La peur écologique renforcera la peur « des autres »

D’un côté les mouvements extrémistes comme le Front national surfent sur la peur. « Submersion migratoire », villes « assiégées »… Depuis la rentrée, le Front national a mis l’immigration au cœur de son discours à quelques semaines des élections régionales.* De l’autre s’annoncent des guerres du climat : « Comme les ressources vitales s’épuisent, il y aura de plus en plus d’hommes qui disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Il est évident que cela entraînera des conflits violents entre ceux qui prétendent boire à la même source en train de se tarir, et il est non moins évident que, dans un proche avenir, on ne pourra plus faire de distinction pertinente entre les réfugiés fuyant la guerre et ceux qui fuient leur environnement. »**

Le vocabulaire de Marine Le Pen s’appuie sur la peur des migrants venus de Syrie, d’Irak ou d’Erythrée (thématique du grand remplacement, théorie selon laquelle la population blanche et chrétienne serait remplacée par une population musulmane d’origine principalement africaine). L’intériorisation par la population de ce discours nous prépare au génocide écologique*** selon Timothy Snyder. La « solution finale » nazie reposait sur l’idée d’espace vital. Le Lebensraum est ce qui relie guerre d’extermination et amélioration du niveau de vie. Les contraintes environnementales contemporaines pourraient à nouveau faire naître des boucs émissaires, en particulier dans les pays soucieux de leur prospérité. Si les Hutu ont tué en 1994 au moins 500 000 Tutsi au Rwanda, cela faisait suite à une chute continue de la production agricole pendant plusieurs années. Sous prétexte d’une haine ethnique, il s’agissait de s’emparer de la terre des Tutsi. Pendant la sécheresse de 2010, les achats paniques des Chinois ont contribué à l’apparition des émeutes de la faim et des révolutions au Proche-Orient. Le risque est qu’un pays développé capable de faire parler sa puissance militaire cède, comme l’Allemagne d’Hitler, à la panique écologique et prenne des mesures drastiques pour garantir le niveau de vie de sa population. Les populistes européens en appellent au renforcement des frontières nationales. On envisage déjà l’intervention de l’armée contre l’afflux actuel des réfugiés en provenance de l’Afrique du nord.

Harald Welzer** est pessimiste : « Le XXIe siècle verra non seulement des migrations massives, mais des solutions violentes aux problèmes de réfugiés. Les problèmes liés à l’environnement, combinés avec un accroissement exorbitant de la population, créent les conditions-cadre de conflits violents qui éclatent le long de frontières ethniques. C’est-à-dire que des conflits qui ont des causes écologiques sont perçus comme ethniques. Le déclin social est déclenché par un effondrement écologique, mais la plupart des acteurs ne le voient pas. Ce qu’ils voient, ce sont des attaques, des pillages, bref l’hostilité d’un groupe « eux » contre leur groupe « nous ». Une fois un conflit défini comme opposant des groupes « nous » et « eux » comme des catégories différentes, les solutions de conciliation deviennent impensables, et cela a pour effet que ces conflits sont partis pour durer, en tout cas jusqu’à ce qu’un côté ait vaincu l’autre. »
* LE MONDE du 6 octobre 2015, « L’extrême droite fonde son succès sur la peur »
** Harald Welzer, Les guerres du climat (Gallimard, 2009)
*** LE MONDE du 5 octobre 2015, Le prochain génocide sera écologique

3 réflexions sur “La peur écologique renforcera la peur « des autres »”

  1. « Ce qu’ils voient, ce sont des attaques, des pillages, bref l’hostilité d’un groupe « eux » contre leur groupe « nous »…….. »
    Il me semble que c’est ce qui se passe dans pratiquement tous les conflits, donc rien de nouveau ni d’original. On pourrait même remonter aux grandes invasions dans l’empire romain. Les tribus germaniques fuyaient elles-mêmes d’autres envahisseurs, et sont tombées sur l’empire romain qui n’y était pour rien.

  2. Raison de plus pour faire baisser la pression sur le facteur dominant à long terme :la démographie. Il faut absolument abaisser notre fécondité, sinon toutes ses prédictions deviendront réalité(s). Bien sûr cela demandera du temps, la démographie présente une grande inertie, mais nous n’avons pas le choix, si nous ne le faisons pas l’an 2100 sera un enfer. La COP21 semble ne pas avoir l’intention d’en parler…. hélas !

  3. Raison de plus pour faire baisser la pression sur le facteur dominant à long terme :la démographie. Il faut absolument abaisser notre fécondité, sinon toutes ses prédictions deviendront réalité(s). Bien sûr cela demandera du temps, la démographie présente une grande inertie, mais nous n’avons pas le choix, si nous ne le faisons pas l’an 2100 sera un enfer. La COP21 semble ne pas avoir l’intention d’en parler…. hélas !

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