Journaliste, Catherine Vincent a répondu cet été au souhait de sa mère, qui demandait à mourir simplement à la maison. Elle témoigne personnellement dans un article du MONDE* des difficultés rencontrées pour exaucer cette dernière volonté : « Autrefois on mourait « de vieillesse », chez soi, dans son lit, entouré des siens, de plus en plus faible jusqu’à ce que la mort nous prenne. La différence avec cette époque, c’est que la médecine a maintenant des moyens simples et efficaces pour apaiser à domicile, dans la plupart des cas, les souffrances morales ou physiques. C’est leur mise en œuvre, politiquement voulue, correctement financée et à grande échelle, qui fait défaut. Mais qui le sait ? Qui en débat ?
J’ai découvert que rien n’est véritablement fait dans notre pays, pas même dans notre capitale pourtant dotée de moyens privilégiés, pour favoriser la mort à domicile. Il s’en faudrait pourtant de peu, m’a-t-il semblé, pour que tout fonctionne mieux. Mais le peu manque à l’appel, notamment par manque d’information. (… après moultes mésaventures et impossibilité de dialogue avec différentes autorités sanitaires), un ami, médecin généraliste rompu aux situations délicates et connaissant bien ma famille, est encore à Paris. Lui saura me conseiller. Il fait bien plus : il me sauve. A peine lui ai-je expliqué le contexte qu’il me propose de le rejoindre à son cabinet. Une demi-heure plus tard, il me remet une enveloppe contenant quelques dosettes d’Oramorph – une solution buvable à libération immédiate de morphine. Ajoute quelques mini-flacons de scopolamine, destinés à pallier l’éventuelle survenue de râles agoniques. M’explique qu’en soins palliatifs il suffit en général de disposer de trois types de molécules : un anxiolytique (le Lexomil que nous avons déjà fera l’affaire), un opioïde contre la douleur (morphine ou dérivés), un anticholinergique contre la détresse respiratoire aiguë (la scopolamine). C’est tout ? C’est tout. Et encore, toutes ces substances ne sont pas forcément nécessaires. La preuve : jusqu’à la fin, la scopolamine restera dans son enveloppe. Et ce que fait mon ami en me donnant ces produits, est-ce légal ? Il sourit, ne répond pas.
Mon principal problème réside dans la posologie des « bonbons qui font du bien » – c’est ainsi que j’ai surnommé la cuillère d’eau gélifiée dans laquelle je glisse, à heures régulières, quelques gouttes d’Oramorph et un peu de Lexomil dissous. Je crains sans cesse d’en donner trop à ma mère – est-ce pour cela qu’elle somnole tant ? A moins que ce ne soit pas assez – est-ce pour cela qu’elle s’agite, gémit et tient par moments des propos délirants ?…………………
Complément d’analyse sur notre blog biosphere :
8 janvier 2020, Fin de vie, prendre du midazolam ?
21 août 2018, Hans Jonas confronté au problème de l’euthanasie
25 septembre 2016, Euthanasie, un mot en vogue pour la mort douce
29 janvier 2016, Ni euthanasie, ni suicide assisté, une molle décision !
14 décembre 2014, Fin de vie, encore une mesurette de François Hollande
5 novembre 2014, L’engagement 21 de François Hollande sur la fin de vie
25 juin 2014, Acceptons la fin de vie, par nature notre lot commun
16 janvier 2014, Vincent Lambert, qui peut décider de sa fin de vie ?
* LE MONDE du 11 janvier 2020, Fin de vie : « Je n’avais pas prévu qu’aider ma mère à mourir chez elle serait une épreuve si solitaire »
Sur l’article au sujet du midazolan, hier encore Biosphère disait « La médecine a peur de la mort». Oui peut-être… mais si encore il n’y avait que la médecine.
En effet, « Autrefois on mourait « de vieillesse », chez soi, dans son lit, entouré des siens». Seulement aujourd’hui est une autre époque. C’est tellement plus pratique (est-ce le bon mot ?) que de laisser ses proches mourir loin des yeux. Et même du côté de ceux qui vont mourir, l’idée de ne pas déranger est entrée dans les mœurs. Bref, c’est là encore un sujet des plus délicats.
Alors, midazolan ou pas ? Ou alors seulement ces trois types de molécules dont parle Catherine Vincent ? Personnellement je ne sais pas, je ne suis ni médecin ni chimiste. Je sais seulement que les moyens d’accompagnement en fin de vie existent, que ce soit pour celui qui va mourir comme pour les proches. Et il reste évident que c’est «une politiquement voulue, correctement financée et à grande échelle, qui fait défaut.»