Hugo Chavez a été réélu ce dimanche à la tête du Venezuela avec 54 % des voix. Corruptions et violences n’ont pas fini de s’y donner la main… d’autant plus que son adversaire électoral, Henrique Capriles, n’avait pour but que de « faire de PDVSA (Petroleos de Venezuela SA) une entreprise efficace et bien gérée ». Comme Chavez, le candidat de l’opposition voulait doubler la production de brut d’ici à 2019. Comme Chavez, Capriles promettait de « Semer le pétrole » et industrialiser ainsi le pays*. Neuvième producteur de brut mondial et cinquième exportateur, le Venezuela vit de la rente pétrolière. Or les ressources du sous-sol sont devenues de véritables malédictions, dégâts écologiques, émissions de gaz à effet de serre, déstructuration des populations, etc. En réalité il faudrait surnommer le pétrole « la merde du diable ».
Hugo Chavez devrait connaître l’histoire de Nauru, l’île dévastée alors qu’elle avait d’immenses ressources en phosphate. A partir de l’indépendance en 1968, l’argent du phosphate se mit à couler à flot dans le micro-État. Une entrée d’argent massive joue un rôle incroyablement déstabilisateur : un peu comme ces gagnants du loto qui finissent par perdre la tête. Les Nauruans cessèrent de travailler et se comportèrent en rentiers. Un bref instant historique, Naurutopia a pu se définir comme une sorte de socialisme parfait où chaque citoyen récolte les fruits du sous-sol, tel le rêve d’Hugo Chavez. Mais évidemment, les choses se gâtent avec les premiers signes d’épuisement des mines de phosphate au début des années 1990 ; l’économie de Nauru s’est alors tout simplement effondrée. Le sort de Nauru préfigure non seulement l’avenir du Venezuela, mais celui de toute la civilisation thermo-industrielle, bâtie sur l’exploitation des ressources en hydrocarbures du sous-sol.
Le pétrole au Venezuela fournit 95 % des recettes à l’exportation et la moitié du budget de l’Etat. L’entreprise publique finance directement les programmes sociaux. Paradoxalement l’exploitation du pétrole au Venezuela n’est pas néfaste parce qu’exproprié par les puissances d’argent, mais parce que ses recettes sont distribuées pour l’éducation, la santé, l’alimentation, le logement…comme à Nauru. Au pouvoir depuis 1999, Hugo Chavez a mis PDVSA au service de la « révolution bolivarienne ». C’est se moquer effrontément de la révolution bolivienne qui dit le contraire. La Bolivie a emprunté son nom à Simon Bolivar, général et homme politique vénézuélien. Ce pays est indissociablement lié à l’exploitation minière. Les immenses mines d’argent de Potosi, pillées à partir du XVIe siècle, ont servi de berceau au capitalisme en Europe. Les Boliviens se souviennent. Les mouvements sociaux boliviens manifestent aujourd’hui : « Laissez le pétrole sous le sol et le charbon dans les mines. » Maristella Svampa nous invite aujourd’hui à déconstruire l’imaginaire extractiviste. Car le bien-vivre d’un peuple ne peut être issu durablement de ressources non renouvelables.
* LE MONDE | 05.10.2012, La manne du pétrole, enjeu de la présidentielle au Venezuela
Sur la civilisation minière
Aux Philippines, 54 militants ont été tués depuis 2011, victimes de leur opposition à l’extraction minière.
Une loi (novembre 2010) interdit au Costa Rica l’exploration et l’exploitation minière dans les aires protégées, ainsi que les parcs nationaux, la Péninsule d’Osa, le sud du pays et le Golfe de Nicoya. La loi ne pourra pas atteindre les projets d’exploitation minière déjà autorisés, mais interdit la rénovation des autorisations d’exploitation de ces derniers, ce qui mettra fin à l’activité minière dans le pays d’ici quelques années.
Ecolo, Hugo Chavez ?
Hugo Chavez reste-t-il fidèle à son discours écologiste de décembre 2009 à Copenhague, inspiré par divers auteurs parmi lesquels Jésus-Christ, Karl Marx et Rousseau ? Rien n’est moins sûr.
L’écologie du Venezuela a un versant noir, le pétrole, dont il est un des premiers producteurs mondiaux. La gestion n’en est guère exemplaire, et une grave marée noire s’est produite en février le long de la rivière Guarapiche, aux dégâts encore inconnus, mais semble-t-il très importants. Un autre épanchement a eu lieu en août dans une raffinerie à Curaçao, démontrant de nouveau l’impéritie de la compagnie nationale.
Surtout, si le discours climatique du Venezuela est très radical, sa pratique reste celle d’un pays pétrolier, décidé à utiliser ses réserves jusqu’à la dernière goutte. Le Venezuela abrite d’immenses réserves d’huile lourde, dont l’exploitation est presque aussi polluante que celle des sables bitumineux du Canada, et qui représente un potentiel immense de gaz à effet de serre. M. Chavez n’a pas dit qu’il ne les exploiterait pas. On ne peut le considérer comme écologiste.
Hervé Kempf, LE MONDE du 8 octobre 2012 (résumé)