L’abandon d’un nouvel aéroport à NDDL, qui a gagné ?

En matière d’écologisme, il semble malheureusement qu’il ne puisse pas y avoir consensus. Il y a forcément les Pour et les Contre, les défenseurs de l’emploi aujourd’hui et ceux qui pensent aux générations futures, les adeptes du croissancisme et ceux qui prônent la sobriété partagée, les bétonneurs à-tout-va et ceux qui veulent garder nos terres agricoles, les adulateurs de la toute puissance humaine et ceux qui veulent préserver la biodiversité. Il y avait tout cela dans les arguments pour ou contre la construction d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes près de Nantes.

A quelques jours de la décision gouvernementale, les notables de tous bords avaient attaqué de façon virulente le rapport des médiateurs, jugeant leur rapport biaisé… puisqu’il présentait deux alternatives, agrandir l’aéroport à Nantes… ou faire NDDL ! Pour eux, il n’y avait pas d’autre choix qu’ajouter un aéroport de plus aux 475 aéroports français. Les trois médiateurs ont condamné de leur côté « l’inexactitude parfois grossière des affirmations avancées » par les partisans du transfert. Une attitude qui, selon eux, « ne contribue pas à l’établissement d’un dialogue argumentatif sérieux et apaisé ». On s’empoignait sur des questions secondaires en oubliant l’essentiel : l’avion a-t-il un avenir dans un monde qui connaîtra une forte descente énergétique, un prix du kérosène hors de prix et un dérèglement climatique important ? On psalmodie « croissance, croissance », on oublie comme d’habitude les fondamentaux biophysiques. Jared Diamond* nous a dévoilé notre propre histoire en rappelant le passé. L’une des principales leçons à retirer de l’effondrement des Mayas ou des Anasazis est que le déclin peut commencer dix ou vingt ans seulement après qu’une civilisation ait atteint son apogée en nombre, en richesse et en puissance. La raison en est simple : l’apogée de la consommation de ressources et de la production de déchets implique l’apogée de l’impact sur l’environnement, au risque d‘un dépassement néfaste des ressources. Il n’est donc pas étonnant que le déclin des sociétés ait tendance à suivre de près leur apogée. D’autant plus que les élites vont tout faire pour ne pas prendre les décisions qui s’imposent, car mieux vaut pour elles soutenir les rêves de magnificence qui en jettent plein les yeux au peuple (qu’on a consulté ou non par référendum). Plus ça allait mal, plus les Mayas construisaient des temples. Ah, l’augmentation du trafic aérien grâce à un nouvel aéroport tout neuf ! Jouissif, mais sans lendemains durables.

Ouf, cette controverse est close, plus de projet inutile et imposé à NDDL. Edouard Philippe l’a annoncé le 17 janvier : « En relation étroite avec le président de la République, le gouvernement a pris sa décision : je constate aujourd’hui que les conditions ne sont pas réunies pour mener à bien le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Un tel projet qui structure le territoire pour un siècle ne peut se faire dans un contexte d’opposition exacerbée de la population. Notre-Dame-des-Landes, aujourd’hui, c’est l’aéroport de la division. Le projet de Notre-Dame-des-Landes sera donc abandonné. »** Argumentation politique, seulement politique ! La fédération France Nature Environnement et ses associations locales (Bretagne Vivante, Eau et Rivières de Bretagne, Coordination LPO Pays-de-Loire, Fédération Bretagne Nature Environnement et FNE Pays de Loire) saluent cette décision pour d’autres raisons. Le premier ministre met ainsi fin à un projet obsolète, maintenu pendant de trop longues années malgré ses impacts environnementaux néfastes. Il s’agit d’être cohérent avec les enjeux et les engagements de la France concernant la protection de la nature, du climat et de l’eau. De leur côté les réactionnaires montent sur leurs grands chevaux. Pour le président du département Loire-Atlantique, cette décision « piétine les collectivités locales, toutes les collectivités locales. C’est une remise en cause de l’esprit même de la décentralisation ». Bruno Retailleau, sénateur Les Républicains de Vendée, a déploré sur Twitter une « grande victoire des zadistes ». L’ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault, celui qui a viré ses deux premiers ministres de l’écologie, dénonce un « déni de démocratie ». Le député de la circonscription englobant Notre-Dame-des-Landes, Yves Daniel, avait déclaré qu’il brûlerait sa carte d’électeur en cas d’arrêt du projet. Bien sûr, fidèle à leurs convictions croissancistes, les députés de droite s’opposent à la décision du gouvernement. Mais c’est un agriculteur du coin qui pourrait obtenir un consensus : « On avait raison, ce n’est pas un projet du XXIe siècle. On a gagné la première manche, la plus importante. On a sauvé 1 650 hectares de l’artificialisation. »

* Effondrement (de la disparition ou de la survie des sociétés) de Jared DIAMOND (2006)

** LE MONDE du 18 janvier 2018, Le gouvernement annonce l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes

6 réflexions sur “L’abandon d’un nouvel aéroport à NDDL, qui a gagné ?”

  1. Salut Michel,
    Dernièrement, je regardais avec ma belle mère de 90 ans les photos de la fameuse départementale qui traverse la lande, qu’Acipa commence à dégager, les maisons et autres tours moyenâgeuses qui obstruent la petite route
    Elle me disait que ça ressemblait aux maisons américaines auto-construites dans les années 70 aux Etats-Unis.
    Cherchez sur le Net, ces photos resteront comme un « must » des années 2010 dans l’avenir. Y’aura des bouquins sur cet épisode de luttes.
    Comme quoi…..
    Bises, Jeanjo.

  2. On ne PEUT PAS expliquer le pourquoi. Annoncer l’effondrement, c’est le précipiter. Le système tiendra tant que on arrivera à extraire et utiliser des ressources à un coût supportable (création de dette comprise) ET que l’immense majorité des acteurs croiera au système. Dès que lune de ces conditions ne sera plus remplie, ce sera l’apocalypse.

  3. Bonne nouvelle mais en effet entachée de trois petits « mais »
    – Le gouvernement n’évoque en rien les raisons écologiques de l’abandon de ce projet (alors que ce sont effectivement celles qui devraient être mises en avant, bien que manifestement ce ne soient pas elles qui aient emporté la décision). C’est peut-être le signe que nous ne sommes pas mûrs pour entendre cela et pour décider en fonction de cela).
    – Il n’est nullement évoqué l’absurdité d’un projet dont la rentabilité se trouverait à une échéance à laquelle la disponibilité en pétrole ne serait plus assurée.
    – Il y a un risque de crispation sur les autres projets, le gouvernement pouvant être tenté de faire preuve d’autorité (pas de procès d’intention toutefois, il faudra juger sur pièce).
    Ces arguments sont développés dans l’article suivant
    http://economiedurable.over-blog.com/2018/01/nddl-l-argument-manquant-du-gouvernement.html

  4. Le temps des élus omnipotents, seuls décideurs et jamais comptables de leurs décisions, est révolu, celui des réseaux et des lobbys doit l’être aussi, car les citoyens ont des compétences qui leur permettent de produire des analyses et des propositions alternatives. Ils ont même, pour beaucoup, une vision plus aiguë et lucide des enjeux à venir. Ce qui devrait vraiment renouveler la manière dont sont décidés l’intérêt général et la fameuse « utilité publique » !
    Françoise Verchère (coprésidente du Collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport (Cédpa)

  5. Ce qui est sûr, c’est que du côté des Pour la défaite est amère. Hier la rancœur s’affichait sur les visages. Pas bon du tout ! Chez eux, aucun doute que les zadistes (ces affreux terroristes) ont gagné. Nul doute que le Gouvernement a cédé, capitulé… que le Président n’a pas tenu ses promesses, que la démocratie a été bafouée, etc.
    Côté Contre, il y a bien sûr de quoi se réjouir. Mais pas trop non plus, tachons de rester raisonnables.
    La question maintenant c’est de savoir ce que deviendront ces 1650 hectares. Les opposants à ce projet inutile clament : « Dans le futur, ce territoire doit pouvoir rester un espace d’expérimentation sociale, environnementale et agricole ».
    Alors qu’on prétend se soucier d’écologie, il ne serait pas cohérent ni raisonnable de démolir ces magnifiques laboratoires où s’expérimentent d’autres façons de produire, de travailler et tout simplement, de vivre. Comme par exemple ce magnifique « non-marché » de la ZAD. (  » Personne ne meurt de faim sur la ZAD  » !)
    http://www.huffingtonpost.fr/2018/01/14/notre-dame-des-landes-voici-comment-fonctionne-le-non-marche-de-la-zad_a_23333094/
    Seulement nous ne sommes plus à une incohérence près en matière politique, surtout du côté de notre « nini et en même temps ».
    Seulement aussi, nous pouvons déjà imaginer les réactions des grincheux (les Pour), si au printemps le Gouvernement en venait une nouvelle fois à « capituler » et à donner raison aux « terroristes ».

  6. La grande gagnante c’est la terre nourricière le reste dont les états d’âmes des politicards de tous bords on s’en tapent
    Comme pour le Larzac la résistance citoyenne à fait son chemin, comme quoi……

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