Pour savoir ce que sera notre avenir, il nous paraît utile de connaître notre passé.
TEMOIGNAGE d’une vie à la ferme autrefois
J’ai passé une partie de mon enfance dans des fermes des Monts du Forez. Une vie presque en autarcie. Pas d’emprunt, pas de dettes, on achetait que ce qu’on pouvait payer, le seul engrais était le fumier des bêtes. Malheureusement, les paysans, mes oncles, étaient déjà atteins du virus de la modernité: il y avait l’électricité – une lampe dans chaque pièce-,le sol en terre battue qu’avait connu ma mère était maintenant cimenté et le conduit de la grande cheminée avait été obturé pour installer une cuisinière à bois. On n’avait donc plus la sensation tellement agréable d’avoir la poitrine brulante et le dos glacé. Une chaleur régulière dans toute la salle commune, c’était le début de la recherche du confort. Il y avait même un poste de radio, j’ai souvenance « radio Londres –les français parlent aux français »
Il restait qu’on allait faire ses besoins à l’écurie entre les vaches et qu’il y avait le pot de chambre sous le lit. Les enfants étaient nombreux, dans la chambre des parents il y avait deux autres lits- merci l’intimité. Le valet lui avait son lit dans un coin de l’écurie. Le seul point d’eau était la pompe à main qui alimentait également l’abreuvoir des bêtes. Une des taches gratifiantes des enfants était de pomper. J’ai du attendre d’être scolarisé à Lyon pour découvrir la douche (tous les 15 jours l’instituteur nous conduisant aux bains-douches municipaux.).En hiver malgré les chiffons et sacs qui étaient sensés la protéger, la pompe gelait. Si malgré les casseroles d’eau bouillante elle ne consentait pas à reprendre du service, il fallait tirer l’eau du puits. Par -10 °c’était les vêtements gelés, l’onglée, les crevasses. En ces temps idylliques, pour les femmes c’était, une fois par semaine, « jour de lessive », en été passe encore, mais en hiver c’était la lessiveuse hissée sur la cuisinière, l’odeur de lessive dans toute la maison, le linge mis à sécher un peu de partout.
La charrue à deux socs réversible avait remplacé celle à un soc, plus tard il y eu le brabant. Qui regrettera les longues journées solitaires à tracer des sillons les mains rivées aux manches ? La moisson, ce n’était déjà plus les alignés de faucheurs de la jeunesse de ma mère, les faucheuses mécaniques et même les moissonneuses tirées par des bœufs étaient arrivées. Il restait que toutes les manutentions se faisaient à la fourche et les sacs chargés à dos d’hommes. Il y avait heureusement les ceintures de flanelle.
La dernière fois où je suis allé dans la ferme de mes ancêtres, une pompe électrique remplaçait la pompe à main et j’ai même vu un lave linge électrique, un réfrigérateur et un tracteur dans la cour ! Le lavoir au bord de la rivière avait disparu. Le temps des joyeuses lavandières percluses de rhumatismes et les mains couperosées est bien fini.
Il est vrai qu’on marchait beaucoup. Pour aller à l’école sa gamelle à la main, 40 mn, le matin, l’hiver de nuit ce n’était pas la joie par contre les retours en bande, les garçons attendant les filles m’ont laissé de très bons souvenirs.
En guise de conclusion : Pas de passéisme, l’homo sapiens a toujours cherché à améliorer ses conditions de vie, c’est même peut-être ce qui le différencie fondamentalement des autres espèces. Le problème actuel est que nous sommes passés de l’utile au superflu, qu’un système pervers pousse à s’endetter pour acheter toujours plus et que 9 milliards de pauvres veulent consommer autant que les 800 millions de riches dont nous sommes. Certains prennent le risque de mourir pour cela.
Raymond Bodard
A José,
Oui, vous avez raison, mais il faut aussi préciser que la phrase » Notre mode de vie n’est pas négociable » a deux acceptations, non pas contradictoires (elles se produiront l’une et l’autre) mais néanmoins bien différentes.
– Il n’est pas négociable car nous n’envisageons pas sérieusement d’en changer
– Il n’est pas négociable au sens où effectivement la nature ne négociera pas et nous le retirera malgré tous nos désirs, nos cris, nos protestations et notre incompréhension.
@Didier
Comment? Mal
La réversibilité n’était pas prévue au programme (l’option n’étant pas « bankable »).
Le « jouissez sans entraves » des soixante-huit »tares » a collé parfaitement avec une société qui nous vend une fausse liberté sans responsabilité. Mais ne nous inquiétons pas pour nous-mêmes: il reste assez de ressources à essorer pour finir correctement nos jours; parce que je suis prêt à parier que la dégradation est loin d’être terminée, n’oublions pas que malgré les protestations de principe, pour la plupart d’entre nous « notre mode de vie n’est pas négociable ».
Compte tenu de la prochaine déplétion pétrolière, et de manière générale de la confrontation de l’Homme aux limites de la planète, ce retour aux conditions de vie passées relève du probable, même si le monde politique et la majorité d’entre nous ont bien du mal à le concevoir. Mais cela ne se fera pas sans heurt, il n’y a pas symétrie des trajectoires. Il était socialement et psychologiquement beaucoup plus facile de faire le chemin dans le sens où nous l’avons fait que de le parcourir dans le sens où nous allons devoir le parcourir. Le retour en arrière est délicat et la Terre sera moins riche de ressources qu’elle ne l’était. Il y a d’ailleurs bien des rivières dans lesquelles nous n’aurions plus envie de laver notre linge… même en été. Il le faudra bien pourtant. Comment viderons-nous les immenses ensembles urbains que nous avons laissé grandir ? Comment apprendrons-nous ces gestes aux générations futures quand nous mêmes les aurons oubliés ? Comment accepterons-nous d’avoir moins après avoir vécu tant de décennies où la perspective était inverse ?
Bonjour Raymond
Ce que tu décris du passé sera sans doute demain les conditions d’existence de beaucoup, sauf qu’on ne saura pas où mettre les citadins sans emploi… ce qui veut dire beaucoup de tensions sociales, si ce n’est pire.
Le problème de notre avenir n’est pas simplement un problème de consumérisme. Il ne suffit pas de « vouloir » améliorer ses conditions de vie, encore faut-il « pouvoir » !
Le manque d’énergie fossile va nous obliger à simplifier « horriblement » nos vies. Adieu lave-linge électrique, moissonneuse-lieuses-batteuses et Internet.
Retour au travail manuel, à la marche, mais aussi à la solidarité et la chaleur familiale.