Diminuer comme il le faudrait nos émissions de gaz à effet de serre paraît improbable car incompatible avec des échanges économiques basés sur la concurrence et la compétition. Ou avec des consommations des classes moyennes et supérieures boostées par le matraquage publicitaire et inspirées par le mode de vie des super-riches. Voici ce qu’en dit dans son dernier livre Sylvestre Huet :
1. Si vous voulez faire disparaître l’aspiration à la consommation d’espace et d’énergie tirée par la volonté d’imiter les riches et les super-riches, il faut bien faire «disparaître» ces derniers (non en tant qu’individus… mais en tant que propriétaires de fortunes et de revenus trop élevés). La révolution sociale que désigne un tel objectif n’est vraiment pas compatible avec les idéologies et les politiques économiques conduites de Washington à Pékin, en passant par Moscou, Paris, la banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce. Une société inégalitaire, qui permet aux castes dominantes de consommer sans limites énergie et matières premières, peut-elle promouvoir la sobriété… de tous les autres ? Cela semble stupide, et c’est pourtant le credo de tous les responsables politiques qui prétendent que l’on peut parvenir aux objectifs climatiques sans réforme sociale.
2. La course à l’innovation est présentée par la plupart des élites comme l’alpha et l’oméga de toute politique économique. Il faut donc booster cette innovation sans s’interroger sur son contenu ou sur ses conséquences. Nicolas Sarkozy a ainsi réformé le crédit impôt recherche (CIR) pour le transformer en une méga niche fiscale pour les entreprises. François Hollande a poursuivi la même politique. Le CIR repose pourtant sur une vision purement idéologique : toute innovation décidée par une entreprise est considérée par principe comme étant si bonne pour la société qu’il faut la récompenser par une diminution d’impôt. C’est ainsi que des banques ont pu en bénéficier au motif qu’elles ont développé des algorithmes permettant de jouer en Bourse à des fréquences très inférieures à la seconde. Or s’interroger sur la finalité sociale et les conséquences des innovations technologiques font tout autant partie du dossier climat que les énergies peu carbonées.
3. Le matraquage publicitaire a remplacé le moteur de la guerre et de ses commandes massives pour booster l’économie. D’où la consommation de masse, toujours croissante. D’où aussi l’invention de techniques pour obtenir de la population un comportement éloigné des pratiques économes de leurs parents. La démarche était si transparente que l’un des slogans utilisé juste après-guerre aux États-Unis était «Soyez patriotes, consommez». Les générations actuelles y sont accoutumées au point qu’elles ont du mal à imaginer un monde où ce matraquage serait absent. Quant à l’ampleur des dégâts, il suffit de se souvenir de ce cri du coeur d’un patron de TF1 revendiquant le fait de vendre du «temps de cerveau disponible» aux annonceurs publicitaires. Aussi je m’interroge : peut-on bâtir une société de la sobriété énergétique dans un monde où l’espace mental des populations est en permanence soumis à ce matraquage publicitaire poussant à la consommation ?
* Sylvestre Huet, les dessous de la cacophonie climatique
(éditions la ville brûle 2015, 146 pages pour 10 euros