la philo au bac, aujourd’hui et demain

La philosophie est restée une discipline rébarbative dont l’utilité et l’intérêt nous échappent. Cette matière scolaire dénature son étymologie philo-sophia, « amour de la sagesse ». Les trois incontournables de la discipline philosophique, la liberté, la vérité et la justice, n’ont jamais incité les professeurs et leurs élèves à militer contre l’aliénation, les oxymores et les inégalités ; on se contente de réciter ses classiques morts il y a déjà fort longtemps. Si la mission de la philosophie consiste à nous débarrasser de nos illusions afin de nous aider à mieux vivre, pourquoi n’est-ce pas une critique en règle du système capitaliste libéral qui nous mène de plus en plus vite contre le mur formé par les limites de la planète ? Pourtant les quelque 500 000 candidats aux baccalauréats général et technologique 2010 ont entamé les épreuves ce jeudi 17 juin avec la philosophie.

Le philosophe Ollivier Pourriol croit actualiser son métier en sortant sortir un livre sur le foot, Eloge du mauvais geste. Ainsi, le coup de tête de Zidane ne serait pas seulement un mouvement incontrôlé, commis sous l’emprise de la colère, mais « un geste fou, réalisé avec une technicité d’ingénieur ». Zidane ne frappe pas Materazzi à la tête mais au cœur, « siège du courage et de la colère ». Cantona, en donnant un coup de pied inouï à un supporteur qui l’insulte, n’est pas simplement une brute épaisse. Il « donne une leçon de morale ». En « Diogène des stades », il se jette « comme un chien enragé sur l’imbécile qui a eu le malheur de croiser le chemin de son exigence. Cantona philosophe à coups de crampons ». N’importe quoi, comme si frapper quelqu’un était excusable, comme si le foot-spectacle pouvait servir d’exemple pour rechercher la sagesse alors que c’est une vaste entreprise d’intoxication des masses.

Nous conseillons aux maîtres-philosophes de se pencher plutôt sur la philosophie de l’écologie, seul domaine où ils pourraient encore apporter quelque chose aux lycéens. Voici quelques lectures possibles :

2010 Crise écologique, crise des valeurs (Défis pour l’anthropologie et la spiritualité) sous la direction de Dominique Bourg et Philippe Roch (Labor et fides)

2009 Ecosophies, la philosophie à l’épreuve de l’écologie (MF) auteurs français et américains

2009 Crise éthique, éthique de crise ? (Entropia n° 6)

2007 La fin de l’exception humaine de Jean-Marie Schaeffer (Gallimard)

2004 La perte des sens (recueil de textes d’Ivan ILLICH) Fayard

1997 Du bon usage de la nature (pour une philosophie de l’environnement de Catherine et Raphaël Larrère (Flammarion 2009)

1991 Philosophie de la crise écologique de Vittorio Hösle (Wildproject, 2009)

1976 Ecologie, communauté et style de vie d’Arne NAESS (MF, 2008)

9 réflexions sur “la philo au bac, aujourd’hui et demain”

  1. @ La Chouette
    Luc Ferry et son « ordre écologique », que nous avons lu avec consternation dès sa parution, n’est certainement pas un bon exemple de raisonnement philosophique. Luc pratique la stratégie de l’amalgame, qui consiste à réduire tout le courant de l’éthique environnementale (sans même épargner les tentatives de Michel Serres ou Hans Jonas) à l’idéal type de la deep ecology, puis à assimiler cette dernière à une résurgence du nazisme. La reductio ad hitlerum, pour reprendre l’expression de Leo Strauss, peut dès lors emprunter la forme du syllogisme suivant : étant établi que les nazis ont édicté des textes législatifs destinés à garantir la protection des animaux et de l’environnement, et étant donné par ailleurs que la deep ecology préconise une extension des obligations morales et juridiques au règne animal et végétal, il s’ensuit que la deep ecology est un éco-fascisme !

    Le principal effet de ce livre a été de geler les tentatives de pensée nouvelle, en frappant de suspicion en France toute réflexion sur la nature qui s’écarterait de l’humanisme kantien !!

    Nous sommes toujours prêt à nous instruire davantage, ce qui présuppose de ne pas porter a priori de jugement de valeur sur nos interlocuteurs…

  2. @ La Chouette
    Luc Ferry et son « ordre écologique », que nous avons lu avec consternation dès sa parution, n’est certainement pas un bon exemple de raisonnement philosophique. Luc pratique la stratégie de l’amalgame, qui consiste à réduire tout le courant de l’éthique environnementale (sans même épargner les tentatives de Michel Serres ou Hans Jonas) à l’idéal type de la deep ecology, puis à assimiler cette dernière à une résurgence du nazisme. La reductio ad hitlerum, pour reprendre l’expression de Leo Strauss, peut dès lors emprunter la forme du syllogisme suivant : étant établi que les nazis ont édicté des textes législatifs destinés à garantir la protection des animaux et de l’environnement, et étant donné par ailleurs que la deep ecology préconise une extension des obligations morales et juridiques au règne animal et végétal, il s’ensuit que la deep ecology est un éco-fascisme !

    Le principal effet de ce livre a été de geler les tentatives de pensée nouvelle, en frappant de suspicion en France toute réflexion sur la nature qui s’écarterait de l’humanisme kantien !!

    Nous sommes toujours prêt à nous instruire davantage, ce qui présuppose de ne pas porter a priori de jugement de valeur sur nos interlocuteurs…

  3. Allez lire un peu L’ordre écologique de Luc Ferry, que nos élèves connaissent visiblement mieux que vous, ainsi que les problématiques des cours de philosophie sur la technique et le politique si vous voulez vous instruire un peu.
    Encore quelqu’un qui parle sans même s’être renseigné. Comment un élève de terminale vous conceptualiserait ? Sans doute avec les mots suivants, d’un autre âge sans doute : sens commun, dogmatique, crédule. Le philosophe lui essaie d’être réfléchi, sceptique, et incrédule.

  4. Allez lire un peu L’ordre écologique de Luc Ferry, que nos élèves connaissent visiblement mieux que vous, ainsi que les problématiques des cours de philosophie sur la technique et le politique si vous voulez vous instruire un peu.
    Encore quelqu’un qui parle sans même s’être renseigné. Comment un élève de terminale vous conceptualiserait ? Sans doute avec les mots suivants, d’un autre âge sans doute : sens commun, dogmatique, crédule. Le philosophe lui essaie d’être réfléchi, sceptique, et incrédule.

  5. Tout à fait d’accord avec cinqasept.

    « Les trois incontournables de la discipline philosophique, la liberté, la vérité et la justice, n’ont jamais incité les professeurs à militer contre l’aliénation, les oxymores et les inégalités ; on se contente de réciter ses classiques morts il y a déjà fort longtemps. »

    Vous n’avez visiblement qu’une idée très floue et distante (ou si elle ne l’est pas, elle est altérée par vos convictions) de ce qui est enseigné à l’école en général, et en classe de philosophie en particulier.

  6. Tout à fait d’accord avec cinqasept.

    « Les trois incontournables de la discipline philosophique, la liberté, la vérité et la justice, n’ont jamais incité les professeurs à militer contre l’aliénation, les oxymores et les inégalités ; on se contente de réciter ses classiques morts il y a déjà fort longtemps. »

    Vous n’avez visiblement qu’une idée très floue et distante (ou si elle ne l’est pas, elle est altérée par vos convictions) de ce qui est enseigné à l’école en général, et en classe de philosophie en particulier.

  7. Cette petite leçon se fait apparemment dans l’ignorance totale de ce qui se passe dans les classes de philo. Je suis moi-même prof de philo, et croyez-moi, le politique, je le leur explique sous toutes ses coutures, et avant l’écologie, l’écologie étant avant tout un problème politique.
    Le sens de cet enseignement, c’est l’éveil du jugement, sans quoi il n’y a pas de démocratie, mais fabrication de salariés-consommateurs, tout juste bons à faire le tri sélectif de leurs ordures.

  8. Cette petite leçon se fait apparemment dans l’ignorance totale de ce qui se passe dans les classes de philo. Je suis moi-même prof de philo, et croyez-moi, le politique, je le leur explique sous toutes ses coutures, et avant l’écologie, l’écologie étant avant tout un problème politique.
    Le sens de cet enseignement, c’est l’éveil du jugement, sans quoi il n’y a pas de démocratie, mais fabrication de salariés-consommateurs, tout juste bons à faire le tri sélectif de leurs ordures.

  9. ce matin 17 juin 2010, les sujets du bac :

    Série L (littéraire) coefficient 7 :
    La recherche de la vérité peut-elle être désintéressée ?
    Faut-il oublier le passé pour se donner un avenir ?
    Expliquer un extrait de la « Somme théologique » de Thomas d’Aquin

    Série S (scientifique) coefficient 3 :
    L’art peut-il se passer de règles ?
    Dépend-il de nous d’être heureux ?
    Expliquer un extrait du « Léviathan » de Hobbes

    Série ES (économique et social) coefficient 4 :
    Une vérité scientifique peut-elle être dangereuse ?
    Le rôle de l’historien est-il de juger ?
    Expliquer un extrait de « L’éducation morale » de Durkheim

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