LE MONDE et la guerre en Libye, bonjour l’aveuglement !

L’initiative de Nicolas Sarkozy en 2011 pour mettre fin au régime de Mouammar Kadhafi s’est révélée un vrai désastre. Emmanuel Macron confirme le 1er février 2018 : « Je n’oublie pas que plusieurs ont décidé qu’il fallait en finir avec le dirigeant libyen sans qu’il y ait pour autant de projet pour la suite … L’idée qu’on règle la situation d’un pays de façon unilatérale et militaire est une fausse idée … Quoi qu’on pense d’un dirigeant, imaginer qu’on pouvait se substituer à la souveraineté d’un peuple pour décider de son futur n’est pas responsable … Nous avons collectivement plongé la Libye, depuis ces années, dans l’anomie, sans pouvoir régler la situation… »* En mars 2011, ce n’était pas l’avis des éditorialistes du MONDE** qui appelaient à l’intervention armée en Libye. LE MONDE constatait par la suite que « la France et ses alliés n’ont pas anticipé la phase de l’après-guerre ». Il n’était pourtant pas difficile de mesurer les effets d’une intervention extérieure, il suffisait de savoir ce qui s‘était passé en Irak ou en Afghanistan. Un autre éditorial du MONDE*** s’attaquait à l’Allemagne car ce pays s’était abstenu à propos d‘une résolution de l’ONU. Le non-engagement allemand dans l’imbroglio libyen illustrerait selon l’éditorial son « manque de maturité » ! Ce sont les Allemands qui avaient raison.

Sarkozy voulait compenser le désastre vécu par son parti aux élections cantonales, il a instrumentalisé Bernard-Henri Lévy, membre du conseil de surveillance du MONDE, il a déclaré la guerre en Libye. Comment un président vivant au XXIe siècle peut-il avoir oublié la leçon de l’histoire : aucune guerre n’a été victorieuse. Comment un média comme LE MONDE peut ignorer où sont nos priorités : nous avons à construire la paix avec une biosphère malmenée, nous n’avons plus de temps à perdre dans des conflits armés inter-humains. Il y a une espèce de collusion entre les politiques occidentaux et les médias pour utiliser l’appareil militaro-industriel et nous cacher la force de la non-violence. Seule la non-violence fait avancer une cause car toute violence à court terme contredit la réduction à long terme de la violence. Il n’existe pas de guerre juste, l’exemple de la Seconde Guerre mondiale est le test suprême. Les nazis étaient des assassins pathologiques. Nous devions les arrêter et seule la force pouvait y arriver. Mais la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ne s’opposaient au fascisme que parce qu’il menaçait leur propre domination sur certaines ressources naturelles et sur certaines populations. Et les ingrédients du fascisme (le militarisme, le racisme, l’impérialisme, la dictature et le nationalisme exacerbé) survécurent sans problème à la guerre. Nous conseillons aux éditorialistes du  Monde de lire  Désobéissance civile et démocratie d’Howard Zinn.

Il devient essentiel dans un monde surarmé de réaliser le désarmement généralisé. La Libye n’avait pas besoin que la France lui fournisse des armes, ni d’ailleurs aucun autre pays. Il était paradoxal que des Rafales français attaquent des Mirages français acquis  par Kadhafi. Les avions de combat ne devraient pas s’exporter, ni même se fabriquer. La guerre n’est plus la continuation de la politique par d’autres moyens, elle est devenue le résidu d’un passé qui a décimé bien des populations civiles et enrichi bien des marchands d’armes. Libérons-nous des politiques militaristes, devenons objecteurs de conscience, consacrons-nous à l’essentiel, la perte de biodiversité, la descente énergétique et le réchauffement climatique. Quant aux conflits locaux, que les peuples se libèrent de leurs chaînes par leurs propres moyens : un tyran n’a que le pouvoir qu’on lui concède. Lisez « La servitude volontaire » d’Étienne de la Boétie.

* LE MONDE du 3 février 2018, Macron critique l’intervention militaire en Libye en 2011

** LE MONDE va-t-en guerre en Libye

*** LE MONDE du 20-21 mars, Berlin face à ses responsabilités internationales (Editorial)