Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.
Contre la technolâtrie
Mes lectures des années 1970 ainsi que mes propres réflexions ont changé ma manière de considérer les objets techniques. J’ai regretté l’apparition de la télévision. Au début, seule ma grand-mère maternelle était assez riche pour en avoir une au milieu des années 1950. Les voisins venaient chez ma grand-mère, la télévision était d’usage collectif et chère. Nous avions une espèce de tirelire « en forme de tête de nègre ! » à qui on donnait un pièce chaque fois qu’on regardait la télé. Et puis la généralisation a fait l’intoxication. Quand mes parents ont accédé au poste de télévision personnel, il devenait obligatoire de regarder l’écran pendant le repas. Un jour, j’ai préféré lire un livre pendant le repas qui n’était plus familial, mais extraverti. J’ai regretté la multiplication des chaînes, j’ai regretté le passage à la télé couleur, j’ai regretté l’arrivée des écrans plasma, j’ai regretté l’obligation de passer de l’analogique au numérique, j’ai regretté la TNT, je peux très bien vivre sans écran télé. Il nous faudrait définir les limites technologiques à ne pas dépasser, mais personne n’y voit un enjeu collectif de réflexion. On suit aveuglement la « marche triomphante du progrès ». Le taux d’équipement en téléviseur atteint très vite les 99 % et beaucoup d’enfants ont maintenant un poste dans leur chambre : TV lobotomie. Nous sommes passés d’une civilisation de l’écrit à une civilisation de l’écran, de l’autonomie à l’hétéronomie. Illich avait raison, ainsi que Théodore Kaczynski dans son manifeste :
« Nous distinguons deux sortes de technologies, que nous appellerons technologie à petite échelle et technologie dépendant d’une organisation. La technologie à petite échelle est la technologie qui peut être utilisée par des communautés de petite dimension sans aide extérieure. La technologie dépendant d’une organisation est la technologie qui dépend de l’organisation sociale globale. Nous ne connaissons aucun cas significatif de régression dans la technologie à petite échelle. Mais la technologie dépendant d’une organisation régresse quand l’organisation sociale dont elle dépend s’écroule. Jusqu’à un siècle ou deux avant la Révolution Industrielle, la plus grande part de la technologie était une technologie à petite échelle. Mais depuis la Révolution Industrielle, la plus grande part de la technologie développée est la technologie dépendant d’une organisation. Vous avez besoin d’outils pour faire des outils pour faire des outils pour faire des outils… » (L’effondrement du système technologique – Xénia, 2008)
J’ai attendu le début du XXIe siècle pour m’attaquer publiquement à la dérive technologique de notre société grâce à mon site biosphere.ouvaton. Le 12 mars 2005, je titre Place aux machines ! : « Pour bientôt la gestation ectogenèse, l’utérus artificiel, le bébé éprouvette du début à la fin. Pour la technique, presque un jeu d’enfants, la matrice artificielle, c’est juste un peu plus complexe que le rein artificiel. Pour l’application, plus besoin de couveuses, plus de problèmes de grossesse… On vendra d’abord la chose aux couples qui ne veulent pas des contraintes de l’enfantement, le monde des riches sera enthousiasmé. En toute liberté les femmes choisiront, aucun danger de dictature comme dans le meilleur des mondes de Adlous Huxley( 1932). Mais l’utérus artificiel, c’est bien plus que la dissociation entre sexualité et reproduction humaine, c’est l’absence de corps à cœur entre une mère et son enfant, c’est un embryon programmé pour vivre avec des machines, c’est le règne des machines. La Biosphère vous dit : bon courage… »
Le 7 novembre 2006, je titre sur mon site Soyons ludiques, soyons Luddites : « Le luddisme a connu ses débuts dans un petit village au nord de Nottingham, la nuit du 4 novembre 1811. Une troupe d’artisans pénétrèrent dans la demeure d’un maître tisserand pour y détruire une demi-douzaine de machines à tisser, convaincus qu’elles nuisaient à leur commerce et à l’emploi. Pendant trois mois, les Luddites attaquèrent les usines et cassèrent les machines jusqu’à ce que la loi fasse de la destruction des machines un délit passible de la pendaison : les machines étaient devenues plus importantes que les hommes. Aux Assises de décembre 1812, quatorze hommes furent pendus et six envoyés aux galères. Pourtant les Luddites ne se révoltaient pas contre toute technologie, mais contre celles qui laminaient leurs modes de vie et de travail, brisant irrémédiablement les liens familiaux et communautaires. La Biosphère constate que l’industrialisme l’a emporté en deux siècles seulement, au prix de la destruction rapide de ses rares opposants. Il est temps maintenant d’établir de justes rapports entre l’espèce homo sapiens et une machinerie nuisible pour la communauté. Vive les faucheurs volontaires d’OGM et tous les briseurs de technologies superfétatoires. »
Le 12 janvier 2011, j’écris encore sur mon blog biosphere : « Les techniques que nous utilisons devraient être douces à la nature, douce aux communautés humaines. Prenons l’exemple de la communication orale. Rien de plus simple, nous pouvons échanger directement, facilement. Mais notre société a tout compliqué. Le tout petit enfant mâchouille quelque chose au moment de la poussée des dents. Alors les usines mettent sur le marché des morceaux de caoutchouc reproduisant un portable, avec touches et tout. L’intoxication commence. Puis est venue pour l’enfant l’accumulation de jouets, à Noël et autres anniversaires : une montagne de jouets nécessitant presque tous des piles électriques. Pas étonnant qu’à 7-8 ans, l’enfant réclame déjà son téléphone personnel ! Mais ce n’est plus à l’autonomie que l’enfant accède, c’est à la soumission à une société thermo-industrielle. Car qui dit électricité dit prise électrique, énorme réseau de poteaux et de transformateurs, et tout au bout la centrale nucléaire. L’enfant dès le plus jeune âge apprend à devenir complice de ce système de production. Au lieu de jouer avec un simple ballon et d’aller dans la nature faire son propre apprentissage, on enferme les jeunes devant la télé et ses émissions pour tout-petits, on lui laissera bientôt prendre le téléphone à la place de ses parents, puis le portable sera l’aboutissement d’une rupture avec la nature, avec les adultes, et avec la relation directe à l’autre : les « facilités » du tout électrique l’emportent. » Je suis d’autant plus concerné que c’est la fille de ma fille que j’ai vu mâchouiller en 2006 un morceau de caoutchouc reproduisant un portable, avec touches et tout !
Nous n’avons pas besoin de portable. La téléphonie fixe était parvenue en France à son degré de maturité ; on pouvait téléphoner partout et de n’importe quel endroit. Toutes les familles ou presque étaient équipées, des cabines téléphoniques étaient facilement accessibles, l’égalité devant le service de la communication à distance était une réalité. Jetons nos téléphones portables ! Ce n’est pas revenir au courrier à cheval, c’est revaloriser la téléphonie fixe. Mais je suis toujours bien seul à résister au « progrès ». Lors d’une réunion du groupe local d’EELV fin 2011, nous discutions sur les ondes électromagnétiques. La réunion a commencé par déterminer qui avait ou non un portable. J’étais le seul à n’avoir jamais eu de portable. Un autre seulement avait arrêté son addiction. Je crois que nous ne sortirons de l’ère du portable que quand commenceront les grandes pannes d’électricité qui toucheront la France… c’est-à-dire quand les ressources qui nous donnent l’électricité à bon compte se seront épuisées !
Le monde dans lequel nous vivons est une construction de notre imaginaire social fabriqué par le marché. Nous étions libres de nous plonger à corps perdus dans la civilisation du feu thermonucléaire ou reproduire lentement des sociétés conviviales. Nous avons choisi ce qui rapporte le plus et le plus vite, l’énergie fossile non renouvelable, qui destine notre civilisation actuelle à l’échec définitif par manque de carburant. La nature ne négocie pas. Nous serons obligés de revenir à des techniques douces et échapper de force aux « nouvelles technologies ». L’individu est dépossédé de son savoir-être par l’informatique, la bio-ingénierie, les nanotechnologies…. Disparition de métiers, impossibilité de communiquer sans machines, vision utilitariste du monde, identification croissante des individus avec la biométrie et les puces de détection, l’avenir s’assombrit. C’est pourquoi 58 % des 742 experts interrogés par l’institut américain Pew imagine que, d’ici à 2020, des groupes de Refuznik hostiles à la technologie apparaîtront et pourront avoir recours à des actions terroristes pour perturber le fonctionnement du tout électronique. En tant que non-violent, je me contente de soutenir le mouvement pour « se débrancher », journée sans écran, semaine sans télé. Un signe positif à l’avant-garde du changement nécessaire. (la suite, demain)
Une vision d’ensemble de cette autobiographie :
Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE
01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion
02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas
03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !
04. Premiers contacts avec l’écologie
05. Je deviens objecteur de conscience
06. Educateur, un rite de passage obligé
07. Insoumis… puis militaire !
08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales
09. Du féminisme à l’antispécisme
10. Avoir ou ne pas avoir des enfants
11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs
12. Ma tentative d’écologiser la politique
13. L’écologie passe aussi par l’électronique
14. Mon engagement associatif au service de la nature
15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience
16. Ma pratique de la simplicité volontaire
17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes
18. Techniques douces contre techniques dures
19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie
21. Ma philosophie : l’écologie profonde
– « Les aides sociales ont renforcé l’industrie, car les individus préfèrent tout laisser sous traiter les activités par des robots, il n’y a plus qu’à recevoir des aides sociales pour consommer ! […] Le socialisme tue ! D’ailleurs Martine Aubry le scande haut et fort [et patati et patata] » (BGA)
Abracadabra et voilà, n’importe quoi !
Si les robots (les machines) ont autant de succès… c’est d’abord parce qu’ils bossent plus et pour moins cher que les humains et/ou les bœufs. Bref, qu’ils ont un bien meilleur rendement. Le système économique donc, avec ses prétendues lois (de la nature).
Et en même temps, c’est parce que l’être humain sera toujours partisan du moindre effort.
Pourquoi se faire mal, quand on peut se l’éviter ? ( à suivre)
Pourquoi, par exemple… se faire mal aux mains pour casser des noix, alors qu’il suffit de taper dessus avec un cailloux ? Seulement il n’y a pas que Sapiens qui fonctionne ainsi, mais tout le règne animal. Même la nature pourrait-on dire. Une rivière, par exemple, suivra toujours le chemin lui offrant le moins de résistance.
Là où Sapiens se démarque des autres espèces, c’est dans sa capacité à dépenser de l’énergie pour rien. Disons plutôt pour des choses qui n’en valent pas la peine. La fierté, la Gloire par exemples.
Contre la technolâtrie. Que le binaire pourra traduire par « POUR la technophobie ».
POUR ou CONTRE, choisis ton camp camarade !
Pour commencer je suis POUR qu’on parte du début, c’est à dire des définitions :
1) Technophobie : Pathologie. Crainte exagérée des arts et de l’artisanat. Son opposé est la technophilie.
– « Pour le physicien et ingénieur Sébastien Point, » Le rejet de la technologie […] est le symptôme d’une maladie dont souffre notre société occidentale et qui […] pourrait se révéler incurable : [etc.] » » (Wikipedia : technophobie )
2) Technolâtrie : Culte de la technologie . Admiration excessive et souvent irrationnelle envers la technologie.
– « La technophilie est un fort enthousiasme pour la technique, pouvant aller jusqu’à l’exaltation […] Certains sociologues et psychologues estiment que, poussée à un certain stade, la technophilie relève de l’addiction [etc.] » (Wikipedia : technophilie)
( à suivre )
Bref, sans parler de l’esprit binaire, du manichéisme… de ces deux maladies laquelle est la plus grave ? La peste ou le choléra ?
Toujours pareil, tout est dans la mesure. La juste mesure !
Comment un technophile, un néo-luddite… peut-il REGRETTER la télé noir et blanc, le «bon» vieux téléphone fixe etc. ? Logiquement il devrait les critiquer tout autant que l’écran plasma, le portable ou encore les métiers à tisser du 18ème siècle, non ? Demain va t-il également regretter la 5G ? Alors pourquoi ce REGRET ?
Pour moi l’explication porte un nom : NOSTALGIE (=> solastalgie)
Les souvenirs qui s’ancrent le plus dans notre mémoire seraient ceux de notre jeunesse, plus précisément entre 15 et 25 ans. Vu que notre mémoire est sélective nous avons tendance à ne retenir que les meilleurs moments, sans oublier que la mémoire nous joue souvent des tours. Ce qui fait que pour le nostalgique le «bon» vieux temps est tout simplement idéalisé.
» Puis est venue pour l’enfant l’accumulation de jouets, à Noël et autres anniversaires : une montagne de jouets nécessitant presque tous des piles électriques. Pas étonnant qu’à 7-8 ans, l’enfant réclame déjà son téléphone personnel ! Mais ce n’est plus à l’autonomie que l’enfant accède, c’est à la soumission à une société thermo-industrielle. »
–> Puis une fois adulte, les individus continuent de croire en l’économie Père Noël, ils attendent absolument tout de l’État ! Les aides sociales ont renforcé l’industrie, car les individus préfèrent tout laisser sous traiter les activités par des robots, il n’y a plus qu’à recevoir des aides sociales pour consommer ! Les individus ont renoncer à leurs métiers d’artisans et de fermiers pour se laisser remplacer par des machines, mais ce sont les aides sociales qui ont permis de rendre acceptable ce renoncement !
Sans aides sociales, est ce que les individus auraient accepté de renoncer à leurs métiers et accepter que les robots les remplacent ? Le socialisme tue ! D’ailleurs Martine Aubry le scande haut et fort à tous ses meeting « Le socialisme permet de libérer l’homme du travail ». Mais Martine oublie de vous préciser que libérer l’homme du travail le prive de revenu par la même occasion ! D’où les aides sociales venant se substituer aux salaires, mais ce qui explique aussi que la répartition des revenus devient de plus en plus inégalitaire, puisque les chômeurs ont de maigres revenus puis en face les patrons propriétaires des robots deviennent multimilliardaire ou multimillionnaire…