guerre contre la nature, guerre contre l’homme

Un commentateur nous écrit : « Une fois que la civilisation agro-industrielle eut décidé de s’étendre, elle se trouva en concurrence féroce avec ces volatiles voraces et envahissants » (des pigeons aux USA). Donc autant les éliminer ! Le problème, c’est que cette espèce définitivement éteinte n’est qu’un exemple particulier de l’extinction des espèces qui s’accélère aujourd’hui. Pourquoi ? D’abord, comme le souligne notre commentateur, parce que les humains se  croient en concurrence avec toutes les formes de vie, ayant oublié que l’espèce homo demens n’est qu’une forme de vie parmi d’autres, dépendante des autres.

Ensuite, comme le souligne Hervé Kempf (LeMonde du 26 mai), parce que cette guerre contre la nature est aussi une guerre contre les paysans. Partout, les maîtres des villes font la guerre à la campagne : pour y étendre faubourg et industries, ou pour imposer une agriculture industrielle à bas de machines et de pesticides au prix d’un recul continu de la biodiversité. La biodiversité, ce n’est pas simplement une question d’ours blanc et de pigeons, c’est le conflit meurtrier entre la course au profit maximal et le nécessaire respect de la terre qui nous fait vivre. Mais la raison essentielle de la perte de biodiversité, c’est l’état d’indifférence dans laquelle se trouvent plongés nos concitoyens. Les Nations unies avaient désigné le 22 mai « Journée mondiale de la biodiversité » dès le Sommet de la Terre de 1992. Cette Journée devrait être le moment fort de l’Année 2010 de la biodiversité pour lutter contre la dégradation de la biodiversité. Personne ou presque n’a entendu parlé de cette journée mondiale le 22 mai dernier ! Pourtant en 2004 une Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (Millennium Ecosystem Assessment) avait montré que 60 % des écosystèmes (support de la biodiversité) étaient déjà dégradés.

Faute d’un changement immédiat et de grande ampleur des comportements, la perte croissante des écosystèmes naturels (purification de l’air, de l’eau, équilibre des climats…) va entraîner des modifications irréversibles. Que nous devenions possesseurs et maître de la fusion nucléaire ne ferait qu’accélérer la fin de notre civilisation thermo-industrielle, asphyxiée dans un monde de la démesure, sur une planète de moins en moins vivante, recouverte de bétons et  de terres stérilisées.

5 réflexions sur “guerre contre la nature, guerre contre l’homme”

  1. Le système agricole n’a pas toujours été intensif Mr Mahéo. Car l’esprit productiviste n’a pas toujours baigné nos cultures paysanes occidentales.
    Ceci dit, lorsqu’on regarde l’épaisseur des sols que nos anciens nous ont laissé sur certaines terres ingrates et ce après des siècles où ils n’ont su créer que 20-30cm de sol. Bizarre non ! Pourquoi à votre avis ? Parce que la biodiversité du sol était et est l’éternel inconnu du monde paysan. Autant par le passé ils faisaient attention de ne pas épuiser leur sol (bien que leur pratique l’épuisait de fait) autant aujourd’hui il demeure tout autant le grand inconnu et qu’observe-t-on ? Aujourd’hui une majorité de productivistes utilisateurs de chimie qui flingue la biodiversité du sol ! Et que font-ils ? ils utilisent des perfusions (intrant) pour remplacer les apports qu’offrent naturellement le sol !! N’y a-t-il pas là un signe de la nécessité pour le monde agricole d’en connaître un peu plus sur cette biodiversité invisible ? Où veux-je en venir ? Quel est des deux mondes : le monde agricole asservi par la pétro-chimie ou celui de la finance qui est susceptible de nous faire courir à notre perte ? Les deux mon capitaine.

  2. @ Lothaire :

    Le système national agro-industriel intensif, ce n’est pas l’agro-business intensif, qui lui est une créature de la mondialisation financière.

    Nos paysans pratiquent tous l’agriculture intensive, depuis longtemps. Mais les délires industriels de Cargill ou de Monsanto (par ex.), qui sont des créatures supranationales à vocation monopolistique soutenues massivement par les cartels financiers (bref, des créatures impériales), n’ont rien à voir avec ce système national agro-industriel intensif. Ils constituent même des attaques extrêmement brutales et dangereuses contre ce système, en en détruisant l’organisation agricole et en éliminant par concurrence déloyale (ou pire) les agriculteurs-entrepreneurs.

    Ce que vous décrivez doit être combattu et régulé, mais la source de ces maux n’est pas dans le système national, mais dans le système impérial.

    Salutations,
    Jean-Gabriel Mahéo

  3. « Le modèle à abattre n’est pas le système national agro-industriel intensif, mais le système impérial d’esclavage par la dette monétaire et financière »..
    Vous travaillez pour l’agriculture intensive? Sans doute. Quel manque d’auto-critique, dans ce cas! Sinon c’est tout simplement faux. L’agro-business intensif est un désastre, aussi bien de par ses conséquences en terme de pollutions (eaux, terre, air, humains, déforestation par importation de protéines OGM, invasives, pour l’élevage) et de « mort » (vers de terre…) des sols que par les résultats (subventions et exportations écrasant les agricultures vivrières du Sud, étouffement du développement bio..) du système qui le soutient.

  4. Le combat perpétuel que nous menons contre la nature avec pour objectif d’exploiter au maximum ses richesses pour en faire commerce se transforme peu à peu en formidable odyssée autodestructrice. A n’en pas douter, la perte de biodiversité signera le lent déclin de notre espèce qui, pendant ces derniers millénaires, s’est crue supérieure aux autres. Voici le prix que nous aurons à payer pour avoir fait de la planète une vaste poubelle et un cimetière d’espèces exterminées, pour avoir empoisonné fleuves, rivière nappes phréatiques et atmosphère, détruit forêts, savanes, marécages et littoraux.

    L’érosion de la biodiversité se sera accompagnée d’une vaste catastrophe économique et sociale. N’en déplaise à beaucoup, la nature s’en sortira, elle aura le dernier mot, alors que nous, nous serons morts, affamés ou entretués.
    (Pour en savoir plus, lire « Demain, seuls au monde ? L’homme sans la biodiversité » d’Emmanuelle Grundmann)

  5. @ auteurs :

    Beaucoup de rhétorique paniquée, pas assez de réflexion, sauf votre respect.

    1) L’élimination regrettable des pigeons migrateurs américains, au 19ème siècle, est plutôt un accident consécutif à l’exagération de la politique de réduction de ces populations ravageuses de cultures, qu’une politique intentionnelle d’élimination de la variété entière.

    2) Le pigeon migrateur américain est une variété de pigeon, pas une espèce. L’espèce n’a pas disparue, et la niche qu’occupait la variété disparue a certainement été réoccupée par une variété cousine, moins grégaire et ravageuse.

    3)C’est un fait de l’évolution que toutes les espèces présentes dans un biotope sont en concurrence pour les ressources, et que c’est par le perfectionnement naturel des relations entre les espèces que l’harmonie s’est établie en ce qui concerne la juste et bonne exploitation de ces ressources. L’Homo Sapiens n’échappe pas à cette règle, mais y apporte un plus : il est capable, créature libre, de démultiplier la quantité et la vitesse de circulation de ces ressources dans le biotope entier, pour le profit de toutes les espèces végétales et animales, à commencer par celles dont il dépend directement.

    4) Par conséquent, aujourd’hui, la biosphère dépend autant de l’Homme que l’Homme dépend de la biosphère. La maîtrise croissante par l’humanité des flux physiques, biogéochimiques et énergétiques l’amène même au seuil de la prochaine révolution biosphérique, dont la révolution industrielle était une étape nécessaire, qui est celle de l’ère de la terraformation, c’est-à-dire la maîtrise de la croissance biosphérique par l’homme et son application aux territoires stériles terrestres ou extra-terrestres.

    4) Les « Maîtres de villes » de Kempf ne sont pas les « Maîtres des forges » d’antan. Aujourd’hui, la piraterie de l’économie et de la planète provient de la barbarie de la spéculation financière internationale et des cartels bancaires transnationaux. Ils ne produisent que de la dette – financière tout autant qu’écologique – et la font payer très cher aux peuples, aux nations et aux producteurs tant agricoles qu’industriels.

    5) Un recul de la variété interne des espèces n’est PAS un recul de la biodiversité. L’homme sait depuis des millénaires créer des variétés adaptées aux biotopes et utiles à l’économie humaine et à la biosphère. Toutes les espèces de plantes et de bêtes avec lesquelles nous vivons et desquelles nous dépendons directement sont des variétés créées par l’homme, et les autres espèces ont modifié les caractères de leurs variétés en conséquence.

    6) C’est peut-être une conséquence de votre philosophie que de considérer toute déviance de l' »équilibre naturel » (notion fallacieuse) comme une « dégradation », mais en vérité, vous ne pouvez pas dire cela : 60 % des biotopes sont modifiés, non « dégradés ». La réalité, c’est que l’action humaine a déjà modifié 100 % des biotopes, ne serait-ce que par l’apport bénéfique du supplément de CO2 atmosphérique, qui accroît la production primaire planétaire.

    7) Plus un pays est développé, plus ses biotopes « sauvages » sont sains, variés et peuplés, les pays les plus agro-industriels du monde sont aussi les plus verdoyants. Pourquoi ? Parce que, dans ces pays, les questions de « purification » de l’air ou de l’eau ne sont pas laissées à la seule nature, mais sont organisées par la société. Figurez-vous qu’en France, par exemple, chaque foyer dispose d’une source individuelle d’eau parfaitement potable, par exemple.

    8) Plus un pays est développé, plus il est verdoyant, animé et « varié », car le propre des progrès technologiques et scientifiques est de permettre la maîtrise de flux de densité énergétique toujours plus grand, d’utiliser par conséquent beaucoup moins de territoires et de matériel à la production des moyens de reproduction de la société et de son territoire, et d’accroître ainsi le support « gratuit » que l’homme apporte à la croissance de la biosphère.

    9) Plus un pays est développé, MOINS il est couvert de bétons et de terres stérilisées (e.g. USA, R.U., France, Allemagne, Japon)

    10) La maîtrise de la fusion thermonucléaire sera le début de la nouvelle révolution biosphérique, de l’ère de de la liberté de la biosphère dans l’univers ; cette énergie offrira l’opportunité d’aller établir la vie dans l’espace et sur d’autres planètes, ce qui constitue quand même un merveilleux progrès pour notre biosphère, non ?

    En conclusion, l’ennemi à abattre – tant de l’Homme que de la Nature -, ce n’est ni le bourgeois, ni l’industriel, ni l’agriculteur, ni le consommateur, ni le patriote, ni le surnuméraire. C’est l’usurier, le spéculateur parasite, le banquier cynique.
    Le modèle à abattre n’est pas le système national agro-industriel intensif, mais le système impérial d’esclavage par la dette monétaire et financière, qui ne s’intéresse qu’au gain financier à court terme et demande le prix du sang en cas défaut de paiement, comme aujourd’hui.

    Débarassée du parasitisme financier, la planète retrouvera sans problème le chemin de sa future prospérité, aux bénéfices mutuels des nations et de la nature.

    Salutations,
    Jean-Gabriel Mahéo

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