Président de la République ? Il en faut du culot pour se jeter dans l’arène politique comme vient de le faire ce 13 avril Nicolas Hulot. Car le domaine politique est un marigot où se vautrent de vieux crocodiles affamés de pouvoir qui dévorent tous les nouveaux arrivants. Même les décroissants de la revue du même nom n’arrêtent pas de taper sur ce vendu à TF1, Bouygues, EDF… Ce candidat des multinationales ne serait écolo qu’au petit écran, d’où un « pacte contre Hulot » de la part d’une gauche extrême.
Pourtant il y a actuellement peu de modèle de citoyens qui soient des exemples de ce qu’il faut faire quand on veut défendre la Biosphère. Si Nicolas n’est pas né écolo, il l’est devenu, intensément, durablement. Pour lui, la planète est beaucoup plus petite qu’on ne l’imagine, et c’est une réalité intimement vécue puisqu’il l’a parcourue en long et en large pour son émission Ushuaia, puis Opération Okavanga. Où qu’il aille, il rencontre l’empreinte des humains et les saloperies qu’ils laissent derrière eux. Il écrit donc seul ou avec d’autres des livres (Le syndrome du Titanic, Crise écologique-crise des valeurs …) et fonde en 1990, la Fondation Ushuaïa, rebaptisée en 1995 « Fondation Nicolas-Hulot pour la nature et l’homme ». Nicolas s’entoure de chercheurs et de scientifiques (Dominique Bourg, Patrick Criqui, Philippe Desbrosses, Christian Dubois, Marc Dufumier, Alain Grandjean, Jean-Marc Jancovici, Thierry Libaert…), ce que n’arrive même pas à faire le parti socialiste ! Nicolas a su faire pression sur les politiques, à commencer par le Président de la République Jacques Chirac dont il inspire le célèbre discours au sommet de la Terre à Johannesburg : « La maison brûle et nous regardons ailleurs ». Nicolas est donc indispensable à l’écologie politique.
Mais la présidentielle est-elle le bon endroit pour faire entendre sa voix ? Oui, car ce n’est que le résultat du mépris dans lequel ont été tenus depuis des décennies les contraintes écologiques. A chaque élection, des écologistes en colère vont trouver les candidats des divers partis politiques. Ils sont reçus avec…une certaine condescendance. En juin 1972, le ministre des finances Giscard d’Estaing organise un colloque sur les conclusions fort alarmantes du Club de Rome : en mai 1974, le candidat Giscard d’Estaing ne leur accorde plus la moindre considération, ne parle que de croissance ! Mitterrand avait mis les écolos Brice Lalonde et Philippe Saint Marc en contact avec Edith Cresson… Rien n’a suivi. Jospin en 1989 a mis au pilon un petit livre, Merci la Terre, qui devait être distribué dans les écoles ! Quant à Sarkozy, on se rappelle encore son avis : « L’écologie, ça commence à bien faire… » Nicolas Hulot en appelle aujourd’hui à celles et ceux qui savent qu’on ne peut plus s’exonérer de toute limite, notamment des limites physiques de la planète.
Dans Le syndrome du Titanic, Nicolas confiait en 2004 avec force : « De toute façon, si nous ne mettons pas en place des mécanismes de régulation, la Nature le fera d’elle-même, indépendamment de nous. Je dis souvent que le monde de demain sera radicalement différent de celui d’aujourd’hui, il le sera de gré ou de force. S’il l’est de gré, le tribut sera beaucoup moins lourd et terrible que s’il l’est de force. » Nicolas Hulot, c’est sans doute la dernière chance de la Terre …
Cette candidature est une bonne chose, elle permettra de débattre essentiellement d’écologie et d’avenir de l’espèce humaine, ce qu’un autre candidat écolo issu d’EELV, coincé dans un discours d’extrême gauche, ne fera pas.
Allons chercher auprès de l’autre ce qu’il apporte à la collectivité humaine au lieu de nous acharner à faire la liste de ses faiblesses et de ses incohérences. Je suis sidéré par la violence étalée sans vergogne ; les blogs, les échanges sur Internet en constituent trop souvent la sinistre démonstration. Il semble que ce qui se connecte avec le plus d’aisance, ce sont les mécontentements, les aigreurs, les haines. Est-ce là l’idéal promis naguère par l’instauration d’un village planétaire ?
Approcher l’autre demande de l’attention, du respect. C’est à ce prix que l’homme actuel cessera d’être celui qu’Edgar Morin ne qualifie rien moins que d’Homo sapiens demens.
Nicolas Hulot
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