Un mensuel comme La Décroissance (né en 2004) consacre une partie de ses colonnes à faire le tri entre les « vrais » et les « faux » écologistes,ces derniers étant jugés « écotartuffes ». On bascule d’une posture politique à une posture moralisatrice. La récupération des questions écologiques est un problème crucial car cet opportunisme qui prétend agir « au nom de l’écologie » (écoblanchiment, greenwashing) va à l’encontre de ce qu’il faut faire vraiment. Une des difficultés pour les écologistes décroissants est de ne pas tomber pour autant dans une chasse aux sorcières, comme les rédacteurs en donnent parfois l’impression en prenant le risque d’avoir raison tout seuls. Ceci dit, il y a bien d’autres choses qui importent dans cette revue ; nous lisons leurs publications depuis leur origine et nous leur faisons de la publicité depuis des années, ainsi nos articles en 2005 :
– La décroissance, le journal de la joie de vivre. Ce bimestriel est aussi le journal de Casseurs de pub, il résume tout ce que la Biosphère voudrait que les humains pensent. Dans son numéro de juin-juillet 2005, le grand titre nous engage à « Vivre après le pétrole », avec dessin de la bagnole transformée en poulailler. Il nous indique tout ce qu’il faut savoir sur la marche des décroissants pour supprimer le Grand prix de France de F1. Il fait une biographie du père de la décroissance, le mahatma Gandhi et indique qu’il faut aussi décroître l’armée. Une page entière sur le pic du pétrole (nous y sommes presque), c’est-à-dire le commencement de la fin, et un encadré sur la saloperie que nous n’achèterons pas, ce mois-ci la tondeuse à gazon. A chaque fois un petit reportage sur les éco-citoyens qui pratiquent la simplicité volontaire : on y voit Elke et Pascal vivre sans voiture et sans télé, ce qui donne le temps de s’occuper d’un jardin, mais qui vivent aussi dans le péché parce qu’ils ont un ordinateur et pratiquent la sexualité libre. Ils pensent que faire l’amour avec sa voisine ou son voisin ou les deux à la fois n’a pas de sens moral (ndlr, sauf si on fait trop d’enfants !), mais que prendre la voiture pour aller au boulot, ça, oui ! (14 juillet 2005)
– Casseurs de pub. A la fin de chaque année, on a droit à un numéro spécial du journal « La décroissance » (11 place Croix-Pâquet, 69001 Lyon)* pour galvaniser la résistance contre tous ceux qui tendent à détruire la nature, à conditionner nos idées et à réduire nos vies à celles de simples consommateurs. On trouve en particulier un article « Comment Libération (le journal) se convertit à la publicité » (en février 1982). Fondé en 1973 par le philosophe JP .Sartre pour lutter contre le journalisme couché, ce quotidien se voulait pourtant libre de tous pouvoirs économiques afin de porter un regard critique sur la société. Son manifeste initial avait promis : « Il n’y aura pas de publicité car les annonceurs, en finançant la presse, la dirigent et la censurent. » Moi vivant, disait S.July en 1973, il n’y aura jamais de pub dans Libé. Le même assénait en 1982 que sans publicité Libération eût été incomplet, en retard car de nouvelles valeurs sociales se sont imposées qui croisent celles pour lesquelles la publicité est un moyen prédisposé !!! Ce qui devait arriver arriva, en 2005 ce journal aux idées révolutionnaires est détenu à hauteur de presque 40 % par Edouard de Rothschild, « Libération » est restructuré et des licenciement effectués car la publicité ne couvre pas suffisamment les frais ! (4 janvier 2006)
*NB : la rédaction est aujourd’hui à l’adresse 32 rue Crillon(BP36003) – 694111 Lyon cedex 06
Depuis des années, je fais moi aussi de la pub pour ce journal. Plus d’une fois, après l’avoir lu, je l’ai donné à des amis, à des connaissances. Et j’ai vu et je vois encore les effets qu’il produit. À certains (écotartuffes) qui dans le magasin me demandaient si je connaissais ce journal, il m’est déjà arrivé, en quelque sorte, de leur déconseiller : «je vous préviens, vous risquez alors d’être déçu.» Les mentalités ne sont pas encore disposées à entendre ce discours, notamment présenté sous cette forme. Ce journal percute et c’est notamment pour ça que je l’apprécie. Je dois être un peu maso 🙂
Biosphère écrit : « On bascule d’une posture politique à une posture moralisatrice. »
Déjà, force est de constater que les leçons de morales passent de plus en plus mal de nos jours, comme s’il fallait être un ange pour se permettre de dénoncer ce qui cloche.
Mais pour quelle(s) raison(s) une «posture moralisatrice» serait-elle un problème ? Par exemple, Greta Thunberg n’a t-elle pas elle aussi une posture moralisatrice ? D’où vient cette « honte de prendre l’avion » et qui l’entretient etc. ? Et ici, en quoi le fait de dénoncer l’hypocrisie représente t-il un problème ?
Je dirais que c’est là encore une seule question de forme. Justement, nous avons actuellement une triste affaire (une de plus) qui illustre cela. Là encore merci les NTIC, merci les dits réseaux sociaux . Bref, jusqu’où peut-on aller pour dénoncer l’hypocrisie ?
Le problème est que ce journal véhicule une forme de méchanceté en désignant ainsi à la vindicte une bonne part de tous ceux qui se sont un jour intéressés à l’écologie. Naturellement ce comportement agressif augure bien mal de ce qui se passerait dans une communauté si ces gens avaient du pouvoir. Il en résulte une sorte d’opposition ou en tout cas de dissonance entre des idées qui semblent bonnes et un comportement peu sympathique. De ce fait on est parfois mal à l’aise en lisant ce journal.
Cette «forme de méchanceté» est-elle pour autant de la méchanceté ?
Si oui, n’y a t-il pas pire comme autres formes de méchancetés ? « Hara-Kiri, journal bête et méchant » était-il réellement bête et méchant ? Vaste débat.
Maintenant c’est vrai, «on est parfois mal à l’aise en lisant ce journal.» C’est d’ailleurs ce que je disais, ce journal percute.
Dès lors qu’une attaque est individuelle et vise à déconsidérer une personne vis à vis du plus grand nombre en l’insultant (écotartuffe) j’appelle ça de la méchanceté, ce n’est plus un débat d’idée c’est de l’insulte , cela n’a guère d’intérêt selon moi et déconsidère ceux qui s’y livrent.
Pour avoir trop longtemps négligé les idées de la décroissance, nous risquons d’être tous abonnés demain au « Journal de la Décroissance Subie », qui nous racontera sur tous les médias le quotidien d’un monde en plein effondrement. Ce sera plus passionnant que le suivi quotidien des politiques monétaires ou des indices conjoncturels divers, mais plus douloureux aussi.