole. Les éditoriaux d’André Bettancourt (alors responsable français de la Propaganda Staffel, aujourd’hui actionnaire de référence de L’Oréal et de Nestlé) prêchaient l’union du christianisme et du nazisme et appelaient au châtiment des Juifs et des francs-maçons. René Dumont émaillait ses articles de considérations politiques. Il citait l’agriculture nazie en modèle, invitait à s’unir derrière le Maréchal, et exhortait les paysans à faire des enfants pour régénérer la race et disposer d’une main-d’oeuvre abondante. »
Il est vrai que Le Soir cite sur le ‘reseau Voltaire’, pas tres neutre d’habitude…