L’écologiste effondré et l’élu potentiel

L’écologiste effondré : J’ai encore du chemin à faire pour diviser par 5 ma production de CO2. Mais le problème ce n’est pas moi, c’est notre incapacité collective à agir à la hauteur des enjeux. Notre société va disparaître dans les pleurs et le sang. L’effondrement a commencé, il faudrait nous préparer aux chocs à venir, renforcer notre résilience individuelle et collective pour tenter limiter la casse… Mais nous continuons à mentir, à promettre que « demain nous allons raser gratis », que quelques aménagements à la marge nous permettront de ne pas remettre en cause notre mode de vie. J’ai deux petites filles de 15 mois et de 5 ans qui vont survivre ou mourir au cœur des horreurs qui se préparent…

Le politicien écolo : Je partage ton angoisse à propos de l’avenir. Et alors ? Tu proposes quoi au juste ? Je serais très intéressé de savoir comment tu fais avaler ce discours catastrophiste aux électeurs. Tu t’imagines que ce discours est vendeur pour les élections municipales ? Tu penses faire combien d’adhérents et récolter combien de voix avec un programme proposant de réduire de 10 fois notre empreinte carbone, comme le suggère Yves Cochet ? Le problème, c’est la démocratie… Si l’on veut être en position de prendre de vraies décisions, significatives, il faut être élus et avant d’être élu, il faut être en capacité d’être élu… Je constate que « les pauvres » dans les quartiers populaires de ma ville de banlieue parisienne se foutent pas mal du danger de « collapse ». Ils pensent surtout à gagner plus pour dépenser plus. Et je ne peux leur en vouloir puisque toute la société tourne autour de cette seule fonction de « consommateur »… Bref, notre programme tient aussi compte de ce que les électeurs peuvent entendre… Une règle de base dans une démocratie, pour qui veut prendre le pouvoir grâce aux élections pour être en position de prendre de bonnes décisions par la suite.

Biosphere : Cet échange réalisé entre deux militants d’un même parti écologiste résume la contradiction entre le fait qu’il y a vraiment urgence écologique d’une part, mais que pour arriver en situation de décider, il faut être élu et donc faire plaisir. « Le problème, c’est la démocratie ! ». C’est exact, des populations qui peuvent élire Poutine, Trump, Bolsonaro ou Macron ne sont pas du tout préparées à la rupture. La démission de Nicolas Hulot de son poste de ministre de l’écologie de Macron a démontré que même avec un président qui se dit « progressiste », il n’y a pas d’avancée réelle possible en matière écologiste dans un monde « business as usual ». Or nous sommes déjà entrés en temps de guerre, une guerre que nous menons internationalement contre la planète pour s’accaparer ses richesses et éliminer tout ce qui n’est pas appropriation humaine. Il faudrait donc annoncer politiquement « Du sang, du labeur, des larmes et de la sueur »… comme en temps de guerre*. Un écologiste qui ne dirait pas cela aujourd’hui, à quelque poste électoral qu’il brigue, ne serait pas un véritable écologiste. Nous devons par exemple dire aux « pauvres » qui roulent en automobile et s’accaparent parfois les ronds-points que le prix du litre d’essence devrait être au moins dix fois plus cher que son montant actuel pour atténuer la brutalité du prochain choc pétrolier et diminuer le réchauffement climatique. Qu’on ne soit pas élu quand on tient un discours de vérité n’est pas grave puisque ce discours était le seul qui devait être tenu. Flatter le peuple n’est pas un exercice démocratique, mais une manœuvre démagogique et populiste indigne d’un parti écologiste. Au fur et à mesure que l’effondrement de la société militaro-industrielle deviendra une évidence aux yeux des électeurs, il y aura deux pistes offertes. Soit mettre des écologistes réalistes au pouvoir et accepter la sobriété partagée, soit acclamer un nouveau Führer et accumuler les guerres. Le peuple n’a pas toujours raison… Comme l’écrivait Henry David Thoreau dans La désobéissance civile (1849), « Tout homme qui a raison contre les autres constitue déjà une majorité d’une voix ».

* « « I have nothing to offer but blood, toil, tears and sweat » (Je n’ai à offrir que Du sang, du labeur, des larmes et de la sueur) est une expression célèbre prononcée par Winston Churchill le 13 mai 1940, dans son premier discours devant la Chambre des communes, après sa nomination au poste de Premier ministre du Royaume-Uni durant la Seconde Guerre mondiale.

4 réflexions sur “L’écologiste effondré et l’élu potentiel”

  1. écolo militant

    Les écologistes ont toujours eu une mission de « lanceurs d’alerte » sur la catastrophe écologiste qui s’annonce et se rapproche inexorablement, depuis 1974 (et le verre d’eau de René Dumont). Notre message est clair : « Si nous ne changeons pas radicalement nos modes de vie nous courrons à la catastrophe ! » N’ayons pas peur de ce discours car il fait notre différence avec tous les autres partis politiques qui estiment que le monde n’est pas réellement en danger et qu’il peut être sauver par des « mesurettes » sans changer nos modes de vie en profondeur ! Les résultats d’EELV sont d’autant meilleurs que les citoyen.e.s sont conscient des enjeux cruciaux (exemple 2009 avec le discours de Nicolas Hulot, le film « HOME » ou 2019 avec le discours alarmiste du GIEC ..). S’il n’y a pas cette dramatisation, « l’écologie de Macron » suffira aux électeurs/trices !

  2. – « Soit mettre des écologistes réalistes au pouvoir et accepter la sobriété partagée, soit acclamer un nouveau Führer et accumuler les guerres. »

    Le comble serait un Fürher qui se ferait élire « démocratiquement » sur un programme soit disant écologiste. Un « homme providentiel » à la tête d’un « parti national écologiste » avec pour projet de l’étendre à la Terre entière. Et qui ferait graver à tous les frontons : « la fin justifie les moyens ». Je crains que ce soit ça qui nous pende au nez.
    Reconnaissons au moins que l’écologie a bon dos. Je m’explique. Etant donné que personne ne peut rester insensible à l’état de la planère, l’écologie est devenue incontournable pour vendre quoi que ce soit. Même là c’est le « business as usual », les exemples ne manquent pas. Bien sûr l’emballage y fait pour beaucoup, la gueule du marchand aussi, sans parler de la pub, autrement dit la propagande.
    Je veux dire par là que l’écologie s’accommode facilement à toutes les sauces. De droite comme de gauche, comme du ni-ni, comme du grand n’importe quoi. Qu’elle sert même à donner envie d’essayer les plus dégueulasses. Bref, aujourd’hui il y a de l’écologie pour tous les goûts, l’écologie est récupérée de tous les côtés. L’écologie a bon dos.

    Finalement, le comble, le plus comique ou le plus tragique peu importe.. serait que lorsqu’on aura goûté à ce Fürher déguisé en vert, on en vienne alors à regretter l’actuel greenwashing des industriels, nos écotartuffes d’opérettes et de salons et Jean Passe.

  3. « C’est exact, des populations qui peuvent élire Poutine, Trump, Bolsonaro ou Macron ne sont pas du tout préparées à la rupture.  »

    Des populations ayant élu Mère kel ou macrondelle ou Sanchez ou TruDeau (horresco referens) ne semblent pas plus préparées au coup de Trafalgar d’ un probable effondrement
    Bolsonaro avait suscité ma sympathie pour avoir voté une sorte de 2d amendement au Brésil mais il semblerait (à prendre cum maximo grano salis car rumeur issue des journaputes occidentaux) que notre gaillard ait fait relancer la destruction de la forêt amazonienne : ce type serait si l’ information est avérée , un solide taré et pourtant il de droite identitaire !

    Les pollutions de tous types me semblent autrement concrètes et préoccupantes que l’ hypothèse Giecienne d’ un changement climatique mais ce changement n’ est bien entendu pas impossible !

  4. Le monde va mal, par conséquent nos pauvres petites têtes aussi, c’est normal.
    Dans l’autre sens : nos pauvres petites têtes vont mal, par conséquent le monde aussi. C’est normal.
    Ouf, si c’est normal me v’là rassuré !
    Problème de démographie, problème de démocratie… problèmes d’énergie, problèmes économiques, problèmes de mathématiques, problèmes techniques. Petits ou gros problèmes quotidiens. Problème pour « choisir » la couleur de la salle de bains, problèmes réels ou imaginaires de santé, de pognon, de boulot, de voisinage et Jean Passe.
    Avec tous ces problèmes, en effet il y a de quoi être effondré.
    Ou pas.

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