La vie culturelle semble se dérouler en dehors de la réalité environnementale. Rentrée littéraire après rentrée littéraire, l’écologie est absente des centaines de nouveaux romans publiés et des préoccupations des écrivains. Les philosophes le plus médiatisés traitent de sujets sociétaux et relèguent l’écologie au dernier rang. En art contemporain, les artistes les plus plébiscités ne s’inscrivent pas dans une démarche écologique. Rares sont les films, en dehors des documentaires, qui intègrent l’écologie comme thématique. Les séries télévisées sont encore plus loin du sujet. La chanson française est peu inspirée par les changements du climat et des écosystèmes. La mode qui permet la vacuité des comportements reste bien loin des enjeux environnementaux. C’est d’autant plus dommage que l’évolution vers des modes de vie plus durables est avant tout de nature culturelle ; et que les représentations évoluent plus vite par le prisme de l’art. L’écologie ne semble pas inspirer les artistes. Pas encore, mais ça commence affirmait Alice Audouin dans son livre « L’écologie c’est fini » (Eyrolles 2013).
Il est vrai que pour Alice, c’est surtout le développement durable qui constitue la culture mobilisatrice par excellence, ce qui déconsidère l’écologie : « Ne regrettons pas cette écologie politique qui ghettoïse l’écologie au travers d’une définition stricte. Il ne s’agit pas de dénigrer la valeur de la nature « en soi », mais de comprendre que, pour réussir à la préserver, l’être humain doit y trouver un avantage personnel. » L’auteur défend une position anthropocentriste, dans laquelle il s’agit de préserver la nature « pour soi » et pas uniquement « en soi ». Il est vrai qu’Alice est avant tout une spécialiste du développement durable dont elle a fait son métier. Ce qui ne l’empêche pas de montrer l’importance de notre rapport à la nature : « Depuis l’existence du sapiens sapiens (nous) l’action de l’homme n’avait jamais influencé des ensembles aussi globaux que le climat, il s’agit donc d’une ère nouvelle dans l’histoire de l’Humanité ; l’homme peut détruire l’environnement sans le vouloir et sans le savoir. » On sent chez Alice cette opposition profonde entre écologie punitive et écologie joyeuse: « Les porte-parole de l’écologie se doivent d’incarner une image positive dans un contexte où la charge anxiogène et culpabilisante est déjà dans l’idée que nous détruisons la nature. »
La société de consommation de spectacles qui est la nôtre se garde d’inquiéter la population à l’heure où, au contraire, on devrait être angoissé des périls en cours, épuisement des ressources fossiles et des métaux, réchauffement climatique, océans surpếchés et pollués, etc. Les artistes qui vivent de l’air contemporain préfèrent amuser ou épater la galerie plutôt que d’aborder les véritables problèmes de fond, anxiogènes. Le changement qui a le plus d’importance aujourd’hui réside dans la continuité même du spectacle. Mac Luhan parlait dans les années 1960 de « village planétaire », si instamment accessible à tous sans fatigue. Mais les villages ont toujours été dominés par le conformisme, l’isolement, les ragots toujours répétés. La pollution des océans et la destruction des forêts équatoriales menacent le renouvellement de l’oxygène de la Terre. Le spectacle conclut que c’est sans importance. Nous nous réveillerons seulement quand les soubresauts de la planète menaceront de nous ensevelir. A ce moment-là l’art et la culture seront remplacés par des stages de survie et/ou de jardinage.