Notre espèce n’est pas intrinsèquement violente, la guerre n’est pas le propre de l’homme. Chez les peuples de chasseurs-cueilleurs, les conflits étaient brefs et peu sanglants ; ils cessaient souvent lorsqu’un homme était tué, voire seulement blessé. La bifurcation décisive a eu lieu quelque part durant le néolithique, marqué par l’apparition de l’agriculture, de la sédentarisation, des villes et des premiers États.
Thomas Robert Malthus (1798) : Tournons nos regards sur les diverses contrées de l’Amérique. A l’époque où l’on fit la découverte, la plus grande partie de ce vaste continent était habité par de petites tribus de sauvages, indépendantes les unes des autres. Dans les forêts on ne trouvait pas, comme aux îles de la mer du Sud, une abondance de fruits et de végétaux nourrissants. Les habitants de cette partie du monde vivaient donc principalement des produits de la chasse ou de la pêche. On a dès longtemps remarqué qu’un peuple chasseur doit étendre beaucoup les limites de son territoire pour y trouver de quoi vivre. Si l’on compare le nombre des bêtes sauvages qui peuvent s’y rencontrer au nombre de celles qu’on peut prendre, on verra qu’il est impossible que les hommes s’y multiplient beaucoup. Les peuples chasseurs, comme les bêtes de proie, auxquelles ils ressemblent par la manière dont ils pourvoient à leur subsistance, ne peuvent être fort rapprochées. Leurs tribus sont éparses, il faut qu’ils s’évitent ou se combattent. Ainsi la faible population de l’Amérique répandue sur son vaste territoire n’est qu’un exemple de cette vérité évidente, que les hommes ne peuvent multiplier qu’en proportion de leurs moyens de subsistance.
Commentaire : L’augmentation de la densité démographique, les tensions sur les ressources et la constitution d’élites et d’esclaves sont reliées à une augmentation des violences collectives. C’est en particulier vers le Ve millénaire avant notre ère qu’une hausse de la violence létale est relevée, attribuée à des communautés humaines en forte expansion pour le partage des ressources. L’explosion démographique décuple mécaniquement les conflits violents, organisés par des structures territorialisées. Apparu vers le IIIe millénaire avant notre ère, l’Etat s’est épanoui durant les cinq derniers siècles, au point de devenir la forme de souveraineté politique de presque toutes les sociétés humaines. L’Etat moderne prétend à une souveraineté absolue exercée sur une population et un territoire donnés, sa population devient de la chair à canon au service d’un dirigeante, qu’il soit roi ou dictateur. Les gouvernements instaurent un système concentrationnaire d’ enrégimentement que sont la caserne, l’école et l’usine. Les innovations techniques rendent les conflits plus meurtriers. Les perspectives ne sont pas bonnes, surpopulation mondiale et raréfaction des ressources rendent inéluctables la multiplication des conflits.
Youness Bousenna : Les chimpanzés n’ont pas de drones, mais ils font aussi la guerre. L’Ouganda a connu, de 1999 à 2008, une vingtaine de raids meurtriers venant d’une communauté de cent cinquante chimpanzés. Un lien de causalité entre les agressions mortelles et l’expansion territoriale peut être établi maintenant que les chimpanzés de Ngogo utilisent la zone autrefois occupée par certaines de leurs victimes . Le groupe a ainsi pu étendre son territoire de 22 %, confirmant une hypothèse déjà émise, notamment, par la célèbre primatologue Jane Goodall : les chimpanzés mèneraient bien des batailles territoriales. Si Homo hérite d’une propension à la violence, près de trois millions d’années s’intercalent entre les Homo habilis et la bombe nucléaire des Homo sapiens contemporains….
Harald Welzer (Les guerres du climat, 2009) : Comme les ressources vitales s’épuisent, il y aura de plus en plus d’hommes qui disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Il est évident que cela entraînera des conflits violents entre ceux qui prétendent boire à la même source en train de se tarir, et il est non moins évident que, dans un proche avenir, on ne pourra plus faire de distinction pertinente entre les réfugiés fuyant la guerre et ceux qui fuient leur environnement. Le XXIe siècle verra non seulement des migrations massives, mais des solutions violentes aux problèmes de réfugiés. La violence a toujours été une option de l’action humaine. Les hommes changent dans leurs perceptions et leurs valeurs, en même temps que leur environnement et sans s’en rendre compte : c’est le phénomène des shifting baselines. Comment finira l’affaire du changement climatique ? Pas bien…
Michel SOURROUILLE : Lorsqu’on se penche sur la longue et sinistre histoire de l’homme, on réalise qu’il s’est commis plus de crimes abominables au nom de l’obéissance qu’au nom de la révolte. Le corps des officiers allemands obéissaient au plus rigoureux des codes d’obéissance et c’est au nom de ce devoir d’obéissance qu’ils commirent et cautionnèrent les actes les plus monstrueux de l’histoire humaine. C’est à Yale, dans les années 1960, qu’eut lieu la fameuse expérience de Milgram. La découverte fondamentale de cette expérience c’est que les individus adultes font de leur mieux pour obéir aux ordres émanant de l’autorité. Il ne faut pas écouter les autorités, mais sa conscience (Howard Zinn). Si tous les citoyens devenaient objecteurs de conscience, refusant l’usage collectif des armes, il n’y aurait plus de guerre….
Lire, Manifeste du pacifisme
La guerre est-elle inscrite dans les gènes de l’Homme ? C’est ce que prétendent certains, généticiens comme moi. Une autre théorie, qui a aussi ses faiblesses, celle selon laquelle la guerre est apparue à l’âge du bronze. Non pas des chamailleries à coups de gourdins, pour savoir qui est le premier qui a vu ou senti le mammouth, non, la Guerre, la vraie, la dure.
Si les chimpanzés font aussi la guerre, les bonobos ne la font pas. Là encore à ce qu’ON raconte. Et pourtant eux non plus n’ont pas de drones, va comprendre.
En attendant ce sont tous ces POURQUOI que nous aurions grand intérêt à comprendre.
– Les mâles bonobos sont plus bagarreurs que les mâles chimpanzés
( sciencesetavenir.fr 12.04.2024 )
– L’origine de la guerre. Les sciences de l’Homme et la violence collective (XIXe-XXIe siècles)
( Jean-Claude Favin-Lévêque, avril 2023 )
Souvent des raisons futiles suffisent à déclencher une guerre, de chapelles. Qui précisons-le, peuvent faire beaucoup de victimes. En tous cas la guerre n’est pas qu’une question de nombre, et n’a pas que pour origine la quête des moyens de subsistance. À moins, bien sûr, que le besoin (ou la nécessité) d’avoir la plus belle et la plus grosse, île ou autre peu importe, soit une question de subsistance. Bref, la théorie de Malthus a ses limites.
Une autre, théorie, qui a aussi ses limites, celle selon laquelle la guerre serait apparue à l’âge du bronze. Pas des chamailleries à coup de gourdins pour savoir qui est le premier qui a vu le mammouth, non… la Guerre, la vraie, la dure ! ( à suivre )
Est-elle alors inscrite dans les gènes de l’Homme ? C’est ce que prétendent certains, généticiens comme moi. Si les chimpanzés font aussi la guerre, les bonobos ne la font pas. Là encore, c’est ce qu’ON raconte. Et pourtant eux non plus n’ont pas de drones.
Alors allez donc comprendre pourquoi.
En attendant, ce sont tous ces POURQUOI que nous devrions essayer de comprendre.
Là encore patience. Heureusement il y en a qui cherchent pour que nous en sachions toujours plus, et mieux. Ce qui devrait, même pas sûr, nous rendre moins cons.
– Les mâles bonobos sont plus bagarreurs que les mâles chimpanzés
( sciencesetavenir.fr 12.04.2024 )
– L’origine de la guerre. Les sciences de l’Homme et la violence collective (XIXe-XXIe siècles)
( Jean-Claude Favin-Lévêque, avril 2023 )