JDE (août 2013) : Quelle nature voulons-nous protéger ?

 Le compte-rendu ci-dessous montre que cette question n’a pas été vraiment traitée à Marseille lors des journées d’été d’Europe Ecologie Les Verts (23 août 2013). Pourtant CatherineLarrère est le co-auteur du livreDu bon usage de la nature (pour une philosophie de l’environnement) qui faisait le tour du problème. Extraits : « Faute d’avoir interrogé la vision moderne de la nature, on avait dramatisé le conflit entre défenseurs de l’humanité et protecteurs de la nature. Si l’homme fait partie de la nature, nul besoin de dramatiser ; il n’y a pas à choisir entre la nature et l’homme. On peut les protéger tous les deux, lier la préservation de la diversité biologique, par exemple, à celle de la diversité culturelle… Toutes les éthiques reposent sur un seul présupposé : que l’individu est membre d’une communauté de parties interdépendantes. L’éthique de la Terre élargit simplement les frontières de la communauté de manière à y inclure le sol, l’eau, les plantes et les animaux… Mais inclure l’homme dans l’analyse écosystémique s’avère extrêmement difficile. L’homme est une boîte noire particulièrement fantasque. Ses activités ne sont pas des ajustements automatiques à un contexte de sélection. Il s’agit en effet de stratégies intentionnelles. Les logiques économiques, sociales et culturelles qui président à la variabilité de ces actions échappant à l’analyse de l’écologue, l’homme apparaît comme une population sujette à de perpétuelles mutations… »

Atelier de la Fondation écologique : Quelle nature voulons-nous protéger ?

Catherine Larrère, présidente de la Fondation :

« Aux Etats-Unis, où une partie du territoire était encore récemment vierge et sauvage, est née l’idée de wilderness, une nature dans laquelle l’homme n’intervient pas. Il n’est qu’un visiteur. En France, pays artificialisé depuis longtemps, on s’est d’abord préoccupé des beaux paysages. Ce sont des peintres qui ont œuvré pour la protection de la forêt de Fontainebleau. »

Patrick Blandin, du Museum :

« La nature n’a pas eu besoin de nous pendant des millions d’années. Plusieurs espèces sont très anciennes, mais nous avons la particularité d’être la plus envahissante… alors que nous voulons éradiquer les autres espèces envahissantes. Nous provoquons un bouleversement des écosystèmes en introduisant de nouvelles molécules qui n’avaient jamais existé auparavant ! Même s’il n’y a pas d’état idéal de la nature, nous détournons son évolution du cours qu’elle aurait suivi si l’espèce humaine n’avait jamais existé. Nous sommes l’Homo tranformator, mais aussi le compagnon d’aventure de la nature. Mon point de vue, c’est qu’il faut rendre la biosphère durablement adaptable. Cette adaptabilité tient à la diversité. Or nous détruisons la biodiversité. Quelle valeur accorder aux autres êtres vivants ? »

Gilbert Cochet, président de l’association Forêts sauvages :

« L’homme se prend pour Dieu ; le forestier croit qu’au premier jour, il a créé la forêt. Pourtant l’homme n’est pas indispensable, on pourrait laisser la nature évoluer librement. Je suis garant de la protection des gorges de l’Ardèche qui accepte le tourisme : tout dépend de comment nous nous comportons. Par exemple les parcours d’escalade sont en nombre très limités. Mais les parcs et réserves naturelles ne couvrent que 1 % du territoire. Vouloir protéger ces 1 % n’est certainement pas de l’intégrisme. Plus un territoire est petit, plus la biodiversité est réduite. Je constate aussi que 98 % de la biomasse des vertébrés est constituée de l’espèce humaine et de ses animaux domestiques. Il reste seulement 2 % pour les écureuils et tous les animaux sauvages. Et puis quand je me retrouve au sein de Mère nature non transformée, je me sens bien. Une certaine sanctuarisation de lieux naturels est nécessaire. »

Baptiste Lanaspèze, fondateur de la maison d’édition wildproject :

« Après avoir été un défenseur de l’écologie profonde, je suis maintenant passionné par la randonnée pédestre en ville. La moitié des Bouches du Rhône est classée en zone Natura 2000, mais il existe un mélange d’une anthropisation violente et de paysages infiniment variés. J’aime passer lentement sous un pont autoroutier, cela transforme mon regard sur le péri-urbain. »

Catherine Larrère :

« Un pour cent du territoire est protégé, que faire des 99 % qui restent ? On ne peut pas faire n’importe quoi. Comment en décider ensemble, c’est une question à la fois scientifique, politique ET philosophique. Le réjouissant, c’est l’herbe qui repousse sur les trottoirs… »