Dans toute proposition de l’écologie politique, nous devrions voir mis en évidence son aspect environnemental. Appliquons cette grille de lecture au Revenu d’existence universel qui a fait l’objet de la motion ponctuelle n° 4 pour le congrès EELV en 2013.
Selon ce texte, ce revenu « se justifie comme un dividende reçu par chacun au nom de la propriété commune de la Terre et de ses biens ». Il s’agit donc d’une conception anthropocentrique et utilitariste. L’espèce humaine est considérée comme « propriétaire » de la Terre et peut donc user et abuser de ses richesses en toute liberté, sans limites préétablies, quitte à diminuer le capital naturel. En tant qu’écologistes, nous savons pourtant que les biens communs connaissent déjà un potentiel fortement dégradé qui nécessite en conséquence une pression moindre sur les ressources. L’expression monétaire de la satisfaction des besoins humains n’est validée que si elle est en adéquation avec les réalités physiques.
Si le REU fait l’impasse sur ce qui existe déjà en France comme revenu attribué sous condition à des catégories de population exclues du marché du travail, il garde cependant la forme d’un revenu monétaire. Or la monnaie nous fait oublier les réalités physiques. La division de l’économie d’Ernst Friedrich Schumacher en trois niveaux est particulièrement utile. L’économie primaire comprend tout ce qui est produit par la Nature (plus précisément sans l’intervention de l’humain), comme par exemple le pétrole, le miel et les minerais. L’économie secondaire contient toutes les activités d’extraction et de transformation réalisées par l’être humain à partir des produits de l’économie primaire. Elle correspond donc aux secteurs primaires, secondaires et en partie tertiaire dans la nomenclature classique. Pour Schumacher, l’économie tertiaire correspond à la finance, c’est-à-dire toutes les opérations économiques qui ne concernent que l’argent. Le fait que les acteurs de cette économie tertiaire ignorent l’existence de l’économie primaire dans leurs raisonnements conduit des Etats à accumuler des montagnes de dette. Le REU sera une charge supplémentaire pour les travailleurs, ce qui est difficilement acceptable alors que les prélèvements obligatoires en France atteignent déjà des sommets et que les largesses sociales se font aussi en empruntant. Il y a déficit de la sécurité sociale, la générosité se fait déjà à crédit. Le REU ne fera qu’ajouter une strate supplémentaire à cette monétarisation non gagée par les réalités physiques. Nous avons perdu le sens des limites par une trop grande vénération de l’abstraction monétaire.
De plus cette notion de revenu « universel » fait l’impasse sur qui doit bénéficier de cette « propriété commune de la Terre ». S’il s’agit, comme le texte l’indique, de la population en France, en Europe et en Suisse, il faut souligner qu’il s’agit de garantir un pouvoir d’achat à une fraction seulement de la population mondiale. Le REU n’est qu’une simple résurgence des utopies de l’abondance par la profusion des biens… pour l’égoïsme de certains qui se croient souverains dans leur île. Triste déviance de l’idée de « propriété commune », il ne s’agit nullement en effet de mettre en place le REU pour « toute citoyenne et pour tout citoyen » comme l’affirme en conclusion cette motion. Remarquons que si ce revenu était donné à tous les membres de la communauté mondiale, cela ne ferait sans doute que quelques euros par mois pour chaque Français, une somme dérisoire par rapport aux besoins du Français moyen. Le terme « universel » est donc un trompe l’œil et correspond à une conception à la fois individualiste et étatisée de la solidarité humaine… limitée à quelques humains.
Analysons maintenant les modalités de cette mesure, un revenu universel et « inconditionnel ». Nous avons déjà montré pourquoi on ne pouvait pas considérer ce revenu comme « universel » puisque non dédié à la population mondiale. Le REU veut aussi ignorer ce qui est déjà son équivalent « inconditionnel », le revenu de solidarité active (RSA), qui est destiné à assurer un minimum d’au moins 493 euros mensuel aux personnes sans ressource ou disposant de faibles ressources. Il est vrai que la motion pose une définition très large des bénéficiaires du REU, « sans contrôle de ressources ni exigence de contre-partie » ; on s’éloigne de la notion de solidarité active. Il permettrait en effet à un éternel oisif de « vivre une vie décente » sans jamais rien donner en échange. C’est là une conception vraiment bizarre de la vie communautaire et de la solidarité humaine. En termes anthropologiques, un don ne peut se concevoir sans un contre-don. C’est la triple obligation de donner-recevoir-rendre qui autorise, en créent un état de dépendance, la recréation permanente du lien social. Ce revenu distribué sans aucun obligation en retour sera sans doute considéré par la population comme un vol manifeste à l’heure où les charges sociales deviennent insupportables pour beaucoup de contribuables. Il y aura une image des écologistes en politique encore plus mauvaise et nous n’avons certes pas besoin de cela à EELV.
Cette motion n’aborde pas non plus le niveau acceptable des besoins humains, chacun pourra dépenser à sa guise ce REU. La motion indique seulement que ce revenu doit « permettre d’assurer un niveau de vie décent », qu’on soit chômeur, sans activité particulière ou même salarié (puisque ce revenu est considéré comme cumulable). Le problème, c’est que la notion de « vie décente » est un concept flou. Par exemple faut-il avoir un revenu suffisant pour s’acheter et entretenir une voiture, objet jugé souvent comme indispensable. Faut-il avoir aussi un portable, une carte bancaire, un ordinateur personnel et un lave vaisselle ? Notons que la définition actuelle de « seuil de pauvreté » est une notion relative au niveau général des revenus dans une société donnée. En d’autres termes, celui qui gagne le revenu social d’autonomie (RSA) en France peut être considéré comme très riche dans un autre pays. Préciser le montant de ce REU sera donc un exercice encore plus compliqué et électoralement risqué que celui du salaire minimum.
Prenons pour terminer un dernier passage du texte de la motion, un revenu reçu du « fruit en partage des progrès techniques ». Ce sont les énergies fossiles qui contribuent au financement des avancées sociales en permettant à la fois l’explosion technologique et la profusion d’esclaves énergétiques Le pic pétrolier est là, la descente énergétique se précise, c’est la fin de l’abondance par les machines. Une motion sur le REU participe d’une idéologie de l’illimité qui oublie que la fin du pétrole marquera irrémédiablement l’arrêt de la distribution de cadeaux sociaux.
Une telle motion dans un parti qui se dit écologiste semble donc à la fois irréaliste et incompréhensible. Un parti écologiste est normalement garant du long terme. Or les contraintes financières, sociales et écologiques vont devenir encore plus brutales que ce qu’elles sont actuellement. Dans une situation prochaine où l’Etat central ne pourra plus assumer toutes ses charges, il faut envisager un retour aux solidarités de proximité qui ont été pour la plupart supprimées par un Etat à la fois productiviste et dépensier. Cela ne veut pas dire que l’intervention régulatrice de l’Etat disparaîtra. Par exemple il y a de fortes chances qu’en situation (prévisible) de pénurie énergétique, nous soyons tous un jour détenteurs d’une carte carbone ; un système de rationnement est le système le plus juste et équitable qui soit. L’instauration d’un système de quotas énergétique serait véritablement une bien meilleure proposition de motion écologique que celle du « revenu universel et inconditionnel ».
(j’ai lu en travers, m’enfin j’ai appris que le rsa était a 493 euros (LOL), et par consequent, j’peux me permettre de vous traiter de poneys. voila. (j’ai pas envie, désolée, de faire plus construit) mais j’aurais envie de vous conseiller d’y aller au RSA avant de critiquer l’idée d’un revenu décent inconditionnel.(oui, voila)
Mais, sinon, franchement, pensez y réellement, aux bénéfices que pourrez avoir un Revenu de base (en tant que « verts » cela pourrait etre bon)