Corinne Lepage, ex-ministre de l’écologie : « A l’heure qu’il est, nul ne sait, sauf peut-être le président de la République, comment s’achèvera le « grand débat national » et sur quelles sortes de propositions, qu’elles soient organisationnelles ou de fond, il débouchera. Mais le malheur veut que, « en même temps », tous les instruments du débat public soient progressivement déconstruits ou programmés pour l’être. Tout d’abord, la suppression des enquêtes publiques… Vient ensuite la réduction massive du champ de l’étude d’impact environnemental… S’ajoute l’objectif du conseil d’État qui vise à réduire au minimum la recevabilité des recours… La France est désormais un pays dans lequel il est quasiment impossible, quelles que soient les illégalités, de gagner un procès contre EDF, Total et quelques autres totems de notre système… Enfin, cerise sur le gâteau, il s’agit désormais de supprimer le seul sas de débat public qui existait réellement, celui de la Commission nationale du débat public (cf. mediapart). »* Place aux commentateurs perspicaces sur lemonde.fr :
Jean Nébavé : On peut ajouter la loi sur le « secret des affaires », on peut ajouter la récente tentative de perquisition à Médiapart…
Fourmaintraux Alain : La Commission Nationale du Débat Public ? Mais n’a t-elle pas été écartée après les révélations de Médiapart, précisément, sur la rémunération de sa présidente ?
HdA @ Fourmaintraux : Non. Sa présidente s’est mise de côté pour que son salaire ne perturbe pas le débat (elle a aussi proposé que son salaire soit débattu). La commission a été dessaisie par le gouvernement. Retournez dans les archives du journal.
Graphisto : Sur le dessaisissement de la Commission Nationale du Débat Public, Il faut lire l’article complet de Mediapart http://savons-ficelles.com/web/grand-debat-les-secrets-d-un-hold-article_788370.pdf pour voir que le gouvernement a tout fait pour saboter le potentiel débat, réduit maintenant à la Campagne Macron, + quelques thèmes bien choisis par lui. Une farce.
Lectrice 75 : La main-mise de l’Etat sur l’organisation et les suites éventuelles du grand débat suffit à justifier qu’on le boycotte.
Rajeu : La principale lacune de la CNDP se posera dans tous les types de débats au final : les gens s’en fichent. Qu’il s’agisse d’une enquête publique, ou d’une consultation ou d’un débat public, on peine à attirer des gens qui ne sont pas déjà fortement mobilisés pour ou contre un projet. A la limite c’est un peu mieux pour l’enquête publique en raison de la délimitation géographique plus stricte, mais même là, on peine à attirer des gens.
En fait le « Grand débat » imite le fonctionnement des groupes locaux de LRM tel qu’il existe depuis l’élection de Macron. On impose une grille de lecture d’un événement, on fait des petits groupes de travail pour en discuter, chacun y va de ses propres revendications, on réalise ensuite une simili-synthèse, ce qui débouche sur une vaste cacophonie. Ensuite on fait remonter vers le haut on ne sait pas trop quoi, on ne sait pas bien vers qui, et une proposition, oh miracle, aboutirait sur une prise de position du pouvoir central, c’est ce qu’on nous dit, et ce qui en même temps ne veut pas dire décision. Il y a bien mieux que ce grand débat, cela s’appelle conférence de consensus. Pour mieux comprendre le grand débat, les articles précédents de notre blog biosphere :
16 janvier 2019, Macron : le débat écolo a avorté avant de commencer
9 janvier 2019, Quelle démocratie pour une société écologisée ?
* LE MONDE du 19 février 2019, Corinne Lepage : « La question se pose de savoir si la France est encore un Etat de droit »
Nous savions dès le départ que le « Grand débat national » ne pourrait déboucher sur rien de concret. Les analystes confirment notre conception :
« La masse de textes que produit le grand débat interdit son traitement par l’humain. Or on ne peut pas faire confiance à la machine. Nos logiciels sont en effet incapables d’objectiver le sens car le sens n’est jamais déjà là dans le texte, intelligible. Un discours n’est pas fait simplement de mots transparents sémantiquement que l’ordinateur pourrait mettre en forme. Les dictionnaires eux-mêmes témoignent de la complexité sémantique et offrent pour chaque mot un sens premier, un sens deuxième, puis encore un troisième sens dérivé ; un sens propre et un sens figuré ; un sens en soi, mais plus pertinemment un sens en contexte. » (LE MONDE du 2 mars 2019, Le danger réside moins dans le pouvoir des machines que dans la machinerie du pouvoir)
Le sens n’est pas un attribut objectif ni des mots ni des textes, mais le fruit d’une interprétation dans lesquels l’intention supposée de l’auteur se heurte à la capacité de compréhension du lecteur. En définitive Macron retrouvera seulement le sens qu’il voudra donner au Grand débat. La démocrate « délibérative » est impossible, même dans des réunions qui rassemblent peu de personnes. Nous n’avons pas la culture du consensus…