Liberté de mourir, contraintes pour vivre

Claude Got a choisi de mourir en toute liberté après avoir induit plusieurs contraintes pour (sur)vivre.

  • Le choix de mourir

Médecin anatomo-pathologiste, Claude Got (5 mai 1936, 11 août 2023) est décédé en Belgique après une euthanasie qu’il n’aurait pas pu obtenir en France. Il était accompagné de sa fille Isabelle et d’un de ses petits-fils. Depuis la fin 2021, il était atteint de troubles neurodégénératifs suite à la maladie d’Alzheimer.

Claude Got a expliqué à ses petits-enfants qu’il avait, lui-même, en 1992, consenti à injecter à sa mère, Renée, alors âgée de 88 ans, une piqûre létale, comme elle le demandait. Et que son grand-père, Roger, psychiatre, paraplégique, avait été aidé à mourir par un ami vétérinaire, en 1957, à l’âge de 50 ans. Les époux Got avaient rédigé eux-mêmes un texte, dès 2014, dans lequel chacun revendiquait le « droit à définir les limites de [sa] vie ».

  • Des contraintes pour vivre

Les recommandations qu’il a faites, en dépit de virulentes oppositions, sur la vitesse, l’alcool ou le tabac, ont permis de sauver des milliers de vies, tout en lui faisant une réputation d’« hygiéniste liberticide ». En 1970, alors qu’il est chef du service d’anatomie pathologique de l’hôpital Raymond-Poincaré, à Garches (Hauts-de-Seine), un médecin de Renault demande de l’aide pour fabriquer des ceintures de sécurité. Ses travaux lui valent, en 1972, année où le nombre de morts sur la route atteint un record de 16 545 tués, d’être contacté par le titulaire du délégué à la sécurité routière. Malgré l’opposition des défenseurs des libertés individuelles, il conseille au gouvernement de rendre obligatoire le port de la ceinture et de limiter la vitesse. En juin 1973, le gouvernement de Pierre Messmer l’impose aux places avant, hors agglomération ; il limite la vitesse à 100 kilomètres/heure, hors autoroute. Dès 1975, le nombre de morts passe à 12 996. Il ne cessera plus de diminuer.

Les autopsies que Claude Got pratique à Garches lui permettent aussi de découvrir le rôle de l’alcool dans les accidents de la route, et de lui attribuer 5 000 morts par an. Un résultat que conteste le lobby de l’alcool, mais qui lui vaut d’être, en 1978, appelé comme conseiller au cabinet de Simone Veil, ministre de la santé, où il prépare la loi du 12 juillet 1978, autorisant les contrôles préventifs d’alcoolémie sur les routes.

En 1988, Claude Got et Albert Hirsch, pneumologue déçu des mesures prises contre le tabagisme, décident de ne plus se cantonner à leur fonction d’« expert ». Lorsque le ministre de la santé, Claude Evin, hésite à suivre les recommandations de leur rapport (interdiction de la publicité pour le tabac, encadrement de celle pour l’alcool), les « cinq » multiplient les tribunes et les interviews dans les médias. Les groupes de pression viticoles les qualifient d’« ayatollah ». Après d’âpres débats, la loi dite « Evin » est votée, le 10 janvier 1991.