futuribles, futurs possibles

Depuis 1975, la revue Futuribles veut organiser l’avenir de la planète (LeMonde du 1-2 août). Autant dire que le succès n’a pas été au rendez-vous. Pourtant dès 1968 le père fondateur, Bertrand de Jouvenel, avait écrit un livre qui aurait du être au chevet de tous les politiques, Arcadie, essai sur le mieux vivre. Quelques points-clés :

Le circuit écologique : Nous faisons preuve de myopie lorsque nous négligeons de nous intéresser à l’entretien et à l’amélioration de notre infrastructure fondamentale : la Nature. Une autre manière de penser, c’est de transformer l’économie politique en écologie politique ; je veux dire que les flux retracés et mesurés par l’économiste doivent être reconnus comme dérivations entées sur les circuits de la Nature. Le terme d’infrastructure est à présent populaire, il est bon d’avoir donné conscience que nos opérations dépendent d’une infrastructure de moyens de communication, transport, et distribution d’énergie. Mais cette infrastructure construite de main d’homme est elle-même superstructure relativement à l’infrastructure, celle des ressources et circuits de la Nature.

La technique est le problème, pas la solution : C’est en Europe qu’a été faite la révolution industrielle alors que l’ingéniosité chinoise avait bien des siècles d’avance sur nous. Si les Chinois virent leur grande avance se transformer en retard, ce fut parce qu’ils avaient continué de penser en termes d’harmonie générale plutôt que de distinguer ce qui était propre à un problème spécifique. Pareille comparaison nous amène à prendre conscience de notre dureté intellectuelle. On peut s’en apercevoir lorsqu’on cherche à intéresser l’un de nos techniciens à certains des effets secondaires prévisibles de l’innovation à laquelle il travaille. Un haussement d’épaule lui suffit pour rejeter l’objection : « Ce sera le problème de quelqu’un d’autre ». Il est fort probable que cette attitude est une condition de succès. Mais plus nous en acceptions la légitimité, plus nous devons reconnaître que notre façon de résoudre les problèmes est elle-même génératrice de problèmes. Notre progrès est donc un complexe de résolutions de problèmes et de création de problèmes. Ce qui me frappe, c’est que les problèmes de l’environnement sont négligés.

L’absence des générations futures : Ce qui a détourné les économistes de prendre en considération l’épuisement des ressources naturelles, c’est le caractère lointain de cette menace. Sitovsky a présenté de façon très heureuse le conflit entre la génération présente et les générations futures au sujet des ressources épuisables. Il ne se peut malheureusement pas, dit-il, que les générations futures projettent leurs acheteurs sur les marchés d’aujourd’hui où ils viendraient comme demandeurs réserver des ressources qui viendraient en diminution de notre gaspillage présent.