Gros titre, « le MIT se trompe en assimilant les réserves naturelles à un trésor ». Suit dans LE MONDE du 15 août 1972 un article de Pierre Laffitte, ingénieur en chef des mines : « Les réserves minières ne correspondent pas à des objets, à un stock de métal déposé dans un hangar… Plus on exploite les ressources naturelles, plus les réserves reconnues augmentent… est-ce à dire qu’il ne faille pas se préoccuper de l’avenir ? Au contraire ! Mais en se défiant de l’emploi de l’ordinateur avec de gros modèles, de multiples paramètres…On évoque le cas du chrome… » Cet article est symptomatique de l’ensemble des réactions de l’époque qui, en dénigrant le rapport commandité par le Club de Rome*, nous ont empêchés depuis plus de quarante ans de réagir à la finitude des ressources confrontée à une croissance irrationnelle de l’activisme humain. Voici donc ce que disait réellement ce rapport de 1972 à propos des ressources minières :
« En dépit de découvertes spectaculaires récentes, il n’y a qu’un nombre restreint de nouveaux gisements minéraux potentiellement exploitables. Les géologues démentent formellement les hypothèses optimistes et jugent très aléatoires la découverte de nouveaux gisements vastes et riches. Se fier à des telles possibilités serait une utopie dangereuse… les réserves connues du chrome sont actuellement évaluées à 775 millions de tonnes. Le taux d’extraction actuel est de 1,85 millions de tonnes par an. Si ce taux est maintenu, les réserves seraient épuisées en 420 ans. La consommation de chrome augmente en moyenne de 2,6 % par an, les réserves seraient alors épuisées en 95 ans… On peut cependant supposer que les réserves ont été sous-estimées et envisager de nouvelles découvertes qui nous permettraient de quintupler le stock actuellement connu. Il serait alors épuisé théoriquement en 154 ans. Or l’un des facteurs déterminants de la demande est le coût d’un produit. Ce coût est lié aux impératifs de la loi de l’offre et de la demande, mais également aux techniques de production. Pendant un certain temps, le prix du chrome reste stable parce que les progrès de la technologie permettent de tirer le meilleur parti de minerais moins riches. Toutefois, la demande continuant à croître, les progrès techniques ne sont pas assez rapides pour compenser les coûts croissants qu’imposent la localisation des gisements moins accessibles, l’extraction du minerai, son traitement et son transport. Les prix montent, progressivement, puis en flèche. Au bout de 125 ans, les réserves résiduelles ne peuvent fournir le métal qu’à un prix prohibitif et l’exploitation des derniers gisements est pratiquement abandonné. L’influence des paramètre économiques permettrait de reculer de 30 ans (125 ou lieu de 95 ans) la durée effective des stocks. »
Le rapport conclut : « Etant donné le taux actuel de consommation des ressources et l’augmentation probable de ce taux, la grande majorité des ressources naturelles non renouvelables les plus importantes auront atteint des prix prohibitifs avant qu’un siècle soit écoulé ». Vérifions cette conclusion de 1972 avec les données de 2014 : les gisements métalliques et énergétiques, à la base de notre économie moderne auront pour l’essentiel été consommés d’ici 2025 (date de la fin de l’or, de l’indium et du zinc) et 2158 (date de la fin du charbon). La fin du chrome, dont la production mondiale varie de 17 à 21 M t par an, est estimée à l’an 2024.
* rapport 1972 du Massuchussets Institute of Technology, The Limits to Growth,
traduit en français dans Halte à la croissance ? (Fayard 1972)
intéressant comme rappel. Je cherche des sources de ces évaluations de stock de matière premières minérales.
Est-ce que la façon d’évaluer ces stocks a varié depuis 40 ans ?
Autrement formulé, est-ce que l’estimation d’une fin du cuivre évaluée en 1998 est toujours pertinente et quel est l’intervalle de confiance en ces données ?
La fin de tel ou tel minerai à une date donnée ne veut rien dire. C’est le fameux rapport R/P : les Réserves divisées par le Production annuelle des économistes. La réalité est différente et en voici un exemple pour le charbon, dont l’extraction ne va pas disparaître du jour au lendemain en 2158.
http://energeia.voila.net/fossile/charbon_declin.htm
De façon plus vraisemblable, la production de charbon va passer par un maximum dans une vingtaine d’années (dans dix ans en Chine) avant de décliner.
Comme pour le pétrole avant lui et comme le gaz et l’uranium. Les vieilles énergies vont s’amenuiser de plus en plus.
Cette remarque : »De façon simpliste, les économistes disent que les réserves de charbon (ou de pétrole, de gaz, d’uranium) augmentent avec le prix de cette énergie. Mais ils oublient que l’augmentation des coûts d’exploitation agit en sens inverse et réduit certaines réserves à néant. Par exemple, en France, les réserves de charbon étaient de 36 millions de tonnes en 2001, mais la dernière mine de charbon a fermé en 2004 (La Houve).
De même, les réserves d’uranium étaient comptées pour 67.000 tonnes en 1999 et seulement 28.000 tonnes en 2001 lors de la fermeture de la dernière mine d’uranium à Jouac, diminution sans rapport avec les quantités extraites (480 tonnes en deux ans). »