Un « code de l’animal » vient de sortir, 1060 pages pour 49 euros* . Voici l’essentiel de l’évolution juridique passée et quelques perspectives d’avenir… qui feront bondir les tenants de l’anthropocentrisme.
Loi Grammont du 2 juillet 1850 : « Seront punis d’une amende de cinq à quinze francs, et pourront l’être d’un à cinq jours de prison, ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques. » Une loi fondatrice mais restreinte à l’espace public, qui protégeait essentiellement la sensibilité des spectateurs et non pas celle des animaux
Décret du 7 septembre 1959 d’Edmond Michelet, ministre de la justice du général de Gaulle : la répression des mauvais traitements est élargie au domaine privé, les animaux sont protégés en raison de leur propre sensibilité.
Article L214-1 du code rural en 1976 : « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ». Mais selon la division entre les personnes et les choses qui gouverne le droit, l’animal y restait considéré comme un bien, meuble ou immeuble par destination.
Loi du 16 février 2015 dont l’article 515-14 est inséré dans le code civil : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. » Cette lévitation juridique extraits les animaux de la catégorie des biens sans les intégrer à celle des personnes. La division juridique bipartite entre les personnes et les choses consacre encore le finalisme anthropocentrique, présent aussi bien dans le stoïcisme antique que dans les religions monothéistes, ou encore dans la pensée laïque où l’homme prend souvent la place de Dieu. On est presque sorti de la phase du ridicule pour entrer dans celle de la discussion, mais sans aborder la phase de l’adoption de l’antispécisme (ou biocentrisme).
Avant-dernière étape ? : donner aux bêtes une personnalité juridique – autrement dit l’aptitude à être un sujet de droit –, à l’instar de celle dont bénéficient les personnes morales que sont les associations ou les syndicats.
Dernière étape…
Concluons avec Claude Lévi-Strauss : « Que règne, enfin, l’idée que les hommes, les animaux et les plantes disposent d’un capital commun de vie, de sorte que tout abus commis aux dépens d’une espèce se traduit nécessairement par une diminution de l’espérance de vie des hommes eux-mêmes. Un humanisme sagement conçu ne commence pas par soi-même mais fait à l’homme une place raisonnable dans la nature au lieu qu’il s’en institue le maître et la saccage sans même avoir égard aux besoins et aux intérêts les plus évidents de ceux qui viendront après lui. » A l’heure d’une chute vertigineuse de la biodiversité, continuer à préserver le statut de primauté de l’être humain sur l’ensemble de la biosphère consisterait pour lui à se faire hara-kiri.
* LE MONDE idées du 31 mars 2018, L’animal dans le droit, à la fois chose et sujet
Encore une fois Claude Lévi-Strauss est sage.
Encore une fois Claude Lévi-Strauss est sage.