Albert Hoffman, ce chimiste suisse qui a isolé la substance psychoactive connue sous le nom de LSD, est mort à 102 ans (rubrique nécrologique, LeMonde du 10.05.2008). La Biosphère ne retiendra de sa vie que cette conception du monde : « A notre époque où l’humanité devient toute urbaine, l’homme perd le contact avec la nature. Il n’éprouve plus son unité avec le vivant, il ne voit plus la splendeur de l’univers, alors il désespère… ». Bonne raison pour prendre encore du LSD à 97 ans ? Moi je préfère me shooter au prix du baril, bientôt à 200 dollars.
Il paraît que Arjun N.Murti a eu du nez. Analyste chez Goldman Sachs, c’est lui qui avait prédit, en mars 2005, que le baril du brut atteindrait 105 dollars alors qu’il était encore à 57 dollars. Mais mes archives personnelles me permettent de trouver un prédécesseur, Michel Sourrouille, qui dans le courrier des lecteurs (LeMonde 9 septembre 2004) écrivait sous le titre :
Bientôt un baril à plus de 100 dollars
« Un expert européen estime qu’un baril à 44 dollars ne peut casser la reprise (Le Monde du 24 août 2004). Cela me fait penser à tous ces spécialistes qui, pendant les débuts du conflit en Irak, pensaient que le marché permettrait de rester durablement en dessous de 30 dollars. Je n’ai pas grand mérite à prévoir un baril à plus de 100 dollars dans les mois ou les années qui viennent puisque le pétrole est une ressource limitée : l’ère utile du pétrole en tant que combustible s’achèvera avant le milieu du XIXe siècle, autant dire demain.
« Or toute rareté implique un prix élevé. Le prix du pétrole est artificiellement bas depuis le début de son exploitation puisqu’il a permis aux humains de gaspiller en moins de deux siècles un don de la nature accumulée pendant des millions d’année. Le problème essentiel n’est pas seulement l’effet de serre, mais un système de croissance basé sur l’éloignement entre domiciles et lieux de travail, entre localisation de la production et centres commerciaux, entre espaces de vie et destinations du tourisme.
« Le changement structurel qui s’est opéré sur plus d’un siècle ne peut être modifié brutalement sauf à provoquer une crise économique et sociale sans précédents. La société thermo-industrielle est très fragile puisqu’elle est basée sur une facilité de déplacement et un confort de vie issue du bas prix de l’essence et du gasoil, du fioul et du kérosène.
« Dès aujourd’hui il faut se préparer au plus vite à des changements structurels de nos modes de vie pour éviter la pétroapocalypse. Seule une augmentation du prix du pétrole constante et progressive, dont les royalties iraient à la promotion des économies d’énergie et non aux rentiers du pétrole, permettrait une prise de conscience mondiale. »
La décroissance est en marche. Le Monde du 10.05.2008 parle déjà de scénario catastrophe aux Etats-Unis. Le ministère de l’énergie s’attend à une diminution de 0,3 % de la consommation d’essence. Comme les Américains consomment à eux seuls un tiers de l’essence produite dans le monde, cela fait beaucoup de barils en moins gaspillés dans de trop gros véhicules pour déplacer la graisse de trop d’obèses. La plupart des économistes estiment maintenant que les ménages américains, appauvris par la crise de l’immobilier et la raréfaction du crédit, ne résisteront pas à une nouvelle hausse du coût de l’énergie. Tant mieux, tant mieux, leurs maisons étaient trop grosses et leur vie à crédit ne signifiait plus rien.Pour la Planète, il ne s’agit donc pas d’une mauvaise nouvelle.