Donnez-nous un seul exemple qui montre que la guerre sert à quelque chose. Pour le moment nous n’en connaissons pas… depuis que les humains se font la guerre ! Même pour des forces d’interposition, le résultat n’est pas garantie, exemple au Mali. Voici nos articles antérieurs sur ce blog biosphere, puis des analyses de spécialistes qui vont aujourd’hui dans le même sens que notre approche.
15 janvier 2013, intervention au Mali, une erreur de plus des socialistes
20 janvier 2013, guerre au Mali, encore des morts… pour rien
28 novembre 2019, Des morts pour rien au Mali
– Une Guerre perdue : dans son dernier ouvrage Marc-Antoine Pérouse de Montclos décrypte les raisons de l’échec de l’opération « Barkhane ». Le djihadisme au Mali est avant tout le symptôme d’un Etat défaillant, miné par la corruption et incapable d’exercer sa souveraineté. La Franceest prise au piège. En intervenant militairement, elle garantit la pérennité des gouvernements en place. Ce faisant, elle ôte toute incitation à se réformer à des régimes corrompus et parfois très autoritaires. Plus grave encore, elle travaille de concert avec des armées locales coupables d’exactions et de massacres de civils perpétrés en toute impunité au nom de la lutte contre le terrorisme. « Comment alors s’étonner que les Sahéliens la perçoivent comme une puissance néocoloniale responsable de tous leurs malheurs ? », s’interroge-t-il sans détour.*
– La guerre au Sahel ne peut être gagnée : Pour une armée étrangère, conduire des opérations de contre-guérilla à la poursuite d’un ennemi qui se cache au sein de la population est très difficile. Les échecs au Vietnam et en Afghanistan sont là pour le rappeler. Sur le terrain, le conflit est de plus en plus perçu comme un affrontement ethnique entre agriculteurs bambara, dogon ou mossi avec des éleveurs peuls hâtivement assimilés aux djihadistes. La guerre au Sahel ne peut être gagnée par une force occidentale. La France a aussi perdu la bataille de l’opinion locale. Les foules qui avaient acclamé « Serval » caillassent désormais les véhicules de l’armée française. Au Mali, la formation des militaires locaux a été confiés à l’Union européenne. Mais lorsque le problème est le népotisme et la corruption, on peut former des soldats pendant des années sans parvenir à reconstruire une armée.**
– Le point de vue des écologistes : On sait pertinemment que toute guerre est en soi destructrice nette de ressources. Quelles guerres l’écologie peut-elle donc accepter ? Y a-t-il des guerres justes ? Laissons à l’Église sa doctrine de la guerre juste ; massacrer pour la « bonne cause » est devenue une maladie récurrente de l’histoire humaine. De façon plus précise, la menace multipolaire du terrorisme est-elle soluble dans un engagement militaire classique ? La réponse est NON. Faut-il éliminer toutes les armées nationales ? La Réponse est OUI. Que faire des militaires ? Les mettre au service de l’ONU, mettre des casques bleus sur la tête des soldats !
* LE MONDE du 23 janvier 2020, Autopsie d’un enlisement de la France au Sahel
** LE MONDE du 14 janvier 2020, « La guerre au Sahel ne peut être gagnée par une force occidentale »
Sous le titre Afghanistan Papers, le Washington Post a publié les réactions d’officiers et diplomates qui disent comment on a constamment menti à leurs compatriotes sur leurs chances de succès ; pourquoi l’effort de construction d’un pays moderne et démocratique, tel qu’il était conçu, était voué à l’échec ; comment les masses d’argent déversées à cette fin n’ont fait qu’alimenter la corruption à grande échelle. Les « Afghanistan Papers », au bout du compte, c’est la chronique d’un immense fiasco que trois administrations successives – Bush, Obama, Trump – ont essayé de cacher. La tragique chronique d’une « guerre ingagnable », résume le Washington Post. Cette guerre dure depuis dix-huit ans. Bilan : 775 000 soldats américains déployés, dont 2 314 ont été tués et plus de 20 500 blessés. Plus de mille milliards de dollars ont été dépensés. Aujourd’hui encore, alors que les Etats-Unis tentent une négociation avec les talibans pour en sortir, quelque 10 000 soldats américains sont encore en Afghanistan.
Les leçons de l’Afghanistan valent-elles pour le Mali ? On ne peut, naturellement, éviter de se poser la question. Des propos du général François Lecointre, chef d’état-major des armées, au lendemain de la mort de treize militaires français en opération au Mali sont à cet égard éclairants. Interrogé sur France Inter, le 27 novembre, sur le sens de la mission française au Sahel, il a répondu qu’un « soldat doit être capable de se satisfaire de ce que le pire est évité. Aujourd’hui, parce que notre action est constante, nous faisons en sorte que le pire soit évité ». Si ce n’est pas l’aveu d’une guerre ingagnable, cela y ressemble beaucoup. « Nous n’atteindrons jamais une victoire définitive. Ce sera toujours très compliqué de voir le moment où la guerre est enfin gagnée. » C’est, là encore, la lucidité qu’imposent les guerres du XXIe siècle dans lesquelles des armées régulières partent se battre contre le « terrorisme » et se retrouvent enlisées dans des conflits multidimensionnels. Le général Lecointre appelle cela « la mutation de la conflictualité » ; moins raffiné, Donald Rumsfeld écrivait, lui, ne plus pouvoir discerner qui étaient « the bad guys » en Afghanistan, « les méchants ».
(LE MONDE du 19 décembre 2019, « Les leçons de l’Afghanistan valent-elles pour le Mali ? »)