Je suis barbu, comme tout écolo qui se respecte. C’est le témoignage d’un retour à la nature contre la civilisation du rasoir jetable. Mon apparence pileuse joue en effet un rôle important dans le processus d’affirmation de mes idées. Ma barbe a d’abord une connotation politique. Ce n’est signe ni d’une symbolique du pouvoir (les pharaons portaient des barbes postiches), ni d’un caractère masculin patriarcal et dominant. Mais il me faut laisser la nature reprendre le dessus, laisser libre l’animalité qui sommeille en moi ; laissons la barbe pousser, c’est écolo. Ma barbe a aussi une connotation sociale. Elle interfère directement dans le jugement que les autres vont porter sur moi. Des normes sociales contrôlent la pousse ou la coupe de la barbe ; la mode actuelle en France est à la barbe naissante. La mienne se laisse écologiser. Ma barbe correspond à la mentalité hippie des années 1960, refus du visage glabre, réaction contre l’ordre établi et l’impérialisme du rasoir électrique. Mais attention, ma barbe n’a pas de connotation religieuse, il y a barbu et barbu. Ceux qui se tournent vers l’islam radical ne comprennent d’ailleurs rien à l’écologie.
Après ces considérations qui se défalquent ironiquement d’un article du MONDE*, voici en complément quelques extraits d’articles antérieurs sur notre blog :
Pour un écolo, être barbu paraît naturellement seyant
… Il ne faudrait pas se raser quand on est écolo. Comme l’exprime Georgescu-Roegen** : « Il faut nous guérir du circumdrome du rasoir électrique, qui consiste à se raser plus vite afin d’avoir plus de temps pour travailler à un appareil qui rase plus vite encore, et ainsi de suite à l’infini… Il est important que les consommateurs se rééduquent eux-mêmes dans le mépris de la mode. » Autour de nous, toute chose s’oxyde, se casse se disperse, etc. N’en rajoutons pas inutilement avec des lames jetables. Toujours plus de rasoirs signifie forcément un facteur d’entropie, une pollution et un épuisement plus important des ressources naturelles. Laissons la barbe pousser…
Se raser, c’est rasoir !
… Le fait de se raser n’indique pas une convergence des sexes ou l’éloignement de l’homme de son origine animale. Il s’agit uniquement d’une instrumentalisation des hommes, le poil est devenu le cœur d’une nouvelle cible à des fins mercantiles. On a inventé les rasoirs mécaniques ou électriques, les jetables et les super-performants à trois lames, bravo les ingénieurs au service du profit ! C’est la civilisation thermo-industrielle, son rasoir et ses lames jetables qui a transformé le monde occidental en cohortes de mâles bien propres sur eux…
à poil et sans poils, la femme
… La femme moderne se veut l’égale du singe, elle se montre à poil, du moins sur les affiches. La femme moderne ne se veut plus l’égale du singe, elle enlève ses poils. En cette journée mondiale de la femme, parlons du poil qui libère et de l’épilation intégrale qui enchaîne. D’abord les femmes ôtèrent les poils du mollet, c’était dans les années 1920 avec les robes courtes et les premiers bains de mer. Et puis les maillots couvrant de moins en moins de chair, ce fut l’épilation de la jambe entière et même des poils du pubis qui pouvaient dépasser. Aujourd’hui les jeunes filles deviennent adeptes de l’épilation intégrale…
* LE MONDE Culture&idées du 21 février 2015, Barbus de tous poils
Très peu sollicité, mon rasoir électrique a 25 ans. Les pièces n’existant sûrement plus, il finira sa vie sans avoir consommé autre chose que du courant. Les matériaux et l’énergie consommés par sa fabrication sont probablement négligeables par rapport à ceux engendrés par un rasage quotidien avec les rasoirs où « la 25e lame coupe le poil laissé par la 24e ».