L’inscription du préjudice écologique dans le code civil devait être l’une des avancées majeures du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité. Or le gouvernement avait déposé un amendement qui remettait en question la reconnaissance du préjudice écologique, en sapant le principe même du pollueur-payeur. Suscitant un tollé parmi les défenseurs de l’environnement, il a finalement été retiré.*
Le texte initial introduisait dans le code civil le fait que « toute personne qui cause un dommage grave et durable à l’environnement est tenue de le réparer ». Il précisait que cette réparation « s’effectue prioritairement en nature », c’est-à-dire par une restauration du milieu aux frais de celui qui l’a dégradé. Ou, si cette remise en état est impossible, par « une compensation financière versée à l’Etat ou à un organisme désigné par lui et affectée (…) à la protection de l’environnement. »
Le premier paragraphe de l’amendement déposé par le gouvernement ne posait pas de problème : « Indépendamment des préjudices réparés suivant les modalités du droit commun, est réparable (…) le préjudice écologique résultant d’une atteinte anormale aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu’aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement. » Mais le deuxième paragraphe précisait que « n’est pas réparable, sur le fondement du présent titre, le préjudice résultant d’une atteinte autorisée par les lois, règlements et engagements internationaux de la France ou par un titre délivré pour leur application. » En clair, au motif qu’ils résulteraient d’activités autorisées, les dégâts causés à l’environnement, par exemple par un accident industriel, n’appelleraient pas de réparation. C’est comme si l’on disait que les victimes d’un médicament comme le Mediator, parce qu’il avait été autorisé, n’avaient droit à aucune indemnisation. Une sorte d’immunité pour cause d’autorisation administrative. un texte destiné à réparer le préjudice écologique se transforme en texte protégeant ceux qui causent ce préjudice.
A qui obéissait la ministre « de l’environnement » Ségolène Royal en constatant le principe pollueur/payeur? Le Medef estimait que l’inscription du préjudice écologique dans le code civil allait « ajouter des contraintes supplémentaires à l’activité économique » et « créer des risques juridiques pour les entreprises. » CQFD, ce qu’il fallait démontrer. Si on comprend bien, à droite comme à gauche, « l’écologie, ça commence à bien faire ». Faudra-t-il rappeler le résultat de cette enquête sur « la chimie qui ronge le sang des députés » pour que les politiques comprennent enfin qu’ils sont menacés comme tout le monde par l’avidité des industriels ?**
* Le Monde.fr | 01.03.2016, Le gouvernement rétropédale sur le préjudice écologique