L’écologie ou la guerre, entretien avec Paccalet

Yves Paccalet est l’auteur d’un livre que nous trouvons délicieux, « L’Humanité disparaîtra, bon débarras ! ». Il est bon de pouvoir encore siffloter quand on approche de la guillotine. Un petit livre d’entretiens vient de paraître : « Partageons ! (l’utopie ou la guerre). Nous sommes plus circonspect. Voici notre commentaire de quelques extraits :

– « L’humanité n’avance qu’à coups de pied dans le derrière. Or la nature nous en donnera de rudes au XXIe siècle ! » (…) « Nous n’acceptons d’évoluer qu’à force de catastrophes ».

Nous ne pouvons qu’approuver globalement… mais si la catastrophe nous sert de pédagogie, c’est uniquement parce que la pédagogie de la catastrophe n’a pas pu convaincre. Dans une famille efficace, pas besoin de gifles et de coups pour expliquer à l’enfant ce qu’il faut comprendre et ce qu’il faut éviter, les paroles suffisent.

– « J’ai soutenu et je soutiens encore que l’écologie aurait dû ou devrait aller polluer tous les partis… Mais elle n’a nul besoin de candidat à l’élection présidentielle… Mieux vaut pour Europe-Ecologie, obtenir du parti socialiste un groupe d’élus Verts au parlement. »

Il apparaît que tous les partis sans exception se veulent dorénavant écologistes. Ils font comme les entreprises, du greenwashing et le pôle écologique au sein du PS n’a pu obtenir au congrès de 2008 que 1,58 % des voix. Dans ce contexte, l’écologie en tant que telle se doit d’avoir un représentant aux présidentielles. Il est vain d’attendre de la bonté d’un parti socialiste qui ne connaît que les rapports de force et le verdict des urnes un groupe parlementaire pour l’écologie politique. Si le PS avait voulu vraiment un pacte de gouvernement, il aurait négocié sérieusement avec les Verts bien avant le premier tour de la présidentielle. Pour déterminer le nombre respectif de députés, il aurait ouvert les primaires socialistes à toute la gauche. Comme l’écrit Yves Paccalet lui-même, « On nous (les écologistes) invite, on nous passe de la pommade, on fait même semblant de nous écouter. Puis on nous fait comprendre qu’il y a des sujets plus urgents… ». C’est la raison essentielle qui avait poussé René Dumont à se présenter en 1974 aux présidentielles et rien n’a fondamentalement changé depuis.

– « Je reste pessimiste parce que je constate chaque jour, chaque seconde, à quel point nous sommes égoïstes, orgueilleux, mus par l’avidité et par l’obsession de la consommation matérielle. »

Nous sommes à la fois orgueilleux et altruiste, orgueilleux et humble, mus par l’idéal autant que par la matière. La proportion d’ange ou de démon en chacun de nous dépend d’abord de l’éducation que nous avons suivis, et du poids que nous accordons en conséquence aux contraintes sociales. Changeons la manière d’élever les enfants, l’individu sera bon et la société meilleure.

– « Guerres totales, génocides, attentats terroristes : nous massacrons gaiement nos semblables. Pourquoi aurions-nous le souci des générations futures ? »

Je suis objecteur de conscience, convaincu que l’attitude non-violente est la meilleure des armes. Je sais rationnellement que si tous les citoyens étaient opposés à l’usage collectif des armes, il n’y aurait plus d’armées, il n’y aurait plus de guerres. Ce n’est pas parce que notre système prône le contraire qu’il n’est pas nécessaire d’aller à l’encontre. L’éducation familiale, religieuse, scolaire… appelle à la soumission. Mais la désobéissance (civile) est toujours possible. De même nous sommes éduqués pour vivre et penser le présent. Une autre éducation est possible, nous pouvons intérioriser et représenter ce qu’on appelle la voix des tiers-absents, celle des non-humains, celle des générations futures, celle des autres peuples.

–  » Le problème des faucheurs volontaires, c’est qu’ils cessent de respecter la démocratie… Quelle sera la réaction de José Bové le jour où, au nom de la conscience, un individu transgressera le règlement qu’il a voté en tant que député européen ? »

Je connais suffisamment José pour savoir qu’il ne votera jamais un règlement allant à l’encontre des intérêts de l’humanité. S’il faisait un faux pas, il comprendrait sans doute qu’on agisse en conscience contre ses propres textes, lui qui a écrit : « Quand les gouvernements encouragent les intérêts privés ou les laissent s’imposer au dépens de tous et de la terre, il ne reste plus aux citoyens que d’affronter cet Etat de non-droit (Pour la désobéissance civique – édition La découverte) ». D’ailleurs  Yves Paccalet est assez contradictoire, lui qui a envie de se changer en opposant farouche, voire violent, dans le style des écoguerriers ». Yves Paccalet serait-il contre la « démocratie » quand cela devient nécessaire ?

–  » Comment calmer nos pulsions de reproduction ? (…) Nous devons maîtriser notre obsession congénitale du territoire et de la domination… L’homme est animé par de puissantes pulsions animales : le sexe, le territoire et la domination. Il ne s’en débarrassera jamais ; ces élans sont inscrits dans ses gènes »

Il n’y a pas d’instinct en l’homme, aucune programmation génétique autre que pour notre développement physique, uniquement du culturel pour notre comportement. Les curés se veulent stériles à vie et les nullipares existent ; tout dépend de notre éducation à la sexualité et au malthusianisme. Il n’y a pas d’obsessions, il n’y a que des idéologies. Rien n’empêche de choisir la pensée et l’action la plus durable… Rien n’empêche en soi que la conclusion d’ Yves Paccalet puisse advenir : «  L’avenir gît dans le développement de notre âme collective, de notre composante altruiste, de cette partie de nous mêmes qui œuvre vers l’association, le partage, la compassion, la générosité. »

– «  Nous avons besoin d’une loi mondiale… Créons un ministère de l’économie et des finances mondial… Seul un gouvernement du monde pourrait interdire le saccage des forêts tropicales, des récifs coraux, des terres agricoles… »

Conception étonnante de la part de quelqu’un qui vilipende les résultats du Grenelle de l’environnement ou de la conférence de Copenhague sur le climat : « Il n’en subsiste que de vagues déclarations de principe. » Un gouvernement national n’arrive pas à mettre en musique les bonnes intentions, à plus forte le niveau mondial. Cela fait des années que tout le monde réclame une Organisation mondiale de l’environnement pour contrebalancer le pouvoir de l’Organisation mondiale du commerce. Nous n’avons plus le temps d’attendre. C’est pourquoi la démarche à soutenir en urgence est celle des communautés de résilience, dite de transition : il faudra savoir localement résister aux jumeaux de l’hydrocarbure, la descente énergétique et le réchauffement climatique. Il faudra savoir négocier avec les possibilités biophysiques de son territoire d’appartenance : la commune, la région, la nation, la biosphère.

–  » J’ai vu des beautés du monde que mes enfants et mes petits-enfants ne verront jamais ; elles ont été anéanties par les pollutions de toutes sortes, le béton, le goudron, la tronçonneuse, les filets de pêche géants ; et ce pour le profit de quelques-uns, et toujours au détriment du plus grand nombre… »

Dommage que le système capitaliste libéral ne soit pas jugé comme responsable de la dégradation de la biosphère, dommage que la culpabilité de chacun de nous quand il achète un écran plat ou roule en voiture ne devienne pas une évidence. Pourquoi cette difficulté d’Yves Paccalet à s’en prendre à la fois à l’oligarchie dominante et à la responsabilité des peuples ?

1 réflexion sur “L’écologie ou la guerre, entretien avec Paccalet”

  1. Dernière phrase parfaite. Vision globale. Les peuples ont délégué leur vigilance à l’oligarchie dominante et par cet acte, se privent eux-mêmes de la démocratie. En tant que peuple, nous sommes directement responsables de notre destin. Il n’y a rien à attendre d’une minorité quant à l’intérêt général. Merci.

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