Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Insoumis… puis militaire !

Avant mon incorporation « librement choisie » le 4 décembre 1979 (voir texte précédent), j’ai discuté avec le lieutenant-colonel commandant le 22ème RIMA (régiment d’infanterie de marine) où j’étais affecté. Nous nous sommes compris. Il a justifié son engagement dans l’armée par l’existence des camps de concentration et le fait qu’il fallait savoir faire la guerre pour être en paix. J’ai expliqué que mon père avait fait 26 mois de camps de concentration, en particulier dans le tunnel de Dora, un des plus épouvantables bagnes nazis. Mon père montait l’ogive avant des V2, ceux qui étaient suspects de sabotage étaient pendus et leurs corps restaient au vu de tous ; les SS en ont exécuté jusqu’à cent quatre-vingts en un mois. L’existence de l’armée française n’avait pas pu empêcher l’existence des camps de la mort, mais je comprenais le choix du lieutenant-colonel, basé sur une confiance illusoire en la force armée : si vis pacem, para bellum (Si tu veux la paix, prépare la guerre). Il ne pouvait concevoir que la fin est déjà dans les moyens utilisés comme je le pensais avec Gandhi. Cela ne s’apprend que si on sort des sentiers battus. Mais le lieutenant-colonel acceptait ma conviction, il a facilité ma vie à la caserne et ma libération. Ce qui n’empêchait pas ma libre parole de « militaire ».

Dans la cour, un gradé hurlait : « Bande de bœufs, mettez-vous en rang ! » Je rétorquais aussitôt : « On n’est pas des bœufs ». Il s’est tu… On a voulu m’apprendre un chant militaire, j’ai refusé. Le dernier couplet faisait dire à un jeune mourant sur le champ de bataille d’une de nos colonies : « Tu diras à ma mère que nous nous retrouverons ». J’ai exprimé ma surprise (feinte) devant un tel dénouement. L’instructeur a expliqué qu’après la mort, le combattant allait retrouver sa mère au paradis. J’ai déclaré que l’armée se devait à la neutralité en matière religieuse, je ne pouvais donc chanter cela. J’ai été dispensé de chant… On nous faisait répéter des mouvements avec un fusil. A chaque fois que nous devions mettre le fusil autrement, je demandais pourquoi. L’instructeur a explosé au bout de quelques « pourquoi », me menaçant de tous les maux. Et puis il s’est calmé, il ne pouvait rien intenter contre moi, il ne pouvait justifier ni ses instructions, ni sa colère… On m’a fait tirer au fusil, je suis un bon tireur. Au lieutenant qui admirait mon carton, j’ai dit que peut-être ce serait lui comme cible : je refuse la soumission volontaire, j’obéis à ma conscience.

L’armée ne m’a gardé que 11 jours… je suis libéré par anticipation le 14 décembre 1979. Je venais juste d’acheter une maison (à crédit) trois mois auparavant pour aller au lycée à pied !

Une armée composée d’individus qui déterminent par eux-mêmes pour quoi il faut se battre ne pourrait être utilisée par aucun pouvoir politique. Avec des citoyens profondément objecteurs de conscience, nous n’aurions pas suivi les fantasmes de gloire de Napoléon, nous ne serions jamais intervenus militairement en Indochine ou en Algérie, nous n’aurions pas envoyé des supplétifs en Afghanistan ou en Côte d’Ivoire, ni des avions sur la Libye. La France aurait été un pays déterminant au niveau international pour éliminer toutes les armées et construire une paix durable. Mais pour cela, il faut que notre société accepte d’éduquer les consciences individuelles, ce qui risque en fait de la remettre beaucoup trop en question. J’ai suivi ma conscience, j’ai été tout à tour objecteur, insoumis et militaire. Peu importe son statut particulier si on estime avoir fait ce qui était juste à chaque fois, sachant que le sens de la justice découle d’un long apprentissage toujours remis sur le métier.

Libéré des « obligations de défense nationale », je peux enfin poursuivre dans la voie qui me semble la meilleure, éduquer les jeunes, exercer un métier d’enseignant. Mais je ne peux m’empêcher publiquement d’actualiser le statut des objecteurs de conscience par la suite. En effet, la fin de la conscription (service militaire obligatoire) en France ne marque pas la fin de l’objection de conscience. Le service national n’a été que « suspendu », de même que le statut des OC qui garde toujours sa validité. La journée d’appel (JDC, anciennement JAPD) que doivent faire depuis 1997 en France tous les jeunes hommes et jeunes filles est bien une journée d’incorporation. Un état de guerre entraînerait un appel sous les drapeaux généralisé. A ce moment, que faire de ceux qui refusent l’usage collectif des armes ? C’est pourquoi je recommande à ceux qui se ressentent OC de présenter aux autorités une lettre de ce type :

« Dans le contexte actuel de suspension de la conscription, l’appel sous les drapeaux peut être « rétabli à tout moment par la loi dès lors que les conditions de la défense de la Nation l’exigent ou que les objectifs assignés aux armées le nécessitent  » (Loi portant réforme du service national du 28 octobre 1997, L. 112.2). L’objection de conscience est un droit reconnu par les articles L. 116.1 à L. 116.9 du Code du Service National dont les dispositions ne sont pas abrogées, mais simplement suspendues. En cas d’appel sous les drapeaux redevenu obligatoire, il pourrait être difficile pour les services compétents de traiter dans l’urgence et massivement des demandes d’objection de conscience. C’est pourquoi je désire manifester dès maintenant mon refus d’un service militaire armé pour motif de conscience et vous remettre ma demande de bénéficier du droit à l’objection de conscience exprimés dans les articles L.116.1 à L.116.9. Mes convictions basées sur la recherche de la bonne entente collective me conduisent à d’autres formes d’engagement pour la nation et les peuples qu’un service militaire armé qui redeviendrait obligatoire. » (la suite, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

6 réflexions sur “Fragments de vie, fragment de Terre (suite)”

  1. – « Sur des paroles de par moi-même et une musique de l’adjudant-chef Jean-Pierre,
    317ème bataillon du 42ème RIMA, Chanson pour Morales, compagnon de combat :

    Dans la campagne de France J’avais t’un compagnon
    Que j’aimais,

    Il était mon ami, mon frère, Comme une sœur(e) dans mon cœur
    Je l’aimais,

    Mort dans la rizière, la gadoue -e Déchiqueté -é-e, pulvérisé -é-e
    Sur cette mine tu as sauté, tête brûlée !
    Op dé

    Morales(se), Morales(se), Disparu t’au champ d’honneur(e)
    Pour sauver les trois couleurs
    Morales(se), Morales(se), Toi qui voulais voyager
    Te voilà z’éparpillé !

    Je t’ai pleuré, mon camarade, Versé des la -armes
    Loin des fe -emmes

    Et rien ne te remplaceront
    Ni la bière, ni ma mère,
    Ni mon arme, ni les dames,

    La femme est l’avenir des po -ommes
    Comme dit Aragon, roi des cons ! [etc. etc.] »

    ( Chanson Pour Moralès par Didier Bénureau )
    Voir absolument le sketch, c’est à se pisser dessus !

  2. « Avec des citoyens profondément objecteurs de conscience, nous n’aurions pas suivi les fantasmes de gloire de Napoléon, nous ne serions jamais intervenus militairement en Indochine ou en Algérie …/… ni des avions sur la Libye. La France aurait été un pays déterminant au niveau international pour éliminer toutes les armées et construire une paix durable »

    Qu’est ce qu’il ne faut pas entendre comme bêtises ! Parce que si la France se serait démilitarisé au 18 ème siècle, alors tous les pays du monde auraient renoncé à leurs armées et les auraient démantelées ? Qui peut croire ce concentré de bêtises ? La majorité des pays du monde s’en battent les steaks de ce que pense la France ! Aussi bien au 18 ème siècle qu’au 21 siècle d’ailleurs ! Par exemple vous croyez vraiment que l’Angleterre les Usa et l’Allemagne aurait démilitarisé à 100% leur pays si la France l’aurait fait ?

    1. A vrai dire, je ne pensais pas lire un jour ici des absurdités encore plus énormes que celles de Michel ! Genre il n’y a que la France qui désigne des ennemis dans le monde ! Quelle ânerie ! Ben non, bien souvent ce sont les autres qui vous désignent comme ennemi, et vous avez beau être le plus pacifiste du monde, si des pays extérieurs veulent vous désigner comme ennemi, alors vous serez leur ennemi ! Vos plus belles promesses d’amitié ne servent à rien ! Bien au contraire, à être trop gentil, vous démontrez que vous être une proie facile à tuer et à pouiller en ressources ! Ça s’est toujours passé comme ça, ça se passe toujours comme ça, et ça se passera toujours comme ça ! D’ailleurs vous avez des laboratoires humains en France ! Comment ça se passe dans les quartiers ? Si vous démontrez au quartier que vous êtes trop gentil, vous allez vous faire insulter de tapette, agressé et pouillé !

    2. Les trop gentils sont les proies faciles des prédateurs, il en est de même des rapports entre états ! Une armée sera toujours nécessaire et indispensable pour défendre son pays ! Les objecteurs de conscience sont soit des menteurs soit des naïfs ! Qu’est ce qu’il ne raconterait pas comme âneries pour justifier leur couardise !

      1. marcel duterte

        Quand on vit dans un quasi paradis naturel comme michel , on est souvent atteint de bisounoursisme suraigu , on voit des migrants tout roses, de braves crapules qui viennent si gentiment vous dépouiller .
        On voit même des Mélangeon et des Fouquier Thinville LFistes se faire passer pour des mères grands face au chaperon rouge.
        Perso , le coutelas acéré est à portée de main même si je suis plutôt courtois dans la vie quotidienne mais en aucun cas naif

      2. Non non, en matière de bêtises (âneries et autres conneries) le Champion ici c’est bien Toi. Mais bon je connais la Chanson :
        – Non c’est pas moi c’est Toi ! C’est c’lui qui l’dit qui l’est et patati et patata !
        N’empêche que cette fois notre militaire volontaire malgré lui ne dit pas que des bêtises. Ni Einstein quand il disait «Ceux qui aiment marcher en rangs sur une musique : ce ne peut être que par erreur qu’ils ont reçu un cerveau, une moelle épinière leur suffirait amplement.»
        Je ne sais pas Toi, mais moi je n’ai jamais marché au pas, avec les bœufs.
        Même pas eu la chance de faire 11 jours. Et tu peux pas savoir ce que je regrette, de pas avoir pu conduire une P4, enfin une Jeep à mon époque.
        Toute façon tu pourras pas démonter le contraire… si… les gens n’étaient pas aussi bœufs, aussi cons… si ma tante en avait et patati et patata… alors nous n’aurions pas besoin d’armées. On peut toujours rêver, en attendant, non ?

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