Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.
Un préalable à l’action, se libérer de la religion
Quelques idées clés : C’est parce que le pouvoir du sacré peut entrer en symbiose avec la Nature que les humains pourraient à nouveau vivre ensemble dans un environnement apaisé. Ma spiritualité, ce qui est sacré à mes yeux, c’est le lever du soleil qui apporte l’énergie de la vie aux plantes, l’eau qui ruisselle et étanche la soif de toutes les espèces, l’équilibre des écosystèmes. Ni la bible, ni le coran, je veux lire dans le livre de la Nature pour l’amour de toutes les formes de vie. Mais pour cela, il me faut voir dans la bible et le coran qu’imagination humaine, poison de notre pensée.
La religion a une double signification, elle relie et elle rassemble ; elle permet une pratique institutionnalisée qui apporte une cohérence au monde et le maintien de cet ordre. Aucune société ne peut donc vivre sans une certaine forme de religion. Mais les religions font référence le plus souvent à un dieu abstrait, invisible. Impossible de s’entendre puisque ce sont des humains qui interprètent la parole de « dieu » pour imposer aux autres leur propre conception de l’existence.
Cette relation verticale avec un dieu invisible qu’on dit tout puissant peut être avantageusement remplacée par une relation horizontale de l’individu envers autrui comme envers la Biosphère. Alors on peut essayer d’agir en toute connaissance de cause.
Ma première révolte véritable ? Contre les religions. On ne devient pas athée de naissance, on le devient. Moi j’étais déjà baptisé avant même de pouvoir dire un mot. Dès la naissance ou presque. Comme cela se faisait ! Je suis devenu un bouffeur de curé. Rien n’est déterminé à l’avance à condition de pouvoir sortir du piège de la prédestination sociale !
Dans mon jeune temps, la religion était omniprésente. Mes parents se sont mariés civilement. Ils ont attendu le mariage religieux pour ensuite pouvoir faire l’amour. Il me fallait raconter mes péchés lors de la confession, à genoux dans une petite boîte noire, avec une lucarne qui s’ouvre et une voix doucereuse qui chuchote à voix basse : « Mon fils, dis-moi tout. » Le problème, c’est que je ne me sentais pas pécheur le moins du monde. Je récitais un « Notre père qui êtes aux cieux » et deux « Je vous salue Marie » en guise de pénitence pour le péché que j’avais inventé. D’où vient alors ma rébellion ? D’un amoncellement de petits éléments qui progressivement m’ont fait douter. Un jour je me suis enhardi pour demander à un prêtre s’il croyait personnellement à l’enfer. A sa réponse évasive et son air emprunté je savais dorénavant ce qu’il fallait savoir : on me racontait des histoires. J’étais devenu plus méfiant. Depuis ce jour j’ai multiplié les questions et confronté les réponses ; on ne se pose jamais assez de questions, on ne nous fournit jamais suffisamment d’éléments de réponses.
Nous recevions l’abbé Fontanilh, l’ancien aumônier de papa, le curé de Cadillac. « Bénissez-nous mon père, bénissez ce repas… et donnez du pain à ceux qui n’en ont pas » Un cérémonial à la maison, toujours le même. Désuet, irréel. Pendant le repas, j’attaque la religion. C’était pour moi un jeu de questions-réponses. Comme le quitte ou double que j’avais gagné au temps du catéchisme. Est-ce que l’enfer existe ? L’abbé commence à perdre patience. Je conteste l’infaillibilité papale. Il perd pied. Pourquoi le célibat des prêtres, cette absurde exigence ? Il se fâche, jusqu’à vouloir me faire mal physiquement. Il passe derrière moi, me prend aux épaules, et il serre, serre. Je ne pouvais croire en Dieu… ses représentants étaient bien trop fragiles.
Pour Karl Marx, toute critique commence par la critique de la religion : « Religion, opium du peuple » ! J’avais bien commencé, sans le savoir. Quand le doute s’instille, il se propage. Je commençais à être libre de mes pensées. Les révoltes verbales font le révolté. Je ne croyais plus que ce qu’on pouvait me démontrer. Or l’existence de Dieu, totale abstraction, repose uniquement sur un acte de foi. Au lycée Michel Montaigne de Bordeaux, sur l’ensemble des classes de première, nous n’étions plus que quatre devant l’aumônier. L’un était là parce qu’il était obligé par ses parents, l’autre s’ennuyait en internat, un troisième venait pour le spectacle. Car j’étais là uniquement pour contester le curé.
Le christianisme est devenu pour moi un vieux meuble qu’on conserve par charité. Plus tard dans les années 1970, je polémiquerai avec un ami candidat prêtre, Christian Alexandre : « Vous les Chrétiens, vous êtes comme le capitalisme, fondé sur une hiérarchie, une préséance absurde et ridicule. Vous êtes contre le racisme, mais vous n’arrivez pas à vous entendre entre chrétiens. Vous faites le service militaire au lieu de trois ans de tôle pour insoumission. Classer le naturisme et la pilule comme un mal est abaisser la morale. Je connais l’Evangile, ce n’est qu’un vieux bouquin qui ne me suffit plus. Ce n’est plus l’Eglise qui prêche l’amour véritable, mais les hippies. Ils ne se référent plus aux textes chrétiens, mais à Confucius, Marcuse, mai 1968 ou aux communes libres. Ils ne s’attachent pas à une doctrine limitée et fermée. Ils préfèrent cultiver leur existence terrestre sans applaudir à l’automatisme de quelques gestes ancestraux symboliquement vides. Je regrette le temps que j’aie passé à la messe… »
Dans une allocution prononcée au tribunal de la Rote, le pape Paul VI a voulu donner un coup d’arrêt aux tendances qui affirment que l’autorité de l’Eglise ne dérive que du consensus de l’ensemble des fidèles (Sud-Ouest du 29 janvier 1971). Les fidèles étaient donc pour le pape l’objet et non pas l’origine de l’autorité. Les croyants restent assujettis. Leur Église repose uniquement sur un argument d’autorité ! Aucune démocratie dans ce système bloqué, un pur totalitarisme. Comme on ne peut déterminer l’assise matérielle du divin, les dialogues entre croyants et incroyants sont voués à l’impasse, sans synthèse possible : le raisonnement contre l’acte de foi. Aucun débat sincère et ouvert n’est donc possible avec un véritable croyant. Avec mon père, je n’ai même pas essayé. A 91 ans, il regarde toujours la messe… à la télé vu son âge. Mais cela n’a pas empêché une entente cordiale en famille ; nous savions séparer les croyances individuelles et notre vivre ensemble.
Pour la psychanalyse, la religion serait une névrose obsessionnelle de l’humanité qui dérive des rapports de l’enfant au père ; le père est chargé de la mission répressive, qui impose entre autres un renoncement à la liberté sexuelle, à la liberté tout court. C’était tout à fait mon cas ! L’ennemi était à l’intérieur de ma tête, j’avais intériorisé normes et tabous. Me libérer de la religion, c’était prendre ma liberté d’agir vis-à-vis de l’autorité paternelle. L’image du père occultait ma pensée personnelle, l’image de Dieu sert de mystification à la pensée humaine ; c’est complémentaire. Une fois cette prise de conscience, je pouvais dorénavant cultiver mon athéisme, chercher la raison et le raisonnable, changer ma pensée pour changer la société. L’individu est construit socialement, il est donc obligé pour partie de se conformer à la croyance du moment. Mais les croyances sont fragiles, elles évoluent avec le contexte. Nos normes culturelles bougent parce que certains, au départ en marge et souvent pourchassés, ont posé de nouvelles règles à notre pensée qui s’imposent avec le temps. Après tout, le christianisme n’est que le fait d’une secte qui a réussi… temporairement. Il me fallait abandonner l’idée de dieu pour faire ma révolution copernicienne.
Pour la science, les religions de type anthropocentrique sont depuis longtemps obsolètes. On croyait avec la bible que notre planète était au centre de l’univers, et l’être humain au centre de la Terre. Galilée (né en 1564) utilisa une lunette astronomique, récemment découverte, pour observer le relief de la lune et surtout les satellites de Jupiter, démontrant par la même occasion un héliocentrisme beaucoup plus pertinent que le message biblique. Un tribunal de l’Inquisition, dont les membres ont refusé de regarder dans la lunette, l’obligea pourtant à se rétracter en 1633 : « Je jure que j’ai toujours cru, que je crois maintenant, et que, Dieu aidant, je croirai à l’avenir tout ce que tient, prêche et enseigne la sainte Église catholique et apostolique romaine… J’abjure les écrits et propos, erronés et hérétiques, par lesquels j’ai tenu et cru que le soleil était le centre du monde et immobile, et que la Terre n’était pas le centre et qu’elle se mouvait. » L’Eglise catholique n’a réhabilité Galilée qu’en 1992 ! Pour les gardiens de la foi et des fausses croyances, il faut attendre plus de 350 années pour reconnaître une vérité scientifiquement prouvée… Aujourd’hui nos satellites confirment tous les jours la révolution copernicienne, cette découverte de la libre pensée.
Si tu ne veux pas attendre la suite sur ce blog biosphere, à toi de choisir ton chapitre :
Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE
01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion
02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas
03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !
04. Premiers contacts avec l’écologie
05. Je deviens objecteur de conscience
06. Educateur, un rite de passage obligé
07. Insoumis… puis militaire !
08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales
09. Du féminisme à l’antispécisme
10. Avoir ou ne pas avoir des enfants
11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs
12. Ma tentative d’écologiser la politique
13. L’écologie passe aussi par l’électronique
14. Mon engagement associatif au service de la nature
15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience
16. Ma pratique de la simplicité volontaire
17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes
18. Techniques douces contre techniques dures
19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie
21. Ma philosophie : l’écologie profonde
– « Au lycée Michel Montaigne de Bordeaux, sur l’ensemble des classes de première, nous n’étions plus que quatre devant l’aumônier. L’un était là parce qu’il était obligé par ses parents, l’autre s’ennuyait en internat, un troisième venait pour le spectacle. Car j’étais là uniquement pour contester le curé. »
Pour qu’il n’y en ait qu’un seul, qui n’y vienne que pour ça, je me dis que le spectacle ne devait pas être bien fameux. Tous comptes faits, ce pauvre aumônier avait presque autant de succès que cette pauvre Biosphère. Il ne manquait plus que le tondu et le compte était bon. Avec Statler et Waldorf dans la bande des quatre pelés et un tondu, le Show aurait peut-être pu avoir un énorme succès. Et la suite encore plus. Eh… qui sait ce que le Papillon peut produire comme effet…
( à suivre)
Mais non, le hasard en a décidé autrement. Et c’est pour tout pareil.
Si… notre petit Michel S avait eu la chance de croiser un autre genre de curé… genre Abbé Pierre ou autre… alors peut-être serait-il devenu un pape célèbre.
Et moi pareil si le mien n’avait pas traîné derrière lui cette drôle d’odeur de moisi.
( 6 AOÛT 2022 À 11:21 “Religions, un frein à notre réflexion “)
Dit en passant, l’odeur de moisi n’est pas la pire. Mais bon, comme ON dit, des goûts et des odeurs ON ne discute pas. Bref, de cette expérience malheureuse, voire douloureuse (bobo les épaules), notre pauvre Michel est donc devenu un bouffeur de curés. Et un curé et en même temps. Un Pepone comme j’en ai connu des tas.
( à suivre )
Le plus rigolo dans son histoire, c’est qu’il se soit finalement laissé séduire par un autre curé. Mais si encore le sien était rigolo, dans le genre Don Camillo ou autre… Même pas, il a choisi un des plus sinistres que la Terre ait jamais porté.
À moins bien sûr que ce soit l’inverse. Que ce soit Malthus, de l’au-delà, qui l’ait choisi et chargé d’une divine mission. Eh, qui sait …
Pour la psychanalyse, notre Papillon ferait sûrement un excellent cas d’école. Mais peut-être pas autant que moi. 🙂