Georges Minois et la question démographique

Georges Minois a écrit beaucoup de livres bien documentés. Qu’il rejoigne le camp des malthusiens est donc un bon signe de la part d’un fin connaisseur des péripéties historiques ! Pour lui, les temps commencent à changer à partir du milieu du XXe siècle. Le premier cri d’alarme est lancé en 1948 par William Vogt qui écrit dans Road to Survival : « La surface des terres cultivables diminue rapidement à mesure que croît la population, et que le sol est détruit… il est évident que d’ici cinquante ans, le monde ne sera pas en état de nourrir trois milliards d’individus en plus, si ce n’est à un régime de coolies. » Mais les caractéristiques des prédictions de Cassandre sont qu’elles se réalisent et que personne ne les écoute. Voici quelques extraits recomposés qui ne reflètent qu’une toute petite partie de la richesse de cet ouvrage :

La France se distingue particulièrement par son populationnisme. La loi répressive de 1920, interdisant aussi bien l’avortement que la contraception, a été votée aussi bien par Maurice Barrès (nationaliste) qu’Édouard Herriot (radical-socialiste), Marc Sangnier (chrétien-démocrate) ou Robert Schuman (catholique). Pour ces politiques parfois progressistes, « il ne s’agit pas de porter atteinte au principe sacré de la liberté de penser et d’écrire » (Louis Barthou, républicain modéré) : à l’époque la peste brune est plus acceptable que le malthusianisme !

L’Institut national d’études démographiques a été créé en 1945. Sous des dehors scientifiques, il a des allures de service de propagande nataliste. Un de ses directeurs, Alfred Sauvy, était un populationniste notoire, partisan d’une répression rigoureuse de l’avortement dans un de ses écrits de 1943. Le congrès du parti communiste en 1956 le répète : « Le néomalthusianisme, conception ultra réactionnaire, remise à la mode par les idéologues de l’impérialisme américain, est une arme aux mains de la bourgeoisie pour détourner les travailleurs de la lutte pour les revendications immédiates, pour le pain, pour le socialisme. » La naissance du 50 millionième français en 1968, est présentée comme un exploit national.  En 1974, Simone Veil fait voter la loi qui légalise la pratique de l’avortement. Le thème du vieillissement par dénatalité devient l’obsession, on ne recule pas devant les excès de langage : Michel Jobert parle d’autogénocide (1976), Pierre Chaunu de peste blanche (1976), Jean Fourastié de suicide collectif (1979). En 1988, l’Ined peut afficher fièrement le palmarès : « L’Irlande mis à part, la France est le pays où la fécondité, bien qu’insuffisant pour assurer le strict remplacement des générations, est la plus élevée. »

Mais face au vieillissement de la population, la pire des solutions est d’encourager la natalité. Les enfants que l’on fait naître aujourd’hui auront la charge d’entretenir les effectifs pléthoriques de leurs parents, grands-parents, et même une bonne partie de leurs arrière-grands-parents, étant donné l’allongement de la longévité. Et cela dans un monde aux ressources raréfiées et à l’environnement saccagé. C’est cela qui est suicidaire.

La mondialisation a du mal à pénétrer dans le domaine démographique, où on continue à raisonner en termes nationaux : dans la naissance d’un Français, on voit d’abord que c’est un Français, qui contribue à augmenter l’effectif national. C’est en pleine contraction avec des préoccupations écologiques, puisque le niveau de vie d’un Français a cinq ou dix fois plus d’impact sur l’environnement que celui d’un Chinois ou d’un Nigérien. La dimension globale est prise en compte pour le climat, mais pas pour la population, quand bien même il y a des liens entre les deux.

Le poids du nombre de Georges Minois (2011)

13 réflexions sur “Georges Minois et la question démographique”

  1. Esprit critique

    Si on entend le mot DÉBAT dans le sens de ce qu’on appelle un débat méthodique, alors la question démographique ne peut être débattue qu’entre malthusiens. Déjà ils ne s’étriperont pas sur le postulat qui veut que le (sur)Nombre soit le Problème N°1. Ni sur ce qui en découle, tout à fait logiquement, yaca et faucon le réduire radicalement ! Pour sauver la Planète, le Climat et patati et patata, bien sûr. Sauf qu’à ce stade ce n’est pas un débat, ce n’est que de l’auto-persuasion.
    Pour qu’ils puissent réellement débattre, et ainsi avancer, vers où peu importe, il leur faut le huis clos. Dans ces conditions là au diable le politiquement correct, ils seront entre gens qui se comprennent et qui ont tout compris, du moins qui croient avoir tout compris. Et dans ces conditions là, si ce n’est de la façon de supprimer je ne sais combien d’être humains, de quoi donc pourraient-ils réellement débattre ? Et jusqu’où ?

    1. Les uns et les autres devraient vite se mettre d’accord sur un panel de solutions (radicales, finales) allant de la Capote-Pilule à la stérilisation forcée en passant par l’euthanasie. Sauf qu’à ce stade ils n’auront encore fait que blablater. Et il leur faut avancer.
      Et là, la question qui tue : Comment faire pour que La Solution soit socialement acceptée ?
      Acceptée ou «acceptée» peu importe, l’heure n’étant plus à chipoter, encore moins à philosopher, «nous sommes en guerre» etc. Finalement les malthusiens sont face à un sacré problème. Sacré ou satané peu importe, ce n’est pas le mien..

  2. Le livre de Georges Minois est absolument remarquable, je recommande notamment toute la partie sur les cités grecques où l’on notera que la préoccupation sur l’adéquation entre ressources et population était bien présente, nous avons oublié ces leçons et maintenant nous voilà face au mur : toujours plus de monde, toujours moins de nature, toujours moins de ressources, avec comme seule perspective de voir la biosphère s’effondrer (c »est déjà largement le cas) et les plus pauvres le rester.
    Voir un commentaire sur cet ouvrage
    http://economiedurable.over-blog.com/article-le-poids-du-nombre-de-georges-minois-70491851.html

  3. Un autre son de cloche, pour changer. George Monbiot et la question démocratique :

    – « Ce n’est pas une coïncidence si la plupart des obsédés de la surpopulation mondiale sont de vieux riches blancs ayant passé l’âge de la reproduction : c’est à peu près le seul point environnemental qu’on ne puisse leur reprocher. […] Il est temps que nous ayons les tripes de nommer le problème. Ce n’est pas le sexe ; c’est l’argent : ce n’est pas le pauvre ; c’est le riche. »
    ( La surpopulation, un mythe. Sur reporterre.net )

    1. Pierre Rabhi et la question démocratique :
      – « L’argument démographique est une imposture pour sauver la planète »

      1. Didier BARTHES

        Une imposture ? Quel mépris de la part de Pierre Rabhi pour ceux qui ne pensent pas comme lui ! Lui aussi a-t-il une réponse à la place que nous laisserons à la nature dans un monde de très bientôt 8 milliards de personnes ?

    2. Didier Barthès

      Et monsieur Monbiot laisse quelle place à la nature dans un monde de milliards de pauvres (qui d’ailleurs aimeraient légitimement ne pas le rester) ?
      Quel mépris de sa part !
      Le vrai problème c’est bien d’abord le nombre, mais c’est tellement facile de dire le contraire pour soigner son image.

      1. Pour ce qui est de soigner son image, d’user et abuser du politiquement correct, du bottage en touche, etc. je dirais que les malthusiens et autres dénatalistes ne sont pas mal non plus. Pas TOUS les malthusiens bien sûr. Je ne cite pas de nom parce que je ne veux pas tuer le messager, ni personne d’ailleurs, misère misère !
        Le fait de penser et de dire le contraire que ce que s’obstinent à marteler les malthusiens (autrement dit les «vrais écolos») serait donc du mépris, pour la nature. Elle est bien bonne celle-là ! Mais d’où sort ce postulat ?
        D’un esprit malthusien bien sûr.

      2. Sincèrement, mon cher Didier, croyez-vous que ce Monsieur Monbiot se fiche royalement de la nature ? Et que Rabhi, moi et tant d’autres également ? Dites moi, sincèrement, honnêtement, où est la cohérence là dedans ? Mais bien sûr, rien qu’avec ça nous pourrions nous renvoyer la baballe jusqu’à la nuit des temps.
        Sachez que si je m’obstine ainsi, c’est juste pour essayer de vous faire entrevoir que finalement tout ça n’est pas sérieux. Et que de parler de ce problème (autrement dit s’étriper) ne mène à rien. Rien de bon en tous cas !

      3. Les opinions de Rhabi ou Monbiot pèsent autant qu’ un atome d’ hydrogène : la réalité démographique est là pour infirmer leurs « opinions »
        Ce sont en effet de tristes sires rangés dans le camp de ceux qui sont englués dans la bien pensance et qui méprisent profondément les peuples

        1. Triste et horrible sire

          Chauffe Marcel ! Au diable le Réchauffement Climatique !
          Misère misère !

        2. Rassurez-vous, je possède un stock inépuisable de commentaires « horribles  » relatifs à nos chers écolos de la sainte farce façon Rhabi / Monbiot et autres agités du bocal .
          Que fait le changement climatique ici ?

        3. Pour répondre à votre question, j’ai dit réchauffement et non pas changement, nuance. Je ne parle pas de ce réchauffement qui obsède et fait bouillir Greta, mais de celui qui brouille et pourrit les esprits, misère misère ! C’est bon, c’est plus clair comme ça ?

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