Philippe Descola : « Les grandes pandémies sont des zoonoses, des maladies qui se propagent d’espèce en espèce et dont la diffusion est donc en grande partie dépendante des bouleversements écologiques ; la dégradation et le rétrécissement sans précédent des milieux peu anthropisés du fait de leur exploitation par l’élevage extensif, l’agriculture industrielle, la colonisation interne et l’extraction de minerais et d’énergies fossiles. Cette situation a eu pour effet que des espèces sauvages réservoirs de pathogènes se sont trouvées en contact beaucoup plus intense avec des humains vivant dans des habitats beaucoup plus denses… Le capitalisme se propager comme une épidémie, sauf qu’il ne tue pas directement ceux qui le pratiquent, mais les conditions de vie à long terme de tous les habitants de la Terre. Nous sommes devenus des virus pour la planète. Un virus est un parasite qui se réplique aux dépens de son hôte, parfois jusqu’à le tuer. C’est ce que le capitalisme fait avec la Terre depuis les débuts de la révolution industrielle, pendant longtemps sans le savoir. Maintenant, nous le savons, mais nous semblons avoir peur du remède, que nous connaissons aussi, à savoir un bouleversement de nos modes de vie. L’idée que les humains vivent dans un monde séparé de celui des non-humains nous a fait oublier que la chaîne de la vie est formée de maillons interdépendants. Le « nous » n’a guère de sens si l’on songe que le microbiote de chacun d’entre « nous » est composé de milliers de milliards d’« eux », ou que le CO2 que j’émets aujourd’hui affectera encore le climat dans mille ans. Les virus, les micro-organismes, les espèces animales et végétales que nous avons modifiées au fil des millénaires sont nos commensaux dans le banquet parfois tragique de la vie. Il est absurde de penser que l’on pourrait en prendre congé pour vivre dans une bulle… Dans plusieurs pays des petits collectifs ont fait sécession par rapport au mouvement continu d’appropriation de la nature et des biens communs qui caractérise la croissance économique depuis la fin du XVIe siècle. Ils mettent l’accent sur l’identification à un milieu et l’équilibre des rythmes de la vie plutôt que sur la compétition, l’appropriation privée et l’exploitation maximale de la Terre… On peut appeler ça un tournant anthropologique,devenue moins anthropocentrique. L’un des moyens pour ce faire fut d’introduire les non-humains comme des acteurs de plein droit… Que serait-il important de changer rapidement ? En vrac : développement des conventions citoyennes tirées au sort ; impôt écologique universel proportionnel à l’empreinte carbone ; taxation des coûts écologiques de production et de transport des biens et services ; développement de l’attribution de la personnalité juridique à des milieux de vie, etc. »*
Quelques commentaires sur lemonde.fr :
Precis : Saturne, Venus, et la Terre échangent autour d’un verre sur leurs maux. Venus : « Il fait tellement chaud chez moi que j’ai un mal de tête épouvantable. » Saturne : « Moi avec tous ces anneaux qui tournent sans cesse autour de moi, j’ai un tournis insupportable. » Et puis la Terre s’exprime : « Moi, j’ai un petit virus humain qui m’exaspère, mais je suis tranquille, je vais bientôt m’en débarrasser… »
J.Dupond1 : L’homme un virus ? Chouette, les écologistes profonds ont trouvé leur idéologue pour justifier de prochaines tueries de masse. Les terroristes islamistes pourraient même s’y raccrocher car, après tout, ce système ce sont plutôt ces infidèles d’occidentaux qui en sont responsables.
le sceptique : Descola ne va pas au bout de sa logique, « la nature » n’est qu’un mode d’auto-transformation. La construction des artefacts n’est ni plus ni moins « naturelle » que la construction des tissus et organes, la vie est un programme de captation de ressources pour s’autorépliquer. Si le capitalisme est un « virus », alors il est une émergence de la vie dont il a parfaitement compris la logique, d’où son grand succès ! Les cultures aussi co-évoluent, en compétition, coopération, hybridation. Difficile alors de dire qu’un état (passé, présent ou futur) de « la nature » serait une référence de quoi que ce soit.
Bernard l. @ le sceptique : Vous n’êtes pas sceptique, vous êtes désespéré. Et, oserais-je ajouter, désespérant. La vie évolue par essais successifs, au hasard. Des résultats de ces essais, le chemin parcouru. Mais l’homme, bien que partie intégrante de ce cheminement, à ceci de différent, qu’il est capable de comprendre ce fonctionnement et d’anticiper les conséquences de ses actions. Donc non, il ne me semble pas que ses choix soient à mettre au même niveau que les évolutions des autres composantes de la nature. On a le choix de notre futur, encore ne faut-il pas le sacrifier à notre présent.
le sceptique @ Bernard : je lis dans votre réponse le reflet de votre propre désespoir. Il n’y a rien de désespéré ni désespérant à observer l’incroyable trajectoire de la vie, la puissance du devenir qui se déploie et l’insignifiance quasi-complète du présent d’un Terrien dans ce processus. Je ne crois pas que la conscience humaine a tant de prise que cela, en fait nous bricolons comme le reste du vivant. Par ailleurs, si l’environnement émerge comme question au sein du capitalisme, assez vite finalement à échelle du temps historique, cela fait partie de l’auto-ajustement, non ?
Philippe Marrel : Sauf qu’il faut tenir compte des échelles temporelles! C’est sûr, à l’échelle de la biosphère, en centaines de millions d’années, le problème humain sera réglé et oublié, au catalogue des essais et erreurs de l’évolution. Une grande extinction parmi d’autres. Mais en tant qu’êtres vivants d’un temps bien plus bref, nous n’avons pas la possibilité de compter sur les auto-corrections, et nous devons donc nous référer à un schéma de principe, forcément simplificateur, forcément idéalisé, pour guider notre route. Du moins ce qui reste en notre pouvoir comme décision.
A. LE COMTE : Il y a une cinquantaine d’années, on me riait au nez quand je défendais les idées de René Dumont !! On voit où on en est maintenant !
Supergudule : Pour rappel la population mondiale de 1950 à 2017 est passée de 2 milliards à 7 milliards d’humains. c’est bien ? c’est mal ? c’est à cause du capitalisme ? Pensez vous que cela permet d’envisager cette coexistence sereine avec la nature ?? Sérieusement ???
Sybill : C’est le bon moment pour revisiter les écrits et la pensée de Nicolas Georgescu-Rogen : « Le processus économique n’est qu’une extension de l’évolution biologique et, par conséquent, les problèmes les plus importants de l’économie doivent être envisagés sous cet angle ». Tant que les dommages écologiques ne seront pris en compte que comme des externalités négatives, sorte de dommages collatéraux qu’il suffirait d’internaliser dans les coûts (principe pollueur-payeur), les choses ne changeront pas significativement…
Bonjour Michel C,
Le problème du «capitalisme» est votre spécialité, votre dada, votre passe-temps, si ce n’est votre obsession, votre «combat». Pas grave non plus, après tout chacun son truc.
Philippe Descola voit une cause à l’apparition de ces «virus». Et il lui met un nom. Le Capitalisme, sans voir que le capitalisme est juste un mode d’organisation pour maximiser la dissipation d’énergie, soit maximiser la production et la consommation. Cette organisation optimale pour servir son dessein agit de concert avec la démographie, qui le même dessein invisible. Nous somme une espèce colonisatrice.
Distinguer la consommation de la population, dit Ehrlich, c’est comme prétendre que la surface d’un rectangle dépend davantage de sa longueur que de sa largeur.
Autrement dit, consommation et population sont les deux faces d’une même pièce. Démographie responsable dit elle autre chose ?
Pourquoi vouloir faire croire qu’alerter sur la démographie, c’est forcément oublier les effets délétères de l’organisation destructrice de cette même masse de gens ? Je ne vois pas où cela veut en venir, sauf à vouloir considérer la reproduction comme sacrée et à redouter toute forme de régulation. Pour moi ce n’est pas un problème, c’est un choix discutable, toutefois j’estime que la lucidité et l’honnêteté sont des qualités à préserver.
Bonjour Florian.
Si je fais une fixation sur quelque chose ce n’est pas spécialement sur le capitalisme, c’est plutôt sur la boulimie de certains. Dont nous, les habitants des pays dits développés, riches et modernes. En terme d’énergie le Français Moyen s’offre le luxe de l’équivalent de 500 esclaves 24h/24 ! Comparer les empreintes écologiques des uns et des autres sur cette planète.
Ceci dit je vous rassure, il y a longtemps que je sais que l’impact de notre espèce est directement lié à notre nombre, c’est juste mathématique. Toutefois, mieux vaut ne pas perdre de vue que comme son nom l’indique, le capitalisme ne vise que l’accumulation de capital, toujours plus.
Maintenant, le capitalisme est-il le mode d’organisation (le système) qui convienne le mieux à la nature humaine ? Comme je ne sais pas ce qu’est cette chose, la «nature humaine», je ne peux pas répondre à cette question. En attendant, je reste donc focalisé sur l’hubris, que je vois dans tous les domaines. Après tout chacun son truc.
Virus, parasite ou cancer, toutes ses métaphores pour qualifier l’espèce humaine sont bonnes. Les biologistes caractérisent le genre humain comme une espèce colonisatrice : elle croit jusqu’à envahir entièrement son environnement. Un simple regard jeté en arrière sur le destin de notre espèce le confirme aisément : en un siècle, le chiffre de la population humaine a été multiplié par quatre et nous croissons aujourd’hui à raison de 77 millions d’êtres humains supplémentaires par an. Un fois son environnement entièrement envahi, une espèce colonisatrice l’épuise peu à peu. Les limites d’un comportement colonisateur vont donc de soi : une fois l’ensemble des habitats possibles colonisés puis détruits, c’est l’extinction de l’espèce invasive qui menace.
L’image de l’espèce humaine invasive telle un cancer qui étend ses métastases sur toute la planète Terre est critiquée par certains qui mettent de « l’humanisme » là où il n’y a qu’anthropocentrisme.
Virus, cancer… on peut multiplier les images, toutes tournent autour de la même idée : l’homme est devenu un facteur de déséquilibre de la biosphère et vit au dépend des ressources de son hôte sans rien lui apporter, la situation n’est pas durable.
Il est hélas dommage que le long article de Philippe Descola ne fasse pas allusion à la démographie. Il est en cela très caractéristique de la littérature écologique, il dit à peu près la même chose que ce que tout les écologistes disent et il oublie le principal : l’homme est de 1 000 à 2 000 fois plus nombreux que ne le prévoient les règles de la nature pour un animal prédateur de cette taille. Comment à ce point peut-on être sourd à l’essentiel ? Comment se désoler de la disparition des animaux sans voir que tout simplement nous prenons leur place ?
Le tabou démographique est lui aussi un sacré virus dans l’esprit de bien des écologistes.
Bonjour Didier Barthès.
Je comprends que vous soyez contrarié lorsqu’on oublie de parler du problème démographique. Pas grave, un oubli reste un oubli. Et je comprends que vous le soyez encore plus lorsqu’on refuse de le mette pas à «juste» place, de le considérer comme le Problème N°1. Le problème du «surnombre» est votre spécialité, votre dada, votre passe-temps, si ce n’est votre obsession, votre «combat». Pas grave non plus, après tout chacun son truc. Pour moi ce n’est donc pas un problème, toutefois j’estime que la lucidité et l’honnêteté sont des qualités à préserver.
Lorsque je lis «Nous sommes devenus des virus pour la planète», je n’ai pas besoin de lire le mot «démographie» pour comprendre que Ph-Descola ne se fait aucune illusion sur la durabilité de l’impact écologique de notre espèce.
Cependant Ph-Descola voit une cause à l’apparition de ces «virus». Et il lui met un nom. Le Capitalisme serait-il un sujet tabou chez Démographie Responsable ?
D’autre part vous dites : « le principal : l’homme est de 1 000 à 2 000 fois plus nombreux que ne le prévoient les règles de la nature pour un animal prédateur de cette taille.»
Je suis juste curieux de savoir d’où sortent ces savants calculs.
Le capitalisme n’est pas un sujet tabou pour Démographie Responsable, ce n’est tout simplement pas l’objet de l’association de parler de ça. Quant à moi je suis bien convaincu que, quel que soit le mode d’organisation de la société communiste ou capitaliste à 8 milliards nous ferions les même dégâts, voilà pourquoi je ne me crispe pas sur cette affaire d’organisation, je pense que le quantitatif est plus déterminant.
Les savant calculs (allez, passons sur l’ironie) proviennent tout simplement de l’estimation des effectifs de l’humanité avant le néolithique c’est à dire avant que les hommes ne se mettent à organiser les territoires à leur profit et à passer du stade de prédateurs au stade de producteur, nous étions alors entre 5 et 10 millions, soit 1 000 à 2000 fois moins qu’aujourd’hui. Ce chiffre est également celui que l’on attribue aux grands prédateurs comme le lion avant que notre espèce ne le réduise à presque rien. Donc vous voyez cette estimation à des origines. Oui nous sommes 1000 à 2000 fois plus nombreux que ce que la nature permet pour un prédateur de notre taille.
Vous critiquez souvent les positions des autres, mais vos préconisations sont bien absentes. Il est aussi facile d’insister sur les obsessions de tel ou tel, mais je ne vois pour ma part aucun inconvénient à parler de ce qui nous semble essentiel, sans obsession sur un sujet on ne fait rien, jamais.
Merci pour vos réponses à mes deux questions. Permettez-moi toutefois de penser que le quantitatif n’est pas plus déterminant que le reste. Depuis le temps, vous devriez savoir que mes préconisations se limitent à essayer de sauver ce qui fait notre humanité. Pour cela je «prêche» notamment pour l’éducation (l’enseignement) dès le plus jeune âge, et tout le long de la vie (éducation populaire) de ce qui représente justement l’Essentiel. N’est-ce pas ce que vous préconisez vous aussi lorsque vous misez sur l’éducation, notamment des jeunes filles, afin de combattre le problème démographique ?
C’est trop tard pour miser sur l’éducation, en effet, le temps de bâtir une école les pontes se sont démultipliées en parallèle…. La croissance démographique est beaucoup plus rapide que la croissance d’écoles….
Lorsqu’en Europe on a misé sur l’éducation des femmes, la croissance démographique avait déjà ralentie et plus particulièrement en France… Par ailleurs, jamais en Europe on a eu un taux de fécondité de 6 à 8 enfants en moyenne par femme….
Et qui voulez vous envoyer enseigner en Afrique ? Nos bras cassés et nos vieux en Ephad ? On n’a pas assez d’effectif en Europe…. Quant aux migrants qu’on a formé chez nous, ils ne veulent pas rentrer au pays pour aider les leurs, ils préfèrent garder le Q au chaud en attendant les allocs… Notamment pour se faire subventionner pour pondre… et reproduire le même modèle qui les a couler dans leur pays, bref la surpopulation…