Notre système techno-scientifique, appuyé sur son relais médiatique, fait preuve d’un optimisme forcené. Selon l’en-tête du Monde (11-12 janvier 2009) « L’approvisionnement des futures centrales nucléaires semble assurée pour plusieurs décennies ». Il y aurait 5,5 millions de tonnes exploitables d’uranium pour une consommation annuelle de 70 000 tonnes. Calcul rapide de moyenne, il en reste pour « environ quatre-vingt ans », soit trois générations seulement. Mais si le parc des centrales double, croissance folle que souhaite Sarkozy et les tenants de la relance nucléaire : en 2050, il n’y aura plus d’uranium, comme il n’y aura plus de pétrole : ni radiateur électrique, ni chauffage au fuel, ni voiture hybride, ni voitures tout court. Toute ressource non renouvelable atteint ses limites géophysiques un jour ou l’autre, et 2050, c’est déjà demain.
Comme d’habitude on envisage l’hypothèse technologique, l’espoir insensé de trouver autre chose : « Les millions de tonnes d’uranium emprisonnés dans les phosphates et les milliards de tonnes contenues dans l’eau des océans pourraient être exploitées ». « Pourraient… ». Mais « les obstacles techniques et financiers sont encore – à ce jour – insurmontables ». Donc attendons patiemment un autre jour ! Oublions que la technique nucléaire nous permet de prétendre à l’holocauste nucléaire et nous a apportés quelques bienfaits immédiats en nous permettant de consommer sans penser à nos générations futures …
Même page Planète du Monde, même démesure technologique : l’ensemencement en fer de l’océan. Hervé Kempf, mon journaliste préféré, nous définit parfaitement cette procédure de géo-ingénierie : « transformation forcée des mécanismes naturels à l’échelle de la planète ». Forcée, donc forcenée. Nous craignons à juste titre le réchauffement climatique ? Alors les techno-scientifiques envisagent de déposer des tonnes de fer dans la mer pour ensemencer le phytoplancton qui, en se multipliant, pourrait capturer le carbone excédentaire. « Pourrait » ! Mais les effets secondaires ne sont pas encore maîtrisés. On ne sait pas encore faire, mais on fait quand même : le navire Polarstern est parti déposer ses 20 tonnes de fer sur 300 km2 d’océan en bravant l’accord d’interdiction passé par la communauté internationale !
Le plus grave dans ces deux histoires, le trait commun de notre folie humaine, c’est que l’espoir de trouver la technologie qui sauve nous empêche de résoudre dès aujourd’hui nos problèmes énergétiques. Les privilégiés de la classe globale, celle qui se permet indûment de posséder un véhicule personnel, font confiance à nos apprentis sorciers pour ne pas remettre en question leur mode de vie. Cela n’est pas durable…