Il n’est pas encore venu le jour où le PS deviendra « le premier parti écologiste de France » comme le proclamait pourtant il y a longtemps Laurent Fabius (titre du MONDE du 7 janvier 2003). Le quinquennat (2012-2017) de l’anti-écolo François Hollande en est la meilleure preuve. Ce n’est pas la rodomontade de Benoît Hamon, « Je suis désormais le candidat de l’écologie politique » (LE MONDE du 25 février 2017) qui change véritablement la donne. Voici un bilan du quinquennat Hollande, sachant que les mêmes parlementaires socialistes (en nombre bien moins grand) resteront dans l’hémicycle après 2017.
« François Hollande est devenu président uniquement parce que Dominique Strauss-Kahn a rencontré une femme de ménage dans un hôtel de New York. En 2016, il est encore trop tôt pour tirer un bilan complet de ce quinquennat. Mais le prisme anti-écolo reste prégnant. Le Parti Socialiste français n’a plus aucune idéologie à transmettre, il ne se rappelle pas qu’il a été SFIO, il ne sait plus le langage marxiste de la plus-value. Il a la cohérence doctrinale de la droite, marché, libre-échange, concurrence et compétitivité. C’est la croissance économique qui doit permettre les avancées sociales, l’urgence écologique reste fondamentalement ignorée. Mais pour des raisons de volonté hégémonique, l’objectif socialiste depuis plusieurs années était de ne plus sous-traiter l’écologie aux Verts (EELV aujourd’hui) comme ce fut le cas lors de l’épisode Jospin. On voulait nommer comme ministre de l’écologie un socialiste vrai de vrai, issu du sérail. Ainsi la place du mouvement écolo pouvait-elle être phagocytée au niveau gouvernemental. Cela fut fait depuis les débuts du gouvernement Hollande. Résultat ?
– Nicole Bricq, ministre socialiste de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (mai 2012 – juin 2012). Limogée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault parce qu’elle avait suspendu tous les permis de forages exploratoires d’hydrocarbures au large de la Guyane, ce qui n’a pas plu aux lobbies pétroliers. Ayant obtenu un autre ministère, celui du commerce extérieur, elle ne laissera aucune trace publique de ses sentiments envers le pouvoir. Géraud Guibert a été l’éphémère directeur de cabinet de Nicole Bricq. Il préside un nouveau think tank. Il était interrogé par le journal Libération :
Vous avez été la plume écolo du candidat Hollande. Après un an, on sent un hiatus entre les paroles et les actes…
« (soupir). Je ne dirais pas cela. J’anime une structure transpartisane, « la fabrique écologique », qui essaie de faire avancer les choses sur le fond. Si je commence à faire des commentaires de ce type-là en public… »
Comment expliquer la résistance française à l’écologie ?
« Je suis frappé par le nombre de jeunes, y compris des ingénieurs des Mines ou des Ponts, passionnés par les sujets écolos ,et qui, dix ans plus tard, pris dans la structure administrative, ont des raisonnements d’un classicisme total. Ils finissent par rentrer dans le moule. »
– Delphine Batho, ministre socialiste de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (juin 2012 – juillet 2013). Virée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault parce qu’elle contestait la faiblesse du budget qui avait été attribué à l’écologie. Voici son témoignage de l’intérieur sur les déterminants cachés du gouvernement Hollande.
« Je passe mes premières heures de ministre de l’Ecologie à essayer de démêler l’histoire de forage pétrolier de Shell en Guyane (qui a valu le limogeage de la ministre socialiste de l’écologie Nicole Bricq). Cette affaire est déjà révélatrice de la fébrilité du nouveau pouvoir vis-à-vis des entreprises de la World Company, ainsi que de la vision de Matignon sur tous les dossiers de ce genre. Il ne m’a pas fallu plus de quelques minutes pour comprendre que c’est sur le dossier du gaz de schiste que la pression sera majeure. Pendant le Conseil des ministres, en mars 2013, François Hollande me passe un petit mot : « Evitons de parler du gasoil. » Quelques jours auparavant, la Cour des comptes avait pourtant enjoint au gouvernement de mettre fin à l’avantage fiscal du diesel. Je recevais du patron d’Areva une liste de « lignes rouges à ne pas franchir ». Je sous-estimais, avant d’occuper les fonctions de ministre de l’Ecologie, la vigueur du lobby pétrolier en France… Que Henri Proglio, qui préside EDF, défende son point de vue est une chose, qu’il gagne presque tous les arbitrages en est une autre. Ce que je refusais, il l’obtenait du Premier ministre directement… Les lobbies industriels sont forts et puissants. Mais ils sont surtout forts de la faiblesse des gouvernants en face d’eux.
Sur RTL, j’affirme sciemment le 2 juillet 2013 au matin que le budget du ministère de l’écologie était « mauvais”, car en baisse de 7 %. Faire de mon budget la plus forte coupe budgétaire de toute la loi de finances 2014 est lourd de sens politique. Quelques minutes plus tard, je reçois un SMS de Jean-Marc Ayrault :« Tes déclarations sur ton budget sont inadmissibles, je te demande de rectifier. » Lorsque je fais valoir au Premier ministre que la transition énergétique ne peut se faire sans argent, il m’explique en gros que je devais me contenter des apparences. Au téléphone, le président de la République, François Hollande : « S’il y a un problème, c’est à moi qu’il fallait en parler. C’est moi qui ai été élu le 6 mai, me dit-il en accentuant le « moi ». » A 18h08, le communiqué de la présidence de la République tombe à l’AFP : « Sur proposition du Premier ministre, le président de la République a mis fin aux fonctions de Madame Delphine BATHO… »
De longue date je suis convaincue qu’il ne peut pas y avoir de sortie de crise sans changement de modèle et que c’est autour des enjeux écologiques que cette mutation doit s’organiser. Là est le cœur de mon désaccord avec le président de la République : la crise n’est pas conjoncturelle, elle est structurelle. Elle s’explique notamment par la crise énergétique et la raréfaction des ressources à l’échelle mondiale. L’importance que sont, aux côtés des facteurs de production travail et capital, l’énergie et les ressources est trop souvent mésestimée. C’est autour d’un nouveau projet de civilisation écologique qu’il est possible d’ouvrir un nouveau cycle économie et de justice sociale. C’est en faisant de l’écologie un pivot central de notre rapport au futur qu’il est possible d’embrasser toutes les dimensions du travail programmatique à engager. Je suis sûre que les Français ont soif d’avenir, d’une vision à contre-courant de la dictature du court terme et de la gestion qui ne mène nulle part. Le moment est venu de construire un nouvel idéal autour des politiques de long terme. » [Delphine Batho, Insoumise (Editions Grasset, 2014)]
Notons que Sylvie Hubac, la femme du président du directoire de Vallourec – leader mondial des tubes sans soudure utilisés pour les techniques de forage en conditions extrêmes, ce qui est le cas pour l’exploitation des huiles et gaz de schiste, était la directrice de cabinet de François Hollande. A peine nommée ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie en avril 2014, Ségolène Royal prône une écologie « positive », ou plutôt le refus d’une « écologie punitive ». Elle suspend « sine die » le dispositif de l’écotaxe sur les poids lourds, simples prémices d’une véritable taxe carbone et. L’abandon de cette taxe coûtera très cher aux contribuables… Elle décide à propos des loups de prendre en considération « La détresse des éleveurs et de leurs familles » et facilite les tirs contre ces animaux protégés… Elle annonce qu’il n’y aura pas de hausse des tarifs d’EDF le 1er août : « J’efface la hausse de 5 % »… Est-ce là vraiment de l’écologie ? En se déclarant, fin février 2016, « prête à donner le feu vert » à la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, Ségolène a donné quitus au président d’EDF qui prévoit d’investir plus de 50 milliards d’euros dans la modernisation du parc nucléaire, avec la ferme intention de maintenir en activité 56 de ses 58 réacteurs. La Cour des comptes avait pourtant estimé que le cap de 50 % d’électricité d’origine nucléaire doit mener à la fermeture de « 17 à 20 réacteurs ».
Voici d’autres témoignages à charge, d’abord celui de Cécile Duflot qui a été ministre du logement au nom de l’alliance (temporaire) PS/EELV.
« François Hollande n’a jamais été écologiste. L’écologie ne fait pas vraiment partie de son périmètre intellectuel. Les préoccupations des écosystèmes, de la biodiversité, du dérèglement climatique, lui sont étrangères. En productiviste classique, il est nourri par l’idée que seule la croissance vaut… Il est incapable de penser un modèle redistributif sans croissance… Quant à la loi de transition énergétique, elle stagne depuis des mois. François Hollande dit que c’est compliqué. Il dit toujours que « c’est compliqué »… François Hollande veut ménager tout le monde. Or, sur l’écologie, cela n’est pas possible. Sauf à ménager de fait toujours les mêmes lobbies, puissants, dont les intérêts sont précisément contraires à ceux de la défense de l’environnement… » [Cécile Duflot, De l’intérieur – Voyage au pays de la désillusion (Fayard 2014)]
Dans son livre, l’ex-secrétaire national à la commission environnement du PS Géraud Guibert avait déjà fait preuve d’un pessimisme lucide qui nous permet de comprendre l’immobilisme du gouvernement Hollande en matière écologique.
« D’un côté le parti socialiste donne la priorité à une croissance la plus forte possible, de l’autre on fait de grands discours sur la protection de la planète. Les dirigeants socialistes adorent les questions fiscales, mais la fiscalité écologique est traitée à part, ou en bas de page… Lors du congrès de Reims de 2008, la difficulté du parti socialiste à débattre collectivement et à définir précisément l’évolution nécessaire de ses orientations de fond s’est cruellement manifestée (ndlr : la motion de Géraud Guibert, « pour un parti socialiste résolument écologique » n’a obtenu que 2,6 % des voix)… Le Congrès se résumait à un combat de personnes, sans d’ailleurs parvenir à trancher la question lancinante du leadership… Les socialistes ont longtemps considéré, et certains le pensent toujours, que parler d’écologie ne peut que leur nuire, car cela ne correspondrait pas à leur identité propre… En matière d’écologie, privilégier la mise en scène pour masquer l’absence d’une vraie politique est devenue pratique courante… Faut-il, comme toujours, attendre une catastrophe écologique pour que les choix soient mis sur la table, discutés et tranchés ? »[Géraud Guibert, Tous écolos… et alors (Lignes de repère, 2010)]
La France est aujourd’hui le pays européen le plus en retard sur ses objectifs d’énergie renouvelable. Sur le dossier emblématique de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la ligne du gouvernement apparaît encore plus floue entre le premier ministre, partisan de commencer les travaux au plus vite, la ministre de l’environnement, qui a demandé des expertises supplémentaires, et le chef de l’Etat, qui a proposé un référendum local. L’épisode des boues rouges en Méditerranée a aussi illustré les contradictions internes au gouvernement : le rejet des effluents toxiques peut continuer. Début 2016 la toute nouvelle secrétaire d’Etat à la biodiversité, l’ex EELV Barbara Pompili, s’est crue obligée de défendre un amendement gouvernemental mettant en pièces le principe du pollueur-payeur. A lire l’exposé des motifs de l’amendement, le but de l’exécutif était clair : éviter, est-il écrit, « un risque juridique excessif » pour les milieux économiques. Un quasi copié-collé de la position du Medef, qui lors de l’examen au Sénat disait craindre « des risques juridiques pour les entreprises ». Tout est dit, le gouvernement socialiste de François Hollande est à la botte de l’appareil productif.
Extraits de « L’écologie à l’épreuve du pouvoir » de Michel Sourrouille (Sang de la Terre, 2016), à acheter chez son libraire de proximité !
1 réflexion sur “Le PS ne peut pas être un parti écologiste (suite)”
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Bonjour
Les vieux éléphants du vieux PS, et même les éléphanteaux qui y entrent et qui sont rapidement pris au piège de la pensée unique, ont suffisamment de mal comme ça à ressembler à de vrais socialistes.
En tous cas ils ne seront jamais de vrais écolo. Il fallait être bien naïf pour le penser. C’est tout de même malheureux de devoir attendre de voir les couilles pour admettre que c’est un mâle. (passez-moi cette expression grivoise)
Seulement il n’y a pas que le PS qui soit dans cet état écologique. Je vous laisse le soin de balayer l’échiquier politique.