Le premier acte de Ségolène Royal à son arrivée à l’hôtel de Roquelaure en avril 2014 fut d’enterrer l’écotaxe, un dispositif destiné à taxer le fret routier. Aujourd’hui sa nouvelle secrétaire d’Etat à la biodiversité, Barbara Pompili, s’est trouvée tout juste nommée en situation de défendre devant la commission de développement durable un amendement gouvernemental mettant en pièces le principe du pollueur-payeur. A lire l’exposé des motifs de l’amendement, le but de l’exécutif était clair : éviter, est-il écrit, « un risque juridique excessif » pour les milieux économiques. Un quasi copié-collé de la position du Medef, qui lors de l’examen au Sénat disait craindre « des risques juridiques pour les entreprises ». La ligne du gouvernement n’apparaît pas moins brouillée, sur le dossier du nucléaire. En se déclarant, fin février 2016, « prête à donner le feu vert » à la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, Ainsi la prétendue ministre de l’écologie a donné quitus au président d’EDFqui prévoit d’investir plus de 50 milliards d’euros dans la modernisation du parc nucléaire, avec la ferme intention de maintenir en activité 56 de ses 58 réacteurs. La Cour des comptes avait pourtant estimé que le cap de 50 % d’électricité d’origine nucléaire doit mener à la fermeture de « 17 à 20 réacteurs ». En dépit de « l’excellence environnementale » revendiquée par Mme « L’écologie non punitive », la France est aujourd’hui le pays européen le plus en retard sur ses objectifs de renouvelables. Sur le dossier emblématique de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la ligne du gouvernement apparaît encore plus floue entre le premier ministre, partisan de commencer les travaux au plus vite, la ministre de l’environnement, qui a demandé des expertises supplémentaires, et le chef de l’Etat, qui a proposé un référendum local, L’épisode des boues rouges en Méditerranée a aussi illustré les contradictions internes au gouvernement, Manuel Valls et Ségolène Royal s’affrontant sur la question du rejet des effluents toxiques.*
Delphine Batho, une ministre socialiste de l’écologie virée de façon indigne par le gouvernement Hollande, enfonce le clou : « Ces contradictions ne sont pas une surprise. Elles sont perceptibles depuis le début du quinquennat. l’écologie n’est pas considérée comme une stratégie centrale en matière de politique économique. Le gouvernement est ballotté sous la pression d’un modèle économique dépassé et du chantage à l’emploi. Sans projet de société global, le pouvoir est dos au mur face aux lobbies et aux intérêts particuliers. L’agrochimie, le pétrole, le nucléaire… les lobbies ne manquent pas. Pour résister aux pressions du Medef, de l’Association française des entreprises privées, l’Etat se montre faible.**
Dans son livre Insoumise (Grasset 2014), Delphine écrivait : « De longue date je suis convaincue qu’il ne peut pas y avoir de sortie de crise sans changement de modèle et que c’est autour des enjeux écologiques que cette mutation doit s’organiser. Là est le cœur de mon désaccord avec le président de la République : la crise n’est pas conjoncturelle, elle est structurelle. Elle s’explique notamment par la crise énergétique et la raréfaction des ressources à l’échelle mondiale. Mon point de vue, c’est de penser que quelque chose de nouveau doit se construire autour des politiques de long terme. » Nous lui souhaitons d’être aux côtés de Nicolas Hulot lors de la présidentielle 2017.
* LE MONDE du 4 mars 2016, Un gouvernement sans cap écologique
** LE MONDE du 4 mars 2016, Delphine Batho : « La pression des lobbies n’a jamais été aussi forte »