Françoise d’Eaubonne, une icône de l’écoféminisme

Écoterrorisme : L’essai sur le féminisme que Françoise d’Eaubonne écrivit en 1971-1972 se termine sur la découverte du problème écologique, le jour où elle fut scandalisée d’entendre un ami lui dire : « Le problème de la révolution passe au second plan devant l’urgence écologique. Le prochain acte réellement révolutionnaire sera l’attentat contre une centrale nucléaire en construction. Le Capital en est au stade du suicide, mais il tuera tout le monde avec lui ». Il lui aura fallu plus d’un an pour assimiler la profondeur de cette vérité. Au nom de la « contre-violence », Françoise d’Eaubonne participera à la lutte contre l’énergie nucléaire en commettant avec d’autres contre la centrale de Fessenheim un attentat à l’explosif le 3 mai 1975, retardant de quelques mois son lancement. Elle assume cette position radicale jusqu’au bout puisque dans ses derniers tomes de mémoires elle écrit encore : « La contre-violence, nom véritable de ce qu’on appelle aujourd’hui terrorisme, semble très indiquée comme retournement de l’arme de l’ennemi contre lui-même ; il va de soi que les attentats ne visent que des points de rupture précis du front ennemi, économisant au maximum les vies humaines, n’employant la prise d’otages qu’à bon escient et jamais avec n’importe qui, utilisant les moyens destructifs pour supprimer les coupables les plus évidents ou instruire le plus grand nombre possible d’abusés du sens de cette guérilla urbaine. »

Malthusianisme : Françoise d’Eaubonne dénonce l’imposture de la croissance démographique, en appelant carrément à la grève des ventres, dans une révolution écoféministe et en même temps tiers-mondiste. Ayant dévoré le premier rapport du club de Rome établi par les experts du MIT en 1972, elle insiste sur les limites de la planète : « Aucun régime politique, fût-ce celui de l’Age d’or, aucun invention géniale ne changera ce petit fait désolant : notre planète ne compte que 40 000 km de tour, et rien ne lui en ajoutera un seul. » Ces limites impliquent une limitation de la population. Pour elle, le lapinisme et le patriarcat vont de pair. Donc pas de révolution sans contrôle drastique des naissances. Elle identifie dans l’illimitation, ce qu’elle appelle l’illimitisme de la société patriarcale, le paradigme de la modernité économique. « La destruction des sols et l’épuisement des ressources signalées par tous les travaux écologistes correspondent à une surexploitation parallèle à la sur-fécondation humaine. » La surpopulation est donc, selon elle, la conséquence du « lapinisme phallocratique ». La décroissance doit être aussi, voire surtout, démographique, mais néanmoins sélective. Elle insiste sur le fait que ce qu’on appelle désormais l’empreinte écologique est, pour les enfants du Nord, beaucoup plus forte que celle du Sud : « Quand on sait ce que coûte à des ressources déjà si compromises et si abîmées la naissance d’un seul enfant des pays moins surpeuplés (ceux du bloc capitaliste-privé) par rapport à un enfant de l’autre camp, le sous-développé, et qu’un petit Américain ou Suisse va détruire davantage que dix Boliviens, on mesure avec précision l’urgence d’un contrôle démographique mondial par les femmes de tous les pays… La seule solution à l’inflation démographique, c’est la libération des femmes, partout à la fois. »

Ecoféminisme (terme créé en 1974 par Françoise d’Eaubonne) : «  Quand en 1978 j’ai fondé le mouvement de réflexion Ecologie-féminisme qui estimait utile de confier les soins du sauvetage planétaire au courant de libération des femmes – non en vertu de « valeurs féminines » plus ou moins imaginaires, mais de la part spécifique que la patriarcat réserve au deuxième sexe -, j’ai bien pris soin dans mon livre Écologie/féminisme de distinguer cette analyse et cet appel de tout idéalisme philosophique, essentialisme ou naturalisme, et en soulignant que la mutation est le but final de toute révolution. »

Françoise d’Eaubonne, « Écologie et féminisme (révolution ou mutation ?) », première édition en 1978, réédition 2018 aux éditions Libre & Solidaire – 212 page pour 18,90 euros

NB : Françoise d’Eaubonne est née en 1920, elle est morte le 3 août 2005

3 réflexions sur “Françoise d’Eaubonne, une icône de l’écoféminisme”

  1. Oui il y a surnatalité sur Terre, les écologistes font des comparaisons d’indice de pollution nord/sud, mais c’est complétement biaisés leur rapport. En effet, un africain a autant de besoin alimentaire qu’un européen, un africain aspire a mangé la même quantité de viande qu’un européen, de même qu’en Afrique ils sont viandards à 99% de la population.

  2.  » La destruction des sols et l’épuisement des ressources signalées par tous les travaux écologistes correspondent à une surexploitation parallèle à la sur-fécondation humaine. »
    Voilà qui devrait ouvrir les yeux à ceux qui sont obnubilés uniquement par la décroissance consumériste et qui se foutent comme un poisson d’ une pomme de la surnatalité.
    La surprésence humaine est bien la cause originelle des problèmes écologiques .
    Cette femme est digne d’ éloge

  3. Quand je vois les vidéo de Pablo Servigne disponible sur Youtube, je trouve qu’elle a quand même été sacrément en avance, surtout qu’à l’époque le système Terre ne donnait pas de signe de fatigue.

Les commentaires sont fermés.