La police de la biodiversité mise en place sans moyens

L’Agence française pour la biodiversité (AFB) est entrée en fonction depuis le 1er janvier 2017. Cet établissement public devient le bras armé pour mobiliser la société civile dans la lutte contre l’érosion de la biodiversité du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer. L’AFB, issue de la fusion de quatre organismes existants – l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), l’Atelier technique des espaces naturels, l’Agence des aires marines protégées et les Parcs nationaux de France. Le budget est ridicule, 225 millions d’euros, soit la simple addition des crédits des organismes fusionnés. La pilule est d’autant plus amère que le gouvernement a ponctionné, par l’intermédiaire du projet de loi de finances rectificative, 70 des 160 millions d’euros du fonds de roulement de l’Onema. L’AFB compte seulement 1 220 agents. Le puissant Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) avec 1800 agents n’est pas inclus dans l’agence, résultat du lobbying actif des chasseurs*.

En novembre 2011, un questionnaire thématique prenant en compte l’ensemble des problématiques induites par l’érosion de la biodiversité avait été soumis aux candidats officiellement déclarés à l’élection présidentielle. Le constat est sévère, seule Eva Joly avait une ambition satisfaisante et une technicité correcte en matière de biodiversité. JL Mélenchon arrivait peu après, les autres candidats avaient un score insuffisant. C’est un sujet qui reste à la marge, il n’est pas considéré comme une opportunité pour porter un nouveau modèle social, on refuse d’imaginer notre futur au XXIème siècle. Il est difficile pour les politiques de réaliser combien le sort des humains est lié à celui des abeilles ou des vers de terre. Quand on regarde les détériorations de notre planète et les menaces qui pèsent sur l’avenir de nos enfants et petits-enfants, on reste effaré de la distance qu’il y a entre les propositions des politiques et la réalité qui se profile à l’horizon.

Les scientifiques démontrent qu’il n’y aura pas de planète de rechange, pourtant rien ne change politiquement. La superficie et la qualité des habitats naturels continuent à se dégrader presque partout. Au niveau mondial, le rythme auquel disparaissent les espèces est de 100 à 1000 fois plus rapide que ce qui s’est passé au cours des 500 derniers millions d’année. En France métropolitaine, 9 % des mammifères, 24 % des reptiles, 23 % des amphibiens, 22 % des poissons d’eau douce et 32 % des oiseaux nicheurs sont menacés de disparition. Que la vie dans les forêts, les océans et les écosystèmes de notre planète constituent les fondements de notre société et de notre économie, au fond tout le monde s’en fout : nous n’en voyons pas encore la réalité dans notre quotidien ! La perte de biodiversité est encore une abstraction aux yeux des travailleurs : le chômage d’abord, le pouvoir d’achat ensuite ! La perte de biodiversité est toujours un avantage pour les industriels et les consommateurs : tout le monde est complice ! Personne ne manifestera dans les rues pour protéger la richesse de la biodiversité. Le biocentrisme n’est pas une composante de notre sensibilité encore trop anthropocentrée.

* LE MONDE du 5 janvier 2017, L’Agence française pour la biodiversité, nouvelle arme au service de la nature

4 réflexions sur “La police de la biodiversité mise en place sans moyens”

  1. @ biosphère
    Bien entendu, et je le laissais sous-entendre à la fin de mon commentaire précédent, l’espèce humaine est envahissante, invasive, et en plus elle est néfaste. Elle semble donc réunir tout ce qu’il faut pour pouvoir dire qu’elle est la pire des espèces que la nature ait inventé. La Nature a alors probablement fait une erreur… qu’elle corrigera vite fait.
    En attendant j’estime que toutes les espèces ont leur place, leur rôle à jouer, même les pires ; et de même pour chaque individu au sein de chaque espèce. Il se trouve d’ailleurs que je fais partie de cette espèce (humaine), qui d’autre part et jusqu’à preuve du contraire, est la seule à avoir la capacité (limitée, bien sûr) de penser à Tout Ça. C’est pour ça que je dis moi aussi « l’Humain d’abord ».

    Quant à la « seule solution »… nous en avons déjà beaucoup parlé. Mis à part l’éducation, je ne vois pas trop ce que pourrait être une solution disons, humainement acceptable. Mais devant la tâche à accomplir… là aussi je pense qu’il n’y a pas grand chose à espérer. J’ai bien peur qu’il ne soit trop tard.

    Réguler la population humaine, autrement dit faire baisser la démographie par le contrôle des naissances, je veux bien. Mais je m’opposerais toujours aux « grands moyens » ainsi qu’à toute forme de dogmatisme. Le dogmatisme conduit à la haine qui ne peut rien résoudre, tout au contraire elle ne peut qu’empirer les choses. La haine est probablement propre à l’homme, elle est en tous cas la pire forme de la bêtise. Qu’elle soit dirigée contre l’Homme, la Nature, Pierre, Paul ou Ahmed… ni change rien.
    D’autre part, nous voyons bien les limites de la régulation (doux euphémisme), notamment par les chasseurs, de certaines espèces animales jugées et donc classées comme nuisibles, invasives etc. On se contente juste de limiter les dégâts, calmer ponctuellement la colère des uns et des autres, mais les problèmes demeurent. Il est désormais trop tard pour se débarrasser de bon nombre d’espèces végétales ou animales devenues problématiques pour divers écosystèmes. Nous devons faire avec…

    Ceci dit, je suis désolé je n’ai aucune solution clé en main, je pense que la Nature saura bien équilibrer tout ça. En attendant, faisons chacun de notre mieux, n’attendons pas la police de la biodiversité pour limiter nos dégâts, et ce sera déjà ça.

  2. Bonsoir
    Comme tant d’autres organismes, l’Agence Française pour la Biodiversité sera une coquille vide. Avec 1220 agents et un budget ridicule, que pouvons-nous en attendre ?
    Certains diront que c’est mieux que rien, un premier pas… On peut toujours rêver.
    La France n’a jamais été aussi riche, les bas de laine des Français explosent, et à côté de ça les caisses de l’Etat sont vides… L’époque est donc aux économies, à la réduction des fonctionnaires. Comment voudriez-vous plus d’agents pour nettoyer et surveiller l’environnement, s’assurer de la bonne application des lois et des normes environnementales … ? Payer plus d’impôts ? Mais vous n’y pensez pas !
    Aujourd’hui l’urgence est ailleurs, on peut le regretter mais c’est comme ça. D’ailleurs, nous savons quelles sont les préoccupations des Français, et c’est pareil chez nos voisins. Il faut d’abord lutter contre le chômage, le terrorisme… relancer la croissance en berne, donner plus de pouvoir d’achat. Après ça, on verra !

    Quant au terme « nuisible », moi non plus je ne l’aime pas. On pourrait en effet soumettre au prochain ministre de l’environnement de le faire disparaître du vocabulaire, du moins administratif. Ce sera peut-être l’occasion d’un grand débat national (comme pour la laïcité ou l’identité). Mais ici ça ne devrait pas être trop compliqué… il suffira de remplacer « nuisible » par autre chose faisant consensus, espèce néfaste, dérangeante, invasive ou envahissante… et tout le monde sera content. Les agriculteurs (bios ou pas) pourront toujours réguler les taupes et les mulots envahissants, les chasseurs de leur côté pourront réguler les espèces invasives, sangliers, ragondins, et pourquoi pas loups.
    Je plaisante un peu, mais j’ai bien noté que Didier Barthès souhaitait faire disparaître non pas spécialement le mot, mais le concept, de nuisible. C’est à dire l’idée que nous nous faisons de telle ou telle espèce… Là aussi, vaste chantier !

    1. Michel C dit : « remplaçons « nuisible » par autre chose faisant consensus, espèce néfaste, dérangeante, invasive ou envahissante… et tout le monde sera content. »
      Ces qualificatifs s’appliquent aussi à l’espèce humaine ! C’est le poids de notre nombre qui empiète sur les écosystèmes de toutes les autres espèces, faisant en sorte de provoquer la 6e extinction des espèces. Une solution évidente (mais pas pour tous), malthusienne, réduire volontairement les naissances. Pour les mulots et les ragondins, on n’hésite pas à « réguler » ces espèces….

  3. Je propose que l’on fixe comme objectif au prochain ministre de l’environnement d’abroger le concept de nuisible, il n’a évidemment aucun sens écologiquement parlant, et moralement, il constitue une abjection.

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