Le crime climatique à la portée de chacun d’entre nous

Un manifeste* pour dénoncer les crimes climatiques du Canada vient de sortir : « La performance canadienne dans le dossier du changement climatique est un véritable crime contre l’avenir de l’humanité. » Il s’agit de condamner le premier ministre Stephen harper qui refuse entre autres d’imposer des normes plus restrictives en matière de sables bitumineux. Mais les rédacteurs de ce manifeste croient encore au père Noël : « La technologie est désormais disponible pour effectuer le virage nécessaire… Grande transition vers une économie propre avec des énergies renouvelables, des réseaux de transport en commun… » Pas un mot sur la limitation des besoins en énergies fossiles de la population qui conditionne pourtant au premier chef la diminution des émissions de gaz à effet de serre.

Dans le livre collectif « Crime climatique STOP ! »*, Philippe Bihouix montre qu’il n y’a pas de technologie qui sauve : « Une lutte technologique contre le changement climatique serait désespérée. Ainsi dans les bâtiments, où le niveau de confort toujours plus exigeant nécessite l’emploi de matériaux rares (verres faiblement émissifs) et une électronicisation généralisée pour optimiser la consommation (gestion technique du bâtiment, capteurs, moteurs et automatismes, ventilation mécanique contrôlée). Ainsi dans les voitures, où le besoin de maintenir le confort, la performance et la sécurité nécessite des aciers alliés toujours plus précis pour gagner un peu de poids et réduire les émissions de CO2. Ce qui nous attend à court terme, c’est une accélération dévastatrice et mortifère, de la ponction de ressources, de la consommation électrique, de la production de déchets ingérables, avec le déploiement généralisé des nanotechnologies, des big data, des objets connectés. Le saccage de la planète ne fait que commencer. Il n’y aura pas de sortie par le haut à base d’innovation technologique – en tout cas si improbable qu’il serait périlleux de tout miser dessus. On ne peut se contenter des business models émergents, à base d’économie de partage ou de la fonctionnalité, peut-être formidables mais ni généralisables, ni suffisants. Nous devrons décroître, en valeur absolue, la quantité d’énergie et de matières consommées. Il faut travailler sur la baisse de la demande, non sur le remplacement de l’offre. »

Le crime climatique à la portée de chacun d’entre nous. Il suffit d’avoir un logement trop grand et trop chauffé, une voiture trop lourde et sophistiquée, des tas de gadgets de dernière génération et une boulimie de déplacements en tous genres, le plus vite et le plus loin de préférence. Diminuons nos besoins et nos consommations, le climat se portera mieux.

* LE MONDE du17 septembre 2015, Un manifeste pour dénoncer les « crimes » climatiques du Canada
** Crime climatique STOP !, éditions Anthropocène Seuil, 316 pages, 15 euros