La religion écologique n’est pas une religion

Définissons d’abord les termes. Le savoir scientifique est incontestable, il repose sur des connaissances argumentées, démontrées, vérifiées. Les découvertes scientifiques ne sont pas des constructions dogmatiques : elles ont la particularité d’être réfutables. Leur registre n’est pas moral, il ne renvoie pas à des valeurs mais à des faits. La connaissance scientifique accumulée a l’immense mérite de proposer « une représentation partagée du monde réel », un bien public à partir duquel fonder des droits et devoirs pour toutes et tous. Les croyances religieuses, elles, font l’objet d’un sentiment de vérité, mais ne sont pas démontrables.* L’écologie politique n’est pas une religion, elle s’appuie sur la science écologique, elle devrait donc promouvoir des décisions démontrables. Difficiles à mettre en place !

Le problème principal de l’écologie en politique n’est pas la controverse religion/écologisme, mais le conflit entre économie et écologie. Prenons l’exemple du caractère cancérogène ou non du TiO2 (dioxyde de titane). Les études d’accumulation après franchissement de ces barrières, chez l’animal de laboratoire, montrent que certains organes comme le foie, la rate, le rein, le cerveau et les organes reproducteurs sont des cibles avec une accumulation qui persiste dans le temps, lit-on dans le rapport du HCSP. Chez le rat, une exposition par voie orale à l’additif alimentaire E171, qui contient de l’ordre de 20 % à 30 % de nanoparticules de TiO2, montre une réponse inflammatoire de la muqueuse intestinale pouvant conduire à la formation de lésions précancéreuses avec un effet promoteur. Mais de son côté, l’Association des producteurs de dioxyde de titane (TDMA) assure que son produit est « sans danger » et qu’il a été « évalué par un grand nombre d’autorités de régulation, qui ont systématiquement conclu à son innocuité pour toutes les applications désignées ». Les spécialistes de la manipulation de la science ont encore frappé ! Trois pays européens font activement valoir la nécessité de classer dangereux le TiO2 sous toutes ses formes. La position de Paris pourrait être déterminante. En France, le dossier oppose d’une part le ministère de la transition écologique et solidaire et, d’autre part, les ministères de l’économie et du travail. Selon nos informations**, le ministère de Nicolas Hulot appuie une classification du produit sous toutes ses formes, de liquide et de poudre, tandis que Bercy et la rue de Grenelle sont plus attentifs à l’impact industriel et économique d’une mesure de classification. La politique donne trop de place à l’économisme.

Comme redonner toute son importance à l’écologie ? L’écologie politique doit s’appuyer sur la science écologique mais aussi sur la philosophie de l’écologie***. Il s’agirait de transformer l’écologisme en une religion de type matérialiste à l’opposé des conceptions abstraites sur lesquelles reposent les religions du Livre avec leur Dieux dans les Cieux. L’adoption d’un système de valeur du type « biocentrisme » ou « écocentrisme », portée par l’écologie profonde, permet de lutter efficacement contre l’anthropocentrisme dominant qui donne une telle place aux humains qu’il en finit par étouffer toute forme de vie durable. Les discours antispécistes poussent par exemple à la destitution de l’homme-roi. Mais le véganisme pourrait aussi aboutir à un nouvel obscurantisme. La sur-considération des valeurs animales pourrait pousser à un nouvelle religion nous transformant en herbivores. Or la science de la biodiversité nous montre clairement la diversité des conditions d’existence de millions d’espèces existante, la complexité des chaînes alimentaires, la grave détérioration des écosystèmes par l’activité humaine. L’écologie politique a encore de dures controverses à affronter au cours du XXIe siècle, mélangeant science, socio-économique et religion… L’écologie politique se transformerait alors en religion, avec tous les Conciles, Consistoires et Synodes qui pourraient s’ensuivre dans les siècles des siècles !

* LE MONDE science&médecine du 27 juin 2018, La science, laïque par essence

** LE MONDE du 28 juin 2018, Bataille sur les nanoparticules de dioxyde de titane

*** LE MONDE des livres du 29 juin 2018, L’animalisme est un anti-humanisme

4 réflexions sur “La religion écologique n’est pas une religion”

  1. Je poursuis . Alors bien sûr nous devrions revenir aux fondamentaux, nous poser les bonnes questions, même celles où n’aurons jamais de réponse (ex. Pourquoi existe-il quelque chose plutôt que rien ?) et pour cela nous devrions prendre le temps de la réflexion.
    Chacun devrait s’efforcer de se sortir de ce cycle infernal, et déjà arrêter de courir … après des artifices, des chimères, le pognon, la gloire. Nous devrions prendre le temps, et non pas essayer d’en gagner, toujours plus. Au lieu de nous prendre pour des dieux nous devrions prendre conscience de notre insignifiance, et pour cela pas besoin d’un dieu, d’une religion, une certaine spiritualité devrait largement suffire. Je parle là d’une véritable spiritualité, et non pas d’un de ces produits à la mode que le Système nous vend comme du vulgaire Coca-Cola.
    Hélas, j’écris au conditionnel… il faut bien nous rendre à l’évidence, nous sommes plantés, il est trop tard.

  2. Bien entendu nous devons bien faire la différence entre savoirs et croyances (croire et savoir : lire ou relire Platon), et en effet seule la science nous autorise à dire « je sais que » (la terre est ronde).
    Seulement les croyances ne se limitent pas au domaine religieux, nous devrions donc nous mettre d’accord sur ce que nous entendons par « religion », ce mot étant polysémique, en tous cas bien plus que « dogme » ou « dogmatisme ».

    L’écologie est une science, comme il est dit dans cet article nous n’avons pas de problème de ce côté là. C’est bien évidemment l’écologisme qui pose problème, ainsi bien sûr que l’économisme. Ces choses en « isme » nous pourrissent la vie.

    La raison devrait nous faire mettre la priorité sur la connaissance (éco-logie) et non pas sur la gestion (éco-nomie). En effet, comment pourrions-nous gérer correctement notre « maison » si nous ne la connaissons pas bien, ou alors si nous refusons de tenir compte de ce qu’elle est réellement ? Toutes ces choses en « isme » ne sont que des idéologies, des systèmes d’idées, et nous savons comment elles peuvent vite devenir des dogmatismes, des religions, des folies …

    Ceci dit n’oublions pas non plus que chacun de nous prend chaque jour des décisions qui ne reposent pas uniquement sur la raison (qu’elle soit pure ou pratique n’a pas à mon avis une grande importance…) et agit donc en conséquence. Nous agissons aussi sur des émotions, des croyances en tous genres, des intuitions… Et je crois que le monde serait très triste si nous n’agissions que comme des robots.

  3. C’est autre chose en effet, la religion répond à d’autres questions, l’écologie relève d’un certain matérialisme, d’une certaine spiritualité au sens du respect du beau du vivant, de la nature en général mais ne relève pas de la religion.
    Elle ne dit rien de la raison d’être du monde, ne répond en rien à la fameuse question : Pourquoi existe-il quelque chose plutôt que rien ?
    Elle ne nous dit rien de la conscience et de ses mystères. Elle ne dit pas un mot d’un monde qui serait au delà du matériel.
    C’est autre chose et chaque chose doit être à sa place, elle n’a nul besoin de temple, mais elle a besoin des efforts de chacun.

  4. C’est autre chose en effet, la religion répond à d’autres questions, l’écologie relève d’un certain matérialisme, d’une certaine spiritualité au sens du respect du beau du vivant, de la nature en général mais ne relève pas de la religion.
    Elle ne dit rien de la raison d’être du monde, ne répond en rien à la fameuse question : Pourquoi existe-il quelque chose plutôt que rien ?
    Elle ne nous dit rien de la conscience et de ses mystères. Elle ne dit pas un mot d’un monde qui serait au delà du matériel.
    C’est autre chose et chaque chose doit être à sa place, elle n’a nul besoin de temple, mais elle a besoin des efforts de chacun.

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