Coordination-défense-santé : ll est indispensable de redonner les moyens à la Sécurité Sociale. L’objectif est bien de trouver des moyens, non de les réduire à l’inverse des politiques gouvernementales depuis de nombreuses années. Pour nous le financement de la santé n’est pas un coût mais un investissement solidaire au bénéfice de tous.
Thierry Paquot : Face à n’importe quelle crise agricole, énergétique, économique, etc., généralement l’on réclame davantage de moyens pour y faire face. Avec l’épidémie de coronavirus, on demande à l’État d’accroître les dépenses de santé afin d’engager du personnel, d’augmenter le nombre de lits, d’améliorer le dépistage… sans s’interroger sur une écologie médicale qui viserait à maintenir en bonne santé le milieu et conséquemment ceux qui y vivent.
Yvan Illich : Les soins de santé sont devenus une marchandise, c’est-à-dire quelque chose que l’on consomme et non quelque chose que l’on fait. Guérir n’est plus compris comme l’activité du malade et devient l’acte de celui qui prend en charge le patient. A chaque âge de la vie correspond un environnement spécial pour optimiser la santé-marchandise : le berceau, le lieu de travail, la maison de retraire et la salle de réanimation.
Oliver Rey : Il n’y a pas de sens à s’emporter contre « l’horreur économique » et, en même temps, à réclamer davantage de lits de réanimation à l’hôpital, car c’est la continuation de la première qui autorise la multiplication des seconds.
Ivan Illich : Ce n’est pas un droit aux soins de santé qui changera notre situation de mortel, mais l’acceptation active de trois certitudes : nous n’éliminerons jamais la douleur ; nous ne guérirons jamais toutes les affections ; nous mourrons à coup sûr.
Denis Bayon : Il n’est pas contradictoire de défendre une médecine moins « intrusive » en assumant une possible moindre « espérance de vie », et de rejeter l’imposition des normes capitalistes dans le domaine de la santé comme ailleurs.
Thierry Paquot : Le système de santé enrichit les industries pharmaceutiques et les cliniques privées, il condamne à l’hérésie les savoir-soigner ancestraux et vernaculaires, les rebouteux et les plantes médicinales, etc.
Vincent Cheynet : Évidemment ce type de réflexion ne pourra que susciter le courroux du politicard et l’intellectuel pour qui l’écologie est un moyen de séduire. Mais il ne faut pas confondre confort et sens de la vie.
Source : Mensuel La Décroissance, octobre 2010 (page 14 et 15)
Une nouvelle fois bravo à Oliver Rey, toujours lucide
Je partage cette vision de «L’Horreur économique» décrite par Viviane Forrester dans son essai. Je partage également les analyses du Système faites par de nombreux penseurs, comme Albert Jacquart (passé lui aussi par Polytechnique) dans son «J’accuse l’économie triomphante». Je partage aussi bon nombre de points de vue d’Olivier Rey, mais je ne pense pas que cette phase suffise à saisir sa pensée, particulièrement complexe.
Cette phase me fait penser à cette autre célèbre : «Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes.»
Olivier Rey voit bien les paradoxes qui nous animent, plus largement il voit le piège dans lequel nous sommes pris. Mais je ne crois pas qu’il pense pour autant qu’il n’y a plus rien à faire. Reste à voir ce qui prime : davantage de lits de réanimation (d’infirmières, de médecins, de profs etc.) ou davantage de coachs de «bien-être», plus de bagnoles, de vols aériens, d’innovations etc. etc.
Encore une fois, Olivier Rey est très pertinent
Pour essayer de répondre à cette question (titre) répondons déjà à d’autres. Pourquoi la Sécurité Sociale est-elle en déficit (45 à 50 milliards en 2020) ? Où passent tous ces milliards ? Pourquoi de tels écarts de rémunérations chez les personnels soignants (public/privé, infirmier(e)s/médecins etc.) ? Pourquoi de telles inégalités dans l’accès aux soins ? Pourquoi cette médecine à plusieurs vitesses ? Idem pour l’accès aux savoirs, l’école, la justice etc.
S’il faut là aussi dégraisser le mammouth, dans quels bouts de gras faut-il tailler ? En bas, en haut, au milieu ? Ou bien partout et en même temps ?
La réponse dépendra de l’idée que chacun se fait de la place de l’homme dans la société (son rôle, l’ordre de ses besoins, ses valeurs, etc.) Et de l’idée de la société idéale (utopie).
Maintenant si cette idée (de l’homme et de la société) est décalée du réel, c’est à dire de la réalité, telle qu’elle est, du moins telle qu’on la connaît, si par exemple l’idée est que l’homme est programmé pour le toujours plus, pour vivre mille ans, devenir immortel, vivre sur une autre planète, pour dominer, avoir et posséder, toujours plus … alors là déjà il y a un gros problème.
Cette question (titre) renvoie donc à un choix de société. Et à une seule question, pour moi la seule qui vaille :
Au stade où nous en sommes, quel monde voulons-nous laisser à nos enfants ?
Autrement posée : Que pouvons-nous encore sauver ? Que devons-nous sauver ?