Les décroissants contre les « gilets jaunes »

Un mois que l’insurrection des gilets jaunes a débuté, le mensuel « La Décroissance »* avait porté un regard critique qui nous semble pertinent.

Fièvre jaune : Bravo Nostra Decroissanssus ! Ce jour du 17 novembre 2018 est à marquer d’une pierre « jaune » ! Depuis dix ans que je te lis, tu nous a toujours prédit le scénario d’une France « imbécile » manifestant pour « plus de fric, de pétrole, de bagnoles et autres bimbeloteries inutiles », se révoltant et bloquant un système consumériste qu’elle idolâtre. La bêtise absolue s’est emparée d’une France dont le gilet « jaune » lui va si bien, tous unis dans l’absurde, quel spectacle pitoyable ! (Serge Wallpott, lecteur de La Décroissance)

Autoroutes cyclables : Je pensais naïvement que, vu les cataclysmes dus au réchauffement climatique qui se sont abattus ces derniers mois sur notre planète, les gens aillaient être volontaires pour changer de mode de vie ! Eh bien non, ils protestent parce que le prix des carburants ont augmenté de quelques centimes alors que le prix de l’essence devrait au minimum être doublé. Il est inadmissible que se déplacer en voiture coûte moins cher que de prendre le train. (Jean-Claude Tosan, lecteur)

A bout de souffle : Je ne suis pas fan des gilets jaunes. La classe moyenne qui étale son exaspération sur la place publique et revendique son pouvoir d’achat a bien été séduite, d’abord, par les sirènes de la consommation permanente érigée en art de vivre. L’accumulation de bien matériels a créé un édifice instable, prêt à s’écrouler dès qu’un imprévu apparaît (ici hausse du carburant). Lorsque surgira une vraie crise, il y aura bien des réveils douloureux. (Pierre Marthouret, lecteur)

Le piège se referme : Quant au mode d’action adopté pour exprimer la révolte des gilets jaunes, il a de quoi réjouir les vélorutionnaires que nous sommes : bloquer des ronds-points, des rocades, des autoroutes, des accès aux centre commerciaux, mais aussi des dépôts pétroliers, ça a tout de même plus d’impact que les habituelles manifs-balades… Profitons-en pour balayer un lieu commun utilisé par les adversaires de la décroissance afin de nous discréditer : « Comment osez-vous parler de décroissance alors que des gens n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois ? » Rappelons-le, la décroissance a pour premiers impératifs l’auto-limitation et le partage, c’est un combat égalitaire qui s’en prend aux modes de vie les plus prédateurs. Ceci posé, on ne va tout de même pas railler la défense du veau de tôle de notre civilisation, la sacro-sainte bagnole. Car même si les gilets jaunes posent des questions essentielles, il n’en reste pas moins que la défense de l’automobile et du style de vie consumériste qui va avec est au cœur de leur lutte. C’est leur intraveineuse de pétrole que les dépendants du volant réclament au meilleur marché… Et évidemment il ne faut pas croire une seconde ce gouvernement quand il jure mordicus de vouloir sauver la planète avec sa petite taxe carbone : s’il se piquait d’écologie, il mettrait fin au déploiement des infrastructures routières. Comme le disait Nicolas Sarkozy lors de la crise économique de 2008, « l’État est prêt à tout pour sauver l’industrie automobile »… Malgré l’hypocrisie de la taxe carbone, nous soutenons, à l’opposé des gilets jaunes, que les carburants ne sont pas assez chers, vu les ravage qu’ils provoquent. (Pierre Thiesset, journaliste)

* extraits de « La Décroissance », décembre 2018-janvier 2019