Le loup limite sa reproduction au seul couple dominant de la meute pour ajuster ses effectifs aux ressources disponibles. Quand les proies se font rares, la meute reste parfois deux ou trois ans sans mises bas. A contrario, lorsqu’elle investit de vastes territoires vierges de tout congénère, il arrive que plusieurs femelles de la meute accèdent simultanément au droit de perpétuer l’espèce. Ce comportement est d’autant plus admirable que le loup, bien qu’intelligent, ne dispose pas de cet outil prospectif unique au monde qu’est le néocortex humain. Un outil en l’occurrence totalement déficient : l’espèce humaine s’avère incapable d’accepter, ni même de discerner une limite à sa propre prolifération. Et ce, bien qu’elle subisse déjà les premiers effets de l’effondrement énergétique.
Percevoir le problème démographique à temps requiert un néocortex en bon état de marche et pas trop encombré de croyances.
Aujourd’hui, les niveaux de population dépendent des carburants fossiles et de l’agriculture industrielle. Ôtez-les du tableau et il y aura une réduction de la population mondiale qui est bien trop horrible pour pouvoir y penser. Paul Chefurka conjecture qu’en 2100, la planète ne pourra plus nourrir qu’un milliard d’humains environ. C’était la population mondiale vers 1800, au début de l’anthropocène. Mais la terre avait à l’époque un potentiel nourricier intrinsèquement supérieur à l’actuel, et bien supérieur à celui de 2050 qui aura subi des chocs successifs supplémentaires. Un gigantesque exode urbain devra s’opérer à rebours dans les décennies à venir.
D’un côté 7,8 à 11 milliards d’humains programmés pour 2050, de l’autre un seul milliard « nourrissable ». Un objectif de descente démographique est strictement impossible à tenir par le seul contrôle des naissances, ce qui implique une explosion des décès prématurés par famines, guerres, pandémies ou suicides. Malthus s’est trompé sur les délais, mais son diagnostic reste fondamentalement correct. Il est vrai que l’élitisme qui sous-tend ses solutions est repoussant. Aussi convient-il de se réclamer d’un néo-malthusianisme égalitariste que ne se soucie pas du sort des riches, mais de celui de l’espèce. Cette doctrine fut d’ailleurs jugée très progressiste à la fin du XIXe siècle, la grève des ventres était féministe, pacifiste et humaniste. Une grève qui fut décriée à l’époque par les productivistes et cléricaux du pays.
Alors que faire aujourd’hui ? Le seul paramètre sur lequel nous ayons toute latitude pour agir efficacement et sans douleur est la natalité. Une excellente raison de tenter de la maîtriser, non pour effacer le problème – l’inertie démographique est bien trop grande – mais pour en atténuer les effets à terme. Entendons-nous bien : il n’est pas question de s’exonérer du devoir de réduire les consommations et les rejets évitables. Mais se borner à cela déboucherait exactement sur le même effet de rebond que la baisse des émissions de CO2 par voiture… alors que l’effet rebond d’une dénatalité serait un bonus en espace et en agrément de vie pour chacun. A vrai dire, les limites de la planète ont été à ce point outrepassées que nous n’avons plus le choix. Aucune solution ne peut prétendre à résoudre seule le problème : ni le partage, ni la sobriété, ni la dénatalité. Même ensemble, ces solutions risquent de ne pas suffire. Nier le risque, c’est choisir délibérément la sortie de crise par la violence.
La faim du monde (l’humanité au bord d’une famine globale) d’Hugues Stoeckel (2012)
« Ôtez-les du tableau et il y aura une réduction de la population mondiale qui est bien trop horrible pour pouvoir y penser. »
En matière d’ horreur , la diminution globale et rapide de la population mondiale me causerait aussi peu de peine que possible mais une intense jubilation
– absence d’ embouteillages et de trafic automobile intense,
– de l’ espace vital ad nutum , –
– la mort des villes
-fin de l’ immigration ,de la surprésence étrangère et de la tyrannie des multinationales
– fin de la malbouffe , de la surexploitation des terres agricoles, du massacre d’ animaux
– nette diminution de toutes les pollutions
– retour à la terre et à l’ artisanat
– fin des centrales nucléaires, des éoliennes , des centrales au charbon, ….
En gros , que des bienfaits 😎
– « […] la diminution globale et rapide de la population mondiale me causerait aussi peu de peine que possible mais une intense jubilation ».
En matière d’horreur surtout ne changez rien mon pauvre Marcel. Misère misère !
Seulement pour que vous puissiez jubiler, encore faudrait-il déjà que vous soyez de ce monde. Et puis en état de jubiler. Mais ça c’est bien trop horrible pour pouvoir y penser.
– « Aujourd’hui, les niveaux de population dépendent des carburants fossiles et de l’agriculture industrielle. Ôtez-les du tableau et il y aura une réduction de la population mondiale »
Jusque là je pense que nous sommes tous d’accord.
– « qui est bien trop horrible pour pouvoir y penser.»
Autrement dit, c’est tellement horrible qu’on refuse d’y penser (déni), qu’on ne peut donc pas y penser. Ce qui empêche donc d’agir (lucidement, efficacement etc.) C’est là dessus que se fonde le fameux Tabou que les malthusiens voudraient voir tomber.
En fait, tout dépend pour qui. On peut très bien n’avoir aucune difficulté à penser les conséquences de la fin des carburants fossiles, et par conséquent celle de l’agriculture industrielle. Et en même temps ne se faire aucune illusion sur le Progrès, la Transition etc. Dans ce cas on ne peut plus évoquer le Tabou.
– « Percevoir le problème démographique à temps requiert un néocortex en bon état de marche et pas trop encombré de croyances.»
C’est sûr, comme pour tous les problèmes d’ailleurs. Et c’est vrai que de ce côté là les loups, les rats, les légumes etc. sont bien plus tranquilles que la plupart d’entre nous.
De la même façon on peut dire : Percevoir la fin de ce monde, à ne pas confondre avec la fin du monde, requiert un néocortex en bon état de marche et pas trop encombré de croyances.
– Conclusion : « Même ensemble, ces solutions risquent de ne pas suffire. »
En effet, c’est même fort probable. Et maintenant que nous sommes conscients de cet ultime risque, en quoi sommes-nous avancés ?
– « Nier le risque, c’est choisir délibérément la sortie de crise par la violence.»
Mais non pas du tout. C’est comme dire que «Celui qui n’est pas avec moi est contre moi» (attribué à Jésus), que «les amis de mes ennemis sont mes ennemis» etc. Ce ne sont là que des visions binaires. Si le de déni de ce risque n’est qu’un réflexe de survie, il n’est évidemment pas choisi délibérément. Et quand bien même ce risque serait pensé, pesé etc. qu’en est-il réellement du bénéfice-risque de vouloir réduire la (sur)population ? Et là encore on peut dire : Nier ce risque, c’est choisir délibérément la sortie de crise par la violence.
Nous voilà donc encore bien avancés.
– « Alors que faire aujourd’hui ? Le seul paramètre sur lequel nous ayons toute latitude pour agir efficacement et sans douleur est la natalité. »
En attendant, chacun fait ce qu’il peut. Je l’ai dit et redit, chacun se plait à croire ce qui lui fait du bien, ce qui lui permet d’assurer son équilibre vital (homéostasie). Pour agir efficacement sur sa douleur, son mal de vivre, à chacun sa came etc.
Je repose la question : En quoi serions-nous plus avancés en agissant (et jusqu’à quel point) sur la natalité ?
On sait que certains malades prennent un certain plaisir à voir souffrir les autres, voire à se faire souffrir eux-mêmes. Et on voit ici que l’idée de l’Apocalypse peut être jubilatoire (Misère misère !) Avec ça nous voilà encore «bien» avancés.
Voir aussi cet article de Denis Garnier (président de Démographie Responsable) sur le livre effectivement très riche de Hugues Stoeckel
http://economiedurable.over-blog.com/article-la-faim-dans-le-monde-hugues-stoeckel-99832099.html