29 janvier 1984 : deux mouvements, le Parti écologiste et la Confédération écologiste, fusionnent : les Verts sont nés. Quatre ans plus tard, leur candidat, Antoine Waechter, obtient 3,8 % des voix à la présidentielle de 1988. (AFP)
29 janvier 2014 : Lorsqu’on a rappelé aux dirigeants écologistes la naissance de leur parti, on a eu cette réponse: «Mais on n’est plus les Verts !» Pardon ? La formation a beau s’être «transmutée» en Europe Ecologie – les Verts en 2010, elle n’en finit pas avec ses crises d’adolescence : disputes et réconciliations, soucis de croissance, rejet de l’autorité… (Libération, 24 janvier 2014)
Les Verts ont connu leur heure de gloire en 2009 avec un score inédit de 16,3 % aux élections européennes, c’était le seul parti à parler d’Europe… et d’écologie. Depuis, les écologistes ne donnent plus à voir que batailles d’ego et querelles de territoires. Le parti s’est institutionnalisé, il est devenu le syndicat des élus « verts ». Un tel parti et ses collaborateurs salariés se tournent uniquement vers les élections. Cécile Duflot défend la constitution d’un maillage d’élus, locaux et nationaux pour que leurs idées «infusent» dans l’opinion. Mais avec des personnes style Jean-Vincent Placé qui oublient constamment de parler d’écologie, rien ne se passe. Mieux vaut s’écharper sur le nom d’unE présidentiable ou ramer pour les têtes de liste des municipales que de penser une écologie de rupture avec le système dominant.
L’accord avec les socialistes a plombé la parole écolo, soumise à un gouvernement qui reste profondément productiviste. Pour avoir des élus en nombre, il fallait s’allier avec le diable. Le bilan de Mitterrand, Jospin ou Hollande en matière écolo est quasiment nul. La droite n’avait pas de mal à faire mieux : création en 1971 du ministère de l’environnement par Georges Pompidou, Charte de l’environnement en 2005, « Grenelle de l’environnement » lancé en 2007… Europe Ecologie-Les Verts sert maintenant de caution, le PS s’exonère des questions écologiques tout en virant avec Ayrault deux ministres de l’écologie… socialistes ! Belles paroles, reculades et procrastination. Voici le résumé de la «politique environnementale» du gouvernement Hollande.
La faute n’est pas seulement aux socialistes, l’écologie politique à la française a surtout été une critique sociale de l’aliénation ; quand l’écologie se veut trop à gauche, on ne parle plus de la planète, mais des avantages acquis à pousser à l’extrême. L’impuissance de l’écologie politique, c’est aussi le résultat du slogan « il est interdit d’interdire » de mai 1968. L’origine libertaire de l’écologie politique noie le souci de la planète dans les volutes du cannabis et les félicitées du mariage pour tous. La nature, les diagnostics scientifiques et le sens des limites restent des pensées marginalisées dans le parti. La seule chance de l’écologie politique, c’est que les thématiques de fond commencent à diffuser dans la population : appartenance de l’homme à la nature, sensibilité à la souffrance animale, nécessité de manger moins de viande. On voit des municipalités développer le tramway, les citoyens se mettre au tri sélectif et les secteurs des renouvelables et de l’isolation décoller.
Notons enfin que l’écologie politique n’a pas trente ans, mais quarante en réalité ; René Dumont a été candidat écolo aux présidentielles de 1974 et ce sont les associations environnementales qui l’y ont poussé. Faute d’une synergie entre individus, associations et partis, l’écologie politique ne progressera pas dans les mentalités. Un militant des Verts devrait faire preuve d’exemplarité dans son comportement quotidien en adoptant le principe suivant : faire preuve le plus possible dans sa vie de sobriété énergétique et d’autolimitation. La participation d’un militant écolo à une association à but environnemental devrait être recommandée, si ce n’est obligatoire. Pour aider à la formation d’un peuple écolo, il faut montrer que son engagement partisan (encarté dans un parti) n’est pas l’essentiel.
Les articles du MONDE sur Europe Ecologie – Les Verts en ligne le 30 janvier 2014 :
Isabelle Attard, députée : « Pourquoi je quitte Europe Ecologie-Les Verts »
Emmanuelle Cosse, d’Act Up aux micmacs écolos
A Montreuil, l’investiture contestée d’un candidat EELV aux municipales
A peine élue, la nouvelle patronne des écologistes voit sa majorité s’effilocher
« On est revenu à un système de clans » chez Europe Ecologie-Les Verts
Pas de quoi être fier…
LE MONDE donne une portion congrue au 30ème anniversaire des Verts*. On se contente d’interroger trois membres d’EELV. La nouvelle secrétaire nationale d’EELV, Emmanuelle Cosse, n’a rien à dire. Célia Blauel, candidate EELV aux élections municipales à Paris se focalise sur la « réhabilitation du site de l’AP-HP ». Le porte-parole d’EELV, Julien Bayou, énonce les magnifiques percées de l’écologie : le non-cumul des mandats et le mariage gay. Nous donnons la parole aux commentateurs sur le monde.fr :
– La dimension de ce court article du MONDE est le reflet de la faiblesse actuelle d’EELV et du manque d’impact politique dans l’opinion de ce parti. Réduit à des compromis invraisemblables pour conserver des postes ministériels, de députés et de sénateurs, il risque de perdre pas mal de crédibilité alors qu’il pourrait chercher à fédérer les nombreuses expériences novatrices que l’on voit dans la société civile,
– Ah la belle trouvaille que « l’écologie politique » ! L’ennui c’est qu’il y a beaucoup de politique et fort peu d’écologie. Reste à trouver de vrais défenseurs de l’écologie dans notre pays.
– Le problème est que les écologistes français n’ont pas de ligne politique autonome, sur le développement local, l’autogestion, etc. Du coup, c’est une gestion à la petite semaine et l’émergence d’ambitions personnelles.
– A quoi servent les Verts ? A quoi sert Emmanuelle Cosse ? A grappiller quelques prébendes pour un quarteron d’apparatchiks qui ont vendu leur âme contre un misérable plat de lentilles ministérielles. Les Verts servent à tenter de voiler derrière leur insigne médiocrité la question essentielle de notre temps: comment sortir du mythe de la croissance indéfinie dans un monde fini ?
– La place de l’écologie dans la société est primordiale. Cette approche permet de constater que le productivisme à la Montebourg et à la sauce MEDEF nous conduit au désastre environnemental. Mais si l’écologie est une belle et vénérable cause, par contre ceux qui s’en proclament sont des arrivistes et des opportunistes qui ont sali le concept de l’écologie. Espérons que les futurs scrutins les sanctionneront durement.
– En quoi les Verts sont un parti écologique alors qu’ils éludent la question qui est au cœur de la pensée écologique : la décroissance. La situation actuelle est une aubaine pour s’interroger si on doit faire le choix du toujours plus et mal ou moins mais en mieux.
* Le Monde.fr | 30.01.2014, Cosse : « La place de l’écologie dans la société augmente »
Il est terrible de se dire que si l’écologie politique a 40 ans alors, il s’est passé plus de temps entre aujourd’hui et sa naissance qu’il ne s’en passera entre aujourd’hui et l’effondrement de la nature et de nos sociétés, effondrement lié au fait même que nous n’avons pas pris en compte les avertissements de la dite écologie politique. Il y a un proverbe qui dit « Il est toujours plus tard que tu ne le crois ».