Après le lundi végétarien, ne pas manger pour sauver la planète ? L’idée se veut consensuelle : à partir de juillet, et jusqu’en décembre 2015, date de la conférence de l’ONU sur le climat organisée à Paris, chacun est appelé à jeûner le premier jour de chaque mois, « en solidarité avec les populations déjà touchées par les effets du changement climatique à travers le monde ». Mercredi 4 juin, plusieurs organisations religieuses ont annoncé vouloir rejoindre le mouvement international prônant une journée mensuelle de jeûne, pour peser en faveur de mesures fortes contre le changement climatique*. La science et la religion veulent tendre vers une même revendication, moins consommer pour lutter contre le réchauffement climatique. L’élevage contribue fortement aux émissions de gaz à effet de serre, moins manger de viande est une solution, se priver de repas c’est encore mieux. Nicolas Hulot, officiel messager de l’Elysée pour la protection de la planète : « On retrouve dans les préceptes des grandes religions une responsabilité à œuvrer pour la protection de la planète. Il faut que croyants et non-croyants, défenseurs de la nature, entendent cet appel. Une fois par mois, les jeûneurs seront les ambassadeurs d’une plus grande sobriété dans nos sociétés de consommation. »
Certains d’entre nous montrent déjà l’exemple de la sobriété énergétique et de la simplicité volontaire. L’écologiste René Dumont a été un précurseur en la matière. Enfant, il appréciait les ouvriers agricoles polonais qui « marchaient pieds nus sur les chemins de terre et ne mettaient leurs chaussures qu’une fois arrivés en ville pour les économiser ». Plus tard, se souvient sa fille « A table, mon père exigeait qu’on prenne peu, qu’on se resserve si nécessaire, mais qu’on ne laisse jamais rien ». Adepte un temps de l’école distributive de Jacques Duboin, il pense que la consommation de quantités importantes de viande ne présente pas un caractère de nécessité absolue. Beaucoup plus tard, dans un restaurant très parisien, on en est au troisième plat. Dumont se lève et, d’une voix qu’il sait si bien rendre cinglante, qualifie l’agneau doré à point d’agression « contre ce pour quoi je lutte ». Calcul rapide des calories déjà ingurgitées, comparaison avec les rations habituelles des pauvres du Sud : « Bon appétit, mesdames, messieurs. » Et Dumont quitte la salle. Ne conseillait-il pas de se lever de table en ayant encore un peu faim ?
La philosophie de René Dumont tenait en une simple phrase : « L’espèce humaine doit savoir se limiter. » A chacun de nous de pratiquer le jeûne du premier jour de chaque mois, le lundi végétarien, la semaine sans télévision, le mois sans achat, etc.
* LE MONDE du 8-9 juin 2014, Le retour des Eglises