Eric Fassin est un sociologue engagé dans le débat public ; ce n’est donc pas véritablement un sociologue, tenu par son statut à une mise à distance par rapport aux sujets qu’il aborde*. D’autant plus que son militantisme est monovalent, il travaille sur la politisation des questions sexuelles et raciales. D’autant plus monovalent que ses écrits en témoignent : Homosexualités (1998), Au-delà du PACS : l’expertise familiale à l’épreuve de l’homosexualité (1999) ; Liberté, égalité, sexualités (2003) ; L’inversion de la question homosexuelle (2005) ; « Sex and Gender » (2008) ; « Genre et sexualité au miroir transatlantique » (2009) ; « Reproduire le genre » (2010)… Il est donc directeur de la collection Genre & sexualités aux éditions la Découverte, rien d’étonnant. Il n’est pas plus surprenant qu’Eric Fassin se positionne dans LE MONDE** comme un sociologue de la répétition : « passages à tabac homophobes ; comment lutter contre l’homophobie ; la violence homophobe ; inversion rhétorique de la démocratie pour expliquer, voire excuser l’homophobie. »
Peu importe que ce militant fasse mine de confondre opposition au mariage pour tous, homophobie et dérive antidémocratique. L’essentiel n’est pas là, il réside dans l’argumentation de fond. Son point de vue, c’est la relativité absolue de l’ordre social, tout entier sujet à la délibération démocratique. La démocratie serait un lieu vide où les individus réunis en société peuvent mettre tout ce qu’ils désirent. Il n’y a plus de transcendance, qu’elle soit d’origine divine ou naturelle. Ce point de vue se comprend, tout nous semble actuellement possible. L’humanité pourrait décider demain de disparaître dans un vaste suicide collectif organisé. Pourquoi pas ! La société décide aujourd’hui le mariage gay, c’est un moindre mal… et un mieux pour les homosexuels !
Cette conception de la toute puissance des humains est à la mode, elle résulte de la société thermo-industrielle qui mélange allègrement libertés individuelles et contraintes collectives. En tant qu’écologistes, nous pensons au contraire qu’il est urgent de revenir au sens des limites. Ces limites, elles nous sont données par les lois de la nature, photosynthèse, cycle du carbone, équilibre entre proies et prédateurs, etc. Au niveau de la famille, c’est reconnaître que notre physiologie est une base importante de l’institution familiale : complémentarité sexuelle des couples hétéros, faculté de reproduction issue nécessairement de deux sexes différents, ce qu’Eric Fassin appelle « biologisation de la famille » ou « nature biologique qui devient le refuge de la transcendance ». Cela ne veut pas dire « confondre Dieu avec la nature », mais poser philosophiquement l’exigence de transcendance pour essayer de délimiter notre volonté de toute-puissance. En d’autres termes, l’écosophie se réapproprie la nature comme un objet philosophique (Arne Naess) et un moyen de retrouver le sens des limites, y compris dans les modalités de l’institutionnalisation de notre vie de couple..
Ce point de vue ne dénie pas la possibilité pour l’humanité de décider démocratiquement de faire une chose ou son contraire. Il s’agit de dire qu’à un moment historique où nous prenons conscience du fait que nous avons dépassé par notre activisme les capacités de la planète, il devient urgent de définir démocratiquement les limites de l’exercice démocratique.
* Eric Fassin définit ainsi sa discipline : « Que peut-on légitimement demander à la sociologie ? Je propose d’abord une critique négative, qui marque les limites de ce qu’on peut faire : on ne peut pas, à partir de la sociologie, définir des normes. Ce n’est pas la science qui fait la loi. »
** LE MONDE du 24 avril 2013, Perversion homophobe de la démocratie par Eric Fassin
Bien vu l’opposition de Fassin à la nature: c’est effectivement le point aveugle de toute sa démarche. Il y a bien plusieurs gauches, mais il y a aussi les tenants du droit « naturel » (les droits de l’homme).
Bref, les droits de l’homo en ce printemps Français, on pris le pas sur tout…
Merci Apis. Nous ne vivons certainement pas dans un monde parfait, vous avez raison. C’est vrai que je peche souvent par relativisme. Ca n’est pas vraiment par conviction, mais je prefere etre tres tres prudent avant de designer des « gentils » et des « mechants ». C’est aussi utile: se faire parfois l’avocat du diable permet de voir les choses autrement, et de realiser certaines faiblesses de nos propres arguments.
Coq au vin,
J’apprécie souvent vos interventions et vos débats avec biosphère mais votre tendance à tout mettre sur le même plan dans une espèce de relativisme systématique est lassante. Le fait d’être un opposant (au nucléaire, aux OGM, etc.) n’est en rien une garantie d’accès à la vérité ou un gage de compétence. Seulement, dans une vie de simple citoyen – qui par définition n’est pas un expert dans tel ou tel domaine scientifique – il faut bien se faire une idée et choisir son camp, et pour cela faire confiance aux uns (leur donner crédit) au détriment des autres. Sans mettre tout à fait de côté la part de croyance qui nous anime tous dans cette démarche, il faut bien pour cela s’en remettre à des critères autres que scientifiques ou techniques et pour nous aider à trancher on peut observer le contexte de la production de la vérité… Or il se trouve que même lorsque l’on décide de se faire une opinion en écoutant les débats, il n’y a pas d’un côté les «pros» et de l’autre les «antis» qui débattent tranquillement à forces égales. C’est bien entendu le contraire qui est vrai et ce sujet est assez bien documenté quand on se donne la peine de le creuser un peu ! Car, voyez-vous, il arrive que l’accès à la parole et aux médias soit assez inégal…et il arrive même que les scientifiques prenant des positions dérangeantes comme Gilles Éric Séralini, Jean-Pierre Berlan et plus récemment Carmen de Jong (chercheuse travaillant sur la pollution générée par les stations de ski qui a subi des pressions de toutes sortes et des menaces) soient discrédités par des moyens assez radicaux. Ce fait – car c’est un fait et non une idéologie – devrait suffire, sinon à nous laisser entrevoir ce qui se joue, au moins à nous mettre la puce à l’oreille…
Dit autrement, nous ne vivons pas dans un monde parfait où les tenants d’une thèse affronteraient en toute transparence et de manière courtoise les tenants d’une thèse contraire ! Sans parler de l’argent dépensé en communication et en stratégie de ce type par des industriels peu scrupuleux – qui auraient par exemple grand intérêt à pouvoir déposer des brevets sur des plantes – les rapports de force sont trop inégaux, les moyens dont disposent les uns et les autres trop disproportionnés, pour ne pas laisser planer quelques soupçons…
En outre – à moins de confondre la défense des intérêts particuliers et celle du bien commun – les motivations des uns (les industriels par exemple) et des autres (mettons, les militants écolos) ne peuvent pas sérieusement être mises sur le même plan.
Merci pour votre reponse, courtoise comme toujours – je le reconnais volontiers.
Vous ecrivez : « Eric Fassin est un sociologue engagé, mais […] il ne se met pas en contradiction avec son boulot, »
C’est sans doute vrai, mais il n’y n’est pas necessaire de se mettre en contradiction avec son boulot, d’etre un « rebelle », pour exprimer une opinion pertinente et basee sur ses competences. Sinon, selon votre raisonnement, un ingenieur du CEA ou de l’EDF ne serait pertinent que si il s’opposait au nucleaire. Si il etait favorable il ne serait selon vous q’uun dilettante se faisant plaisir (au mieux) ou bien meme pas un ingenieur (au pire, sur l’air de « Fassin n’est pas veritablement un sociologue »).
Vous avez, il faut bien le dire, trop souvent l’habitude de vouloir disqualifier la competence de ceux qui expriment une autre opinion que la votre. Ca n’est pas chercher la petite bete que de dire que c’est un probleme, c’est fondamental au contraire. Il y en a assez de cette esthetique du combat qui voudrait que seuls ceux qui generent un conflit devrait etre pris au serieux. Vous parlez d’une non-violence, mais vous encouragez au contraire le conflit.
« Eric Fassin est un sociologue engagé dans le débat public ; ce n’est donc pas véritablement un sociologue, tenu par son statut à une mise à distance par rapport aux sujets qu’il aborde. »
Hum. Que voulez-vous dire? Dans votre billet du 6 avril vous ecriviez que vous souhaitez voire les scientifiques s’engager dans le debat public. Vous citiez l’exemple de Hansen, et vous ecriviez: « Un citoyen ne se divise pas. Il a non seulement une tâche professionnelle, mais, qu’il le veuille ou non, il est aussi engagé socialement » .
Ca ne marche pas pour les sociologues?
Bonjour Coq au vin
Merci de votre lecture attentive de notre blog. Une petite remarque cependant, ne cherchez pas systématiquement la petite bête.
A propos de votre dernier commentaire, nous précisons :
Eric Fassin est un sociologue engagé, mais ce n’est pas un lanceur d’alerte. Il ne prend aucun risque, il ne se met pas en contradiction avec son boulot, il reflète au contraire ce qu’il est, un spécialiste de la théorie du genre, il a les honneurs du MONDE. Par contre James Hansen, par exemple, a eu du caviardage de ses écrits, d’autres lanceurs d’alerte ont même perdu leur boulot parce qu’ils s’étaient engagés socialement. Pourtant un lanceur d’alerte ne fait pas de l’idéologie, il ne fait que son devoir de citoyen, il dénonce seulement ce qui doit être dénoncé, un dysfonctionnement mal intentionné d’une institution ou d’une entreprise. Eric Fassin se contente de se faire intellectuellement plaisir.
De toute façon, il pourrait nous arriver de mal nous exprimer, c’est toujours possible, ce n’est pas un crime.
« Cette conception de la toute puissance des humains est à la mode, elle résulte de la société thermo-industrielle […] »
Non, elle remonte dans son principe a la Renaissance au XVeme siecle (voire au XIVeme) et dans son application aux Lumieres au XVIIIeme siecle. Votre ideologie vous fait oublier l’hisoire.
Notons d’abord que les « écologistes » d’EELV s’appuient sur l’opinion majoritaire des Français alors qu’on sait par ailleurs que ces Français ne sont pas majoritairement en faveur des thèses écologistes. Notons aussi qu’ils caricaturent les opposants au mariage pour les couples de même sexe : « haine et abjection… violences homophobes ». Notons enfin qu’ils veulent aller beaucoup plus loin dans la permissivité que la loi actuelle : « accès à la Procréation Médicalement Assisté. » Notons surtout que « les écologistes » s’expriment sans jamais montrer quoi que ce soit d’écologique dans leurs propos.
Communiqué des écolos institutionnels (EELV)
Les écologistes expriment leur joie et leur profonde satisfaction à l’annonce de l’adoption définitive de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe (23 avril 2013). Mobilisé-e-s en faveur de l’égalité des droits, les parlementaires écologistes ont unanimement voté ce texte et défendu des amendements sur des aspects essentiels, notamment l’accès à la Procréation Médicalement Assistée (PMA) aux couples de femmes.
En ces heures où les mouvements d’opposition au mariage pour tous sont tentés de radicaliser leur combat et sombrer dans la haine et l’abjection, Europe Ecologie Les Verts rappelle que les français restent très majoritairement favorables à l’adoption de la loi Taubira. Nous n’oublions pas les personnes LGBT qui subissent des violences homophobes et transphobes allant jusqu’à la peine de mort dans certains Etats.
Nous n’oublions pas que le combat contre l’homophobie, la lesbophobie, la biphobie et la transphobie est encore loin d’être gagné. Les écologistes s’engagent à poursuivre ce combat sans faiblir.
Communiqué des écolos institutionnels (EELV)
Les écologistes expriment leur joie et leur profonde satisfaction à l’annonce de l’adoption définitive de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe (23 avril 2013). Mobilisé-e-s en faveur de l’égalité des droits, les parlementaires écologistes ont unanimement voté ce texte et défendu des amendements sur des aspects essentiels, notamment l’accès à la Procréation Médicalement Assistée (PMA) aux couples de femmes.
En ces heures où les mouvements d’opposition au mariage pour tous sont tentés de radicaliser leur combat et sombrer dans la haine et l’abjection, Europe Ecologie Les Verts rappelle que les français restent très majoritairement favorables à l’adoption de la loi Taubira. Nous n’oublions pas les personnes LGBT qui subissent des violences homophobes et transphobes allant jusqu’à la peine de mort dans certains Etats.
Nous n’oublions pas que le combat contre l’homophobie, la lesbophobie, la biphobie et la transphobie est encore loin d’être gagné. Les écologistes s’engagent à poursuivre ce combat sans faiblir.