« Je m’attendrais plus à voir une chèvre occuper avec succès un poste de jardiner qu’à voir les humains devenir des intendants responsables de la Terre. (James Lovelock) » Pourquoi cette amusante comparaison nous semble pertinente ? Parce que nous n’avons pas conscience culturellement de notre intégration profonde au tissu du vivant. Voici deux explications complémentaires :
Ghislain Nicaise : « Dans le déluge d’informations qui accompagne la tenue de la COP21 à paris, je crois que la plus discrète est e fait la plus importante : le climat dépend des êtres vivants. Pas seulement de l’être vivant turbulent et destructeur Homo sapiens qui brûle le carbone fossile, pas seulement des vaches qui ont l’habitude inopportune de roter du méthane, mais des arbres, des vers de terre, des bactéries et d’un nombre considérable d’autres organismes. Si la vie disparaissait, notre planète deviendrait une fournaise comme la planète Vénus ou au contraire un désert glacé comme la planète Mars. L’oxygène, absent pendant plus de deux milliards d’années, constitue maintenant 21 % des gaz atmosphériques. Les premiers microbes producteurs d’oxygène datent de 3500 milliards d’années. Des procaryotes se sont adaptés à ce gaz toxique et ont formé des associations symbiotiques : les eucaryotes… dont nous faisons partie. Quand la vie eucaryote a conquis les continents après avoir colonisé les mers, le climat est devenu de plus en plus régulé. L’atmosphère qui nous entoure est chimiquement très instable, sa composition n’est constante que par la permanence de flux, provenant essentiellement des organismes vivants. Le CO2 est passé de 10-30 % à l’archéen à 0,03 % de nos jours… »
(postface du livre Le ciel nous tombe sur la tête, Arthaud, 332 pages, 15 euros)
Bruno Latour : « La question est donc celle-ci : pourquoi les questions écologiques ne paraissent pas concerner directement notre identité, notre sécurité et nos propriétés ? Ne venez pas me dire que c’est l’importance de la menace ou la distance d’avec nos préoccupations quotidiennes qui font la différence. Nous réagissons en bloc au moindre attentat terroriste, mais que nous soyons l’agent de la sixième extinction des espèces terrestres n’évoque qu’un bâillement désabusé. Non, c’est la réactivité et la sensibilité qu’il faut considérer. Collectivement, nous choisissons ce à quoi nous sommes sensibles et à quoi il faut réagir vite. D’ailleurs, à d’autres époques, nous avons été capables de partager les souffrances de parfaits étrangers infiniment éloignés de nous, que ce soit par “solidarité prolétarienne”, au nom de la “communion des saints” ou tout simplement par humanité. Non, dans ce cas, tout se passe comme si nous avions décidé de rester insensibles aux réactions d’un certain type d’êtres – ceux qui sont liés, en gros, à l’étrange figure de la matière. Autrement dit, ce qu’il faut comprendre, c’est pourquoi nous ne sommes pas de vrais matérialistes. » (Face à Gaïa , La découverte, 402 page, 23 euros)
Nous sommes dans ce monde pour y comprendre notre place et non pour nous y faire une place.