Le Diable, sous les traits d’un homme d’affaires, explique : « J’ai imprégné tous les domaines de la vie humaine de mes principes. Dans toutes les administrations, les associations, quelle que soit la fonction qu’elles remplissent, j’ai placé mes agents et mes hommes de confiance. J’empoisonne méthodiquement tout ce dont l’homme a besoin pour son existence : l’air respirable et l’eau, l’alimentation humaine et le sol qui la produit. J’empoisonne les animaux, les plantes, les campagnes, toute la Nature sans laquelle l’être humain ne peut vivre et je fais passer cette misère criante pour de la prospérité, les hommes ne remarquent pas qu’ils sont bernés. » Le Diable fait venir différents démons qui font un exposé circonstancié de leurs activités. D’abord, le démon du « Progrès » se félicite notamment de voir que ses « délégués » s’appliquent à apporter aux peuples « « sous-développés » le poison du « Progrès » afin qu’ils tombent eux aussi malades de corps et d’âmes ». Puis le responsable du service Soif et Sécheresse, explique sa stratégie : « Sous le slogan de l’hygiène, je rends obligatoire dans les HLM les salles de bains et les WC à chasse d’eau et je pousse ainsi non seulement à un gaspillage intensif de l’eau et de matières organiques hautement fertilisantes, mais je pollue encore les rivières et les fleuves. » Morf, impliqué dans la dégradation de l’alimentation, a « éliminé de l’alimentation humaine des substance de grande valeur pour les transformer artificiellement ». Les aliments raffinés, comme le sucre blanc, sont notamment désignés comme déclencheurs de cancers. Un autre démon, Karst, décrit la déforestation, incitant « à la construction des scieries et des fabriques de cellulose et de papier ». Il se réjouit ainsi « des mouchoirs en ouate de cellulose qui ne servent qu’une seule fois, des couches de bébé et bien d’autres objets qui sont jetés aussitôt après leur utilisation ». En outre, Karst loue « le démon du Mensonge qui est occupé à la prolifération croissante du livre, des éditions, et, en général, de tout ce qui est imprimé ». La question agricole est longuement abordée, avec trois démons : Dust, Tibu et Spray. Le premier a incité l’homme à moderniser l’agriculture et à utiliser des engrais et des pesticides chimiques, affirmant que « plus les récoltes sont impressionnantes, plus profonds et durables sont les dommages causés au sol ». Pour lui, « la mort de la vie organique dans la terre représente la dernière phase de vie de l’humanité (…) ». Le deuxième est « chargé de procéder à l’élimination de la culture rurale et de la paysannerie » tandis que le troisième se vante d’avoir « donné aux hommes l’idée de lutter contre les mauvaises herbes à l’aide de ces poisons chimiques que l’on nomme les herbicides. »
A la fin du livre, Gunther Schwab avance ses idées eugénistes et malthusiennes. Un démon affirme que les médecins œuvrent pour le Diable parce qu’en « enrayant les épidémies, vous empêchez l’élimination des faibles, de ceux qui ne sont pas biologiquement résistants, et vous affaiblissez le potentiel biologique de votre peuple et de l’humanité en général. » Le Diable termine alors avec « la source de toutes les puissances de destruction », à savoir l’explosion démographique : « Jusqu’alors, la bonne mort, due aux épidémies, aux serpents venimeux, aux tigres ou aux famines avaient maintenu la fécondité naturelle des hommes à l’intérieur de certaines limites. Mais maintenant, mes mesures sanitaires de protection et de développement des productions alimentaires sont partout, et, de plus en plus, mises en application. Le taux de mortalité baisse dans le même temps où le nombre des naissances augmente. » Et il conclut : « L’homme obtiendra le succès qu’il a si longtemps cherché à atteindre en violant la Nature dans tous les domaines, avec son prétendu « Progrès » ! A la fin, l’humanité ne sera plus qu’un immense troupeau de milliards d’individus bornés, tarés, infirmes, malades, faibles et idiots (…). Une misère sans nom, les épidémies, les souffrances et la faim seront la récompense de votre belle humanité. »
NB : « La danse avec le Diable, une interview fantastique », de Gunther Schwab a été publié pour la première fois en 1958. Peu connu du grand public, il aura principalement un impact auprès des premiers militants écologistes.
Ce démon du Mensonge, qui en 1958 était «occupé à la prolifération croissante du livre, des éditions, et, en général, de tout ce qui est imprimé » , est certainement très occupé aujourd’hui à la prolifération des fameux réseaux de communication et des fumeuses écoles de com’ et de marketing.
Enfumer toujours plus le gogo, lui faire prendre des vessies pour des lanternes, un cercle pour un carré, la droite pour la gôôche etc. Et en même temps le flatter, lui dire qu’il est beau, intelligent, «parce qu’il le vaut bien » etc. etc. Et puis le rassurer, juste ce qu’il faut. Et aussi lui faire peur, pas trop non plus, là aussi la juste mesure. Bref, on sait où ça mène.
On cite souvent le Rapport Meadows (1972) comme point de départ de la fameuse prise de conscience écologique. Mais c’est oublier les précurseurs, qui sont nombreux. C’est notamment oublier Günther Schwab qui dès le début des années 50 avait déjà réuni toutes les pièces du puzzle. Et voyait donc très clairement le tableau, c’est à dire la situation et la direction. Quasiment 70 ans plus tard … nous y sommes. Et nous pouvons dire que Günther Schwab avait vu juste.
Du fait de la formidable croissance économique et des formidables progrès, notamment techniques et médicaux, aujourd’hui on parle encore de «Trente Glorieuses » pour nommer la période 1945-1975. Les années suivantes furent d’ailleurs appelées les «Trente Piteuses » par de drôles de progressistes.
Mais aujourd’hui, à moins d’être aveugle et/ou dyslexique, comment ne pas à voir que les trente piteuses ce fut la période 45-75 ? Comment ne pas voir que c’est à ce moment là que se cristallisèrent tous ces cultes démoniaques ? Celui du sacro-saint Progrès, qui progresse pour des siècles et des siècles amen, celui de la Croissance, celui de la Compétition, celui de la Bagnole etc. Les trente suivantes marquèrent tout simplement le début de la fin. Et aujourd’hui ce n’est pas encore fini.
En tous cas c’est dommage que Günther Schwab soit si peu connu, surtout chez les dits écolos. Chez ceux-là, ce qui est encore plus dommage, c’est trop souvent leur manque de références littéraires.